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C’est comment, avoir un enfant qui fait de la douance ?

Spoiler alert : c’est pas comme élever Einstein.

Par
Philippe Côté-Giguère
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Avez-vous toujours rêvé de savoir comment c’est, avoir un enfant surdoué au basketball? De vivre avec un garçon atteint d’un handicap sévère? D’être parent d’une petite de 13 ans qui fait déjà son entrée à l’université?

On vous propose de vous plonger dans l’univers de parents qui vivent des situations familiales méconnues en abordant des sujets tantôt drôles, parfois lourds, mais toujours dans le but de mieux comprendre leur réalité.

Ce mois-ci, on a jasé avec Stéfany Mc Lean, mère d’un ado de 14 ans nommé Dévryk, qui possède la double exceptionnalité (douance et trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité).

Quels ont été les premiers signes qui vous ont fait croire que votre enfant avait une condition particulière?

Vers 2 ans et demi, on trouvait vraiment qu’il était à un niveau supérieur comparativement à d’autres enfants de son âge. Il s’est mis à développer une passion pour le système solaire. On lui avait montré un petit livre sur les planètes. On faisait juste lui dire les noms des planètes et il les retenait. Il avait appris à les classer selon leur position par rapport au Soleil. Il a voulu savoir de quoi étaient faites les planètes, de quelles matières leur noyau était constitué. On trouvait ça un peu intense, mais c’était notre premier enfant, alors on n’avait pas vraiment de références autour de nous.

Il était très allumé et intéressé par des sujets qui ennuyaient les autres enfants. Déjà à cet âge, il avait une mémoire phénoménale. Quand quelque chose le passionnait, il retenait tout, comme une encyclopédie.

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En avez-vous discuté avec son pédiatre?

Au début, non. On ne se posait pas tant de questions. Quand il est entré à la maternelle, il y a vraiment eu un gros clash. Il assimilait l’information très rapidement sauf que, vu qu’il comprenait très vite, il s’ennuyait énormément en classe, ce qui a eu un impact sur son intérêt et son comportement.

De la maternelle à la troisième année, ça a été très difficile. Par contre, ses notes étaient exceptionnelles; il était dans les 95% et plus, sauf qu’il s’ennuyait profondément. Il dérangeait et là, son TDAH ressortait : il ne tenait pas en place. Dans le système scolaire qu’on a, si t’as des bonnes notes, mais que ton comportement n’est pas optimal, tu es un peu laissé à toi-même.

C’est en troisième année que la professeure a vu qu’il avait une façon de fonctionner différente des autres. Il avait beaucoup de difficulté avec sa gestion des émotions, comme la colère, et c’est par la suite qu’on s’est rendu compte que ce n’était pas juste une question d’intelligence. Au contraire, c’est une question de stimulation, d’intérêt; c’est très complexe au niveau psychologique.

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Dévryk n’était vraiment pas bien dans sa peau; il avait des réactions disproportionnées, de la difficulté à se contrôler. Il s’est mis à avoir des idées noires. Ce que les médecins nous disaient, c’est qu’il était sûrement hyperactif, qu’il avait un déficit de l’attention… Sauf que ça n’allait pas plus loin.

Puis, j’ai une collègue de travail dont le fils avait eu un diagnostic de douance qui trouvait que mon expérience et la sienne avec son fils se ressemblaient. Elle m’a fait lire sur le sujet de la douance et c’était comme si tout ce que je lisais décrivait mon fils, point par point.

Quand il a eu 9 ans, on est allé voir une neuropsychologue spécialisée en douance et c’est sorti assez vite : douance avec TDAH, soit une double exceptionnalité.

Donc, entre 3 et 9 ans, vous vous doutiez de quelque chose, mais ce n’était pas diagnostiqué. C’est bien ça?

Non, tout ce que les gens nous disaient, médecins ou autres, c’était qu’il était très allumé, que ça allait s’équilibrer avec le temps. Il est né en décembre, donc il avait presque une année d’avance sur les autres. Les gens disaient qu’étant donné qu’il était plus vieux que c’était normal que ça soit plus facile pour lui. Il y avait toujours des explications logiques selon les professionnels à qui on parlait.

Nous, on avait l’impression qu’il était différent, mais en même temps, on finissait par se demander si c’est nous qui voulions qu’il soit différent.

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Plus on rencontrait des amis avec des enfants du même âge, plus on voyait qu’il y avait quelque chose de différent. C’était rock and roll jusqu’à ce qu’on ait le diagnostic.

À partir de ce moment, tout a changé parce qu’on était maintenant en mesure de comprendre comment son cerveau fonctionnait, de lui expliquer pour qu’il comprenne que c’était normal qu’il ait de la difficulté à contrôler ses émotions. L’information rentre tellement vite dans son cerveau qu’il n’a pas nécessairement le temps de bien analyser, ce qui l’amenait à réagir trop rapidement. Juste de pouvoir mettre des mots sur comment il se sentait et pourquoi il agissait de cette façon, ça lui a permis de mieux comprendre ce qu’il vivait.

J’ai suivi une petite formation pour mieux adapter ma façon d’agir. Souvent, on lit dans des livres comment on doit se comporter avec les enfants. Tout le monde va à droite, mais avec une douance, il faut aller à gauche.

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C’est à partir de ce moment-là que j’ai compris que tout ce dont il avait besoin, c’était que je le comprenne, parce que tant que je ne le comprenais pas, il continuerait à « s’obstiner ».

Je dis ça, mais pour lui, c’est du dialogue. Il faut prendre le temps d’écouter, de répondre. Sauf que des fois, c’est pas facile, parce que ça demande beaucoup de patience. Une fois qu’on comprend comment notre enfant fonctionne, on peut mieux communiquer avec lui et l’aider à s’épanouir.

Photo : Stéfany Mc Lean
Photo : Stéfany Mc Lean

Qu’est-ce que ce diagnostic a changé dans sa vie? Dans votre vie de famille?

Ça a changé notre façon de fonctionner parce qu’on s’est rendu compte qu’il fallait beaucoup communiquer. Il faut vraiment lui expliquer les choses pour qu’il les comprenne, sans quoi il peut s’obstiner longtemps. Ça nous a demandé énormément de patience : il faut prendre le temps de s’asseoir, de parler, d’essayer de lui faire comprendre notre point de vue, mais surtout de comprendre son point de vue pour qu’il se sente accepté.

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Ses besoins sont surtout par rapport à l’estime de soi. Dévryk est hypersensible. Il faut vraiment être à l’écoute.

Croyez-vous que le terme « douance » est perçu de la mauvaise façon par la société?

Oui, je pense que ça vient avec des préjugés, parce que dès que tu dis que ton enfant a une douance, les gens vont dire : « Bon, regarde-la. Elle pense que son enfant est surdoué, qu’il est bon dans tout, qu’il a un QI plus élevé que la moyenne. » Pourtant, je déteste ce mot parce que la douance, ce n’est pas juste une question d’intelligence, ça agit sur plein d’autres aspects psychologiques. Ça peut aussi dire que la personne a une hypersensibilité, un grand sens de l’empathie, de la difficulté à gérer ses émotions. C’est énorme à porter.

Oui, c’est vrai que des personnes douées peuvent être très intelligentes et assimiler l’information rapidement, mais les gens vont automatiquement penser « douance = surdoué ».

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C’est comme si les mots choisis signifiaient quelque chose de complètement différent que la réalité. Souvent, les gens s’imaginent que c’est un enfant qui est bollé à l’école, sauf que ça se peut que le petit bollé de l’école, il n’ait pas de douance. Il est peut-être tout simplement capable d’apprendre vite et d’avoir des bonnes notes, mais c’est pas parce que tu as des bonnes notes que tu as de la douance pour autant.

Quand je parle à d’autres mamans dont un enfant a une douance, elles me disent toutes la même chose. On éprouve un malaise et de la gêne parce que ça peut donner l’impression qu’on veut mettre nos enfants sur un piédestal, alors que ce n’est pas du tout le cas.

Avez-vous des suggestions de parents qui vivent dans une situation familiale particulière? Écrivez-nous au [email protected].