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C’est quoi, un « french tacos », et pourquoi j’en vois partout?

Le nouveau sandwich préf de l’Hexagone est prêt à conquérir le monde.

Par
Billy Eff
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J’ai une passion folle pour les sandwichs, de tous les genres. Mon premier kébab parisien, mangé à la sortie d’une boîte à 4 h du matin, a profondément changé ma manière de concevoir la nourriture de rue. Je garde constamment un oeil sur ce qui se fait de nouveau, et je suis toujours down d’essayer de nouvelles concoctions de viandes, légumes et sauces dans du pain.

À mesure que je reprends mes habitudes d’arpenter les rues pour aller voir ce qui se fait de nouveau dans le monde des restos, j’ai remarqué que des restaurants de french tacos (oui, le « s » est prononcé, même au singulier) ouvraient un peu partout dans Montréal.

De dire que c’est à mi-chemin entre un kebab à la française et un burrito style tex-mex serait une définition acceptable, mais qui ne lui fait pas justice.

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Je les vois gagner en popularité en France depuis quelques années, sans en avoir essayé. Et quand mon frère est arrivé chez nous avec un genre de brique, grillotée en quadrillé comme un panini, dégoulinant de fromage, de frites et de viande, j’étais… réticent?

Depuis 2019, environ une trentaine de restaurants de tacos ont ouvert leurs portes, avec de nouvelles addresses poussant comme des champignons. Mais c’est quoi, au juste, un french tacos, et pourquoi les chaînes spécialisées se multiplient-elles?

French tacos, quésaco?

De dire que c’est à mi-chemin entre un kebab à la française et un burrito style tex-mex serait une définition acceptable, mais qui ne lui fait pas justice. En seulement quelques années, le tacos est devenu le fast-food national de la France, n’en déplaise à certaines personnalités politiques qui y voient un symbole maudit de la mondialisation. C’est un modèle efficace, qui ne réinvente pas la roue du sandwich de restauration rapide, mais en fait un masterclass, comme on dit là-bas.

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Une galette tortilla de blé style wrap (le seul élément qui le rapprocherait d’un réel taco), les légumes et protéines de votre choix, quelques frites, et surtout, une « sauce fromagère ». C’est en fait une sauce Mornay, soit une béchamel à laquelle on ajoute un fromage, plus souvent du gruyère, de l’emmental ou du cheddar. Selon la plupart des fans de tacos que j’ai consulté.e.s, c’est vraiment cette sauce fromagère qui différencie les chaînes entre elles.

« Un peu comme une pizzéria ou un restaurant de hot-dog, c’est vraiment dans le choix des ingrédients et dans la composition que tu peux te différencier », me dit Youssef Elhariri, copropriétaire du restaurant Tacos Nation, sur le boulevard Saint-Laurent à Montréal. Lui et son partenaire Chahine Imarazne se sont rencontrés lorsqu’ils étaient étudiants et travaillaient comme cuisiniers dans un restaurant du Vieux-Montréal.

Tous deux d’origine maghrébine, ils connaissaient déjà le tacos, qui était si populaire dans la diaspora en France. C’est durant la pandémie qu’ils ont eu l’idée d’ouvrir le restaurant, y voyant une opportunité quasi COVID-proof. Depuis six mois, Chahine et Youssef servent des french tacos aux fêtard.e.s et aux étudiant.e.s de la Main.

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« Ça sort du modèle traditionnel de restauration, m’explique Youssef. Normalement, il y a une hôtesse qui vous accueille, on vous montre votre table, on vous offre le menu, le serveur prend en charge votre commande, etc. Mais pour le concept fast-food, pour un moment comme la pandémie, c’était idéal, parce que je diminuais les coûts de main-d’oeuvre. Donc d’avoir une Belle Province ou de faire des tacos français, tu peux avoir le même succès. C’est comme une bonne pizzeria de coin de rue : tu n’as pas besoin de beaucoup d’employés sur le plancher. Donc si en tant qu’entrepreneur, tu es le gars sur le plancher, tu baisses considérablement ton seuil de rentabilité! »

Le junk food à la frenchy

Son origine est quelque peu contestée, mais la plupart des gens s’entendent pour dire que le tacos viendrait de la banlieue lyonnaise, entre Villeurbanne et Vaulx-en-Velin. Cela expliquerait le fait qu’on lui prête aussi le nom de tacos lyonnais, ou encore de « matelas » (je comprends pourquoi, après en avoir mangé un).

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C’est à la fois ironique et évident que ce soit dans la capitale gastronomique de la France que son premier réel succès soit né. Comme l’explique Loïc Bienassis, historien à l’Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation, « la France est un pays qui, depuis maintenant des décennies, est urbain, industriel et divers. Le french tacos est un produit mutant, le junk food propre à la France. »

C’est hypercalorique, c’est une explosion de saveurs, c’est une montagne russes de goûts et de sensations; en bref, c’est l’équivalent de TikTok dans un sandwich.

Si le tacos apparait sur la scène lyonnaise vers la fin des années 2000, c’est vers 2013 qu’il vient enfin conquérir la capitale. En commençant, bien entendu, par les banlieues. Le leader du marché, O’Tacos, compte à lui seul plus de 300 restaurants en France, avec d’autres succursales à l’international. Des dizaines d’autres chaînes se battent pour leur part, et de nouvelles sont fondées presque hebdomadairement.

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Le nouveau Big Mac

Ce qui fait son succès, c’est son accessibilité. Roboratif, rapide, infiniment personnalisable, halal et, c’est là tout son business model, moins cher que McDonald’s. Les jeunes français l’adoptent rapidement, et il entre dans la culture populaire. Le restaurant de tacos près de l’école devient le point de ralliement, et même les rappeurs s’y mettent. PNL, Niska ou encore MHD en parlent dans leurs chansons, alors que le légendaire Mokobé, du groupe 113, a fondé Tacoshake, sorte de réponse française à Shake Shack.

C’est avant tout son côté excessif qui en fait une nourriture propice pour un succès auprès des jeunes. C’est hypercalorique, c’est une explosion de saveurs, c’est une montagne russes de goûts et de sensations; en bref, c’est l’équivalent de TikTok dans un sandwich. On se lance, on se laisse s’y perdre, et on ressort changé.e, brassé.e.

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En 2018, ce sont près de 80 millions de tacos qui ont été vendus en France. Depuis, le petit tacos s’est exporté un peu partout, à commencer par l’Allemagne, qui est elle aussi friande de sandwichs rapides et excessifs, pour se propager partout en Europe et dans le Maghreb.

« Hier, j’ai reçu un mauvais review de la part d’un client, qui s’attendait à un taco à la mexicaine, raconte Youssef. On a encore un gros travail d’éducation à faire ici, par rapport au tacos français. Mais si tu dis “tacos” à un jeune maghrébin ou franco-africain, il va tout de suite penser à un french tacos. »

Malgré le fait que la chaîne française O’Taco ait raté le pari d’ouvrir une succursale dans la Grosse Pomme, le New Yorker prédisait déjà un succès outremer pour ce junk food frenchy. Même le média spécialisé Toute la franchise lui donne « un potentiel de croissance colossal pour les 10 à 20 prochaines années », expliquant que « le coût de revient d’un tacos vendu en moyenne 7 € ou 8 € est de 2 €, voire moins. Les ventes, quant à elles, peuvent atteindre des volumes considérables : le chiffre d’affaires moyen d’un restaurant de tacos sous enseigne est compris entre 750 000 € et 2 millions d’euros. »

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Et ça, c’est dans un marché aussi compétitif que serré. Ceux qui sauront se positionner comme leaders dans la province, et au pays, pourraient donc espérer un succès très rentable de ce côté-ci de l’Atlantique!