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Je veux des enfants. Pas comme une fillette de quatre ans qui veut un cornet de crème glacée, mais comme une de ces femmes qui sont certaines d’être faites pour être mères. À la mi-trentaine, j’avoue d’emblée que c’est l’aspect de ma vie qui m’affecte le plus.
Dans notre société, on valorise de plus en plus la famille et c’est tant mieux. Étant prise avec le problème inverse, m’exprimer à propos du fait de ne pas avoir d’enfant cause souvent un malaise, comme si ces deux réalités ne pouvaient coexister.
En voyant des photos d’enfants couverts de purée de carottes défiler dans mon fil d’actualité, c’est facile de prendre la distance nécessaire pour comprendre que le bonheur des parents n’a absolument rien à voir avec moi. C’est à partir du moment où j’avoue mon problème que les choses se gâtent. Le désir de vouloir un enfant semble être un tabou qui gâche le party des parents.
J’avais une copine qui commençait souvent ses phrases par “Si tu avais des enfants, tu comprendrais…” Je me suis dit qu’elle ne faisait pas exprès et avait simplement oublié à quel point mon désir d’avoir un enfant prenait de la place dans ma vie. Puisque j’oublie aussi souvent plein de choses, je pouvais bien être indulgente envers elle! Je lui ai donc rappelé que le fait de ne pas avoir d’enfant me rendait triste… elle a simplement haussé les épaules et a continué à me mettre le doigt sur le bobo.
J’ai lu sur le blogue de Kate Bettison, qui a écrit un livre à propos de son infertilité, qu’en consultant des commentaires à propos de la voiture qu’elle voulait acheter, plusieurs femmes écrivaient qu’en tant que mère, elles voulaient avoir une voiture sécuritaire avec beaucoup d’espace, etc. Elle a ajouté que ces critères étaient aussi valables pour les gens sans enfants parce qu’après tout, qui ne veut pas avoir une voiture sécuritaire? Elle a reçu un paquet de commentaires négatifs, comment osait-elle insinuer que ses besoins étaient les mêmes que ceux d’une mère?
Quand on vit avec le drame de devoir possiblement renoncer à la chose qu’on veut le plus au monde, il faut aussi dépenser de l’énergie à se faire une carapace.
Comme tout le monde, il m’arrive d’aller souper chez des couples qui ont des enfants. Partant toujours de la prémisse que les gens ne peuvent pas deviner comment je me sens quand on parle de maternité de six heures le soir à minuit et que demander à une mère de changer de sujet peut s’avérer socialement inacceptable, j’ai dû leur avouer que j’étais en train de quitter mon conjoint qui ne voulait pas avoir d’enfant et qu’en cette période difficile, je préférais refuser une nouvelle invitation. La réaction a été désastreuse : “Tu vas quand même pas écarter de ta vie tous les gens qui ont des enfants!” Bien sûr que non, mais comment expliquer rationnellement qu’il y a un juste milieu à tout?
Tandis que je dinais au bureau, une collègue s’est mise à parler de caca. Devant mon dégoût, elle a fini par accepter de changer de sujet en rigolant. En racontant cette anecdote à une copine, j’ai senti que je l’avais insultée : “C’est parce que tu n’as pas d’enfants! Quand t’as des enfants, il n’y a rien qui t’écoeure” puis elle m’a un peu fait la gueule. Je me suis alors rendu compte que j’étais en minorité au bureau et que selon la réaction de mon amie, j’étais celle qui empêchait tout le monde de laisser libre cours aux conversations scatologiques. J’ai donc décidé de manger toute seule à mon bureau à partir de ce moment-là.
Pour passer le temps, j’ai eu l’incroyable idée d’avoir un chien.
Depuis, on me dit des choses comme : “C’est platte un chien, tu devrais faire des enfants à la place.” ou encore “T’as appelé ton chien Céleri?! Franchement! Une chance que t’as pas d’enfants!”
Étant la fille la plus maladroite que je connaisse, je suis bien placée pour comprendre que ces commentaires ne sont aucunement mal intentionn és, mais pour moi, avoir un chien au lieu d’un enfant est un drame immense et je n’ai pas envie d’en rire. Si j’étais une personne âgée qui s’était acheté un chien pour combler sa solitude, est-ce que les gens feraient des blagues là-dessus?
La fille dans la mi-trentaine sans enfant a aussi des sentiments auxquels on peut faire attention de temps en temps!