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C’est comment, être agent.e de bord, en ce moment?

Un steward nous explique la situation sur le terrain et nous partage ses conseils.

Par
Billy Eff
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Si vous avez eu la chance de voyager à l’extérieur du pays cet été, vous avez aussi probablement eu le malheur de devoir dealer avec le bordel qui règne à l’aéroport.

Ici comme ailleurs, les aéroports sont assaillis de voyageur.euse.s excité.e.s de repartir à l’aventure après deux ans de confinement. Mais, comme les autres industries, celle du tourisme doit composer avec une pénurie de main-d’œuvre, qui entraîne de nombreux délais, retards, erreurs et annulations de vol. Les files pour passer la sécurité sont interminables, et les pertes de bagages atteignent des records.

Si c’est beaucoup de stress et de maux de tête pour nous en tant que passager.ère.s, imaginez ce que ça doit être quand on est la manifestation physique de la compagnie aérienne; la personne sur qui les gens peuvent, selon leur humeur, soit compter, soit déverser leur colère.

Les agent.e.s de bord étaient déjà, bien avant la pandémie et tous les problèmes qu’elle a causés, les souffre-douleur des passager.ère.s cranky et désagréables. Mais avec la situation actuelle, tout est amplifié.

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Entre deux vols Montréal-Paris, on s’est entretenu avec Alejandro*, agent de bord chez Air Canada, pour mieux comprendre sa situation et recueillir quelques conseils pour avoir le vol le plus smooth possible.

Salut Alejandro! Travailles-tu sur beaucoup de vols ces temps-ci?

Je suis revenu hier en soirée de Paris, et j’y retourne tout à l’heure, vers 20 h. C’est un des vols les plus achalandés ces jours-ci, il est toujours plein. Sinon, j’ai fait Los Angeles et quelques autres endroits récemment.

Est-ce que la situation dans les aéroports commence à s’améliorer, d’après toi?

Je crois qu’on remonte la pente. C’est vrai que fin juin, début juillet, je voyais le nombre de délais augmenter. Moi, je ne les vivais pas, mais j’avais des collègues pour qui c’était des deux heures, quatre heures de délai.

Mais là, je constate qu’on est plus de staff, je vois beaucoup de gens en formation. Donc je crois que le pire est passé, mais il faut garder un œil sur la situation.

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Dirais-tu que le vrai problème est là, dans le manque de personnel?

Oui, c’est vraiment ce qui cause les problèmes. On est dans une période où tout le monde veut voyager après la pandémie, tout le monde a de l’argent à dépenser. Mais dans l’industrie du tourisme, il y en a plein qui ont quitté leur travail ou qui se sont trouvé autre chose comme emploi. Ça ralentit beaucoup la cadence.

« C’est pas évident, mais on est humains et on prend le temps d’écouter les gens et de les aider quand on est en mesure de le faire. »

Il y aussi le fait que lorsqu’on est agent de bord ou pilote, il y a un nombre maximal d’heures consécutives que l’on peut travailler. Ç’a des implications de sécurité avant tout : on ne peut pas faire notre job comme du monde et vous garder en sécurité si on est rendu à la 22e heure de notre shift.

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Donc malheureusement, quand notre shift est terminé, il est terminé et on ne peut rien faire. Mais il n’y a simplement pas assez d’employés pour assurer tous les vols en ce moment, donc les compagnies aériennes font des choix selon les destinations et les horaires.

Et les passagères et passagers sont-ils compréhensifs et respectueux?

On a vraiment toutes sortes de voyageurs! (rires)

Tu peux avoir des gens qui sont stressés, qui ont fait 18 h de vol et 3 escales, sans manger ni boire, ce qui cause parfois des urgences médicales comme on a pu en voir récemment, surtout avec la chaleur en Europe en ce moment.

T’en as d’autres qui sont super chill et relax et qui comprennent que c’est autant hors de notre contrôle que du leur.

Et comme toujours, il y en a qui ont une journée de merde et qui veulent que tu souffres aussi!

Est-ce qu’on vous apprend comment composer avec des passagères et passagers agressifs ou chiants?

On t’apprend la base, t’as quelques cours de sécurité et de service à la clientèle. Donc oui et non, je dirais. Mais surtout, on t’engage pour ta personnalité, et il y a toujours des personnalités différentes dans un équipage, alors si un client devient trop difficile, on peut demander à une autre personne de dealer avec.

« On va s’arranger, il y a toujours une solution, tu vas te rendre à ta destination finale en sécurité, même si c’est plus tard que prévu. »

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Qu’est-ce qui a changé dans ton travail au quotidien, post-pandémie?

Mis à part les délais qui sont fréquents, je dirais qu’il n’y a pas grand-chose qui a changé. J’ai eu deux ou trois passagers très fâchés, mais somme toute, je dirais que ça se passe bien. C’est moins pire que ce que les gens pensent.

En même temps, je dois admettre que je ne vois pas l’après. Nous, on va directement à l’hôtel, ou on rentre à la maison, en descendant du vol. Mais je sais qu’il y a beaucoup de gens qui manquent leur escale, qui se font annuler leur vol, attendent des heures, doivent se trouver des hôtels. C’est vraiment ça, le plus tough, mais moi, je ne le vis pas et ne le vois pas.

C’est pas évident, mais on est humains et on prend le temps d’écouter les gens et de les aider quand on est en mesure de le faire.

Qu’est-ce qu’il faut garder en tête, si on est dans une situation où notre vol est annulé ou retardé?

Quand c’est une situation qu’on ne peut pas contrôler, il faut simplement go with the flow. On va s’arranger, il y a toujours une solution, tu vas te rendre à ta destination finale en sécurité, même si c’est plus tard que prévu. Il ne faut pas commencer à stresser plus que nécessaire avec ça.

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Si tu arrives dans ton vol avec une mauvaise énergie et que tu projettes ça sur nous, ça va être difficile pour nous de bien s’entendre et c’est plate, parce qu’on est pognés ensemble pendant des heures à 40 000 pieds d’altitude!

Qu’est-ce que les gens peuvent faire pour rendre leur vie et la vôtre plus faciles, en ces temps difficiles?

Premièrement, partez d’avance! Arriver trois heures avant son vol, c’est fini. On ne sait jamais ce qui peut arriver comme imprévu et les files sont énormes. Même pour un vol d’escale, trois heures, c’est un peu juste.

Je conseille aussi aux gens de voyager léger, parce que comme on l’a vu dans les médias, il peut arriver toutes sortes de situations avec les bagages. Prenez deux sacs, un que vous mettrez dans le compartiment de rangement au-dessus de vous, et l’autre sous votre siège. Les gens voyagent avec beaucoup trop de vêtements : t’as pas besoin de beaucoup plus que deux pantalons et quelques chandails. Et il y a toujours moyen de faire son lavage, même en vacances!

*Prénom fictif

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