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Ces méthodes louches que les entreprises utilisent pour nous piéger en ligne
Pas certain de vouloir vous commettre à la nouvelle plateforme de streaming sur le marché? Pas convaincu que cette application de course est faite pour vous? Pas encore game de vous abonner à un magazine en ligne? Pas de problème: bénéficiez de la période d’essai gratuite! Juste à entrer votre numéro de carte de crédit et, surtout, à ne pas oublier de vous désengager avant qu’on vous envoie la facture incognito.
Ouain, on s’est tous déjà fait prendre. On pensait pouvoir profiter d’un service gratuitement, mais finalement on s’est fait déjouer par nous-mêmes et on a payé le plein prix. Ça fait mal à l’ego (et au portefeuille).
Certaines fois plus que d’autres. Comme la semaine dernière quand je me suis rendu compte que ma période d’essai pour une plateforme de danse était arrivée à échéance et que je venais de payer 100$ pour une année complète de cours de hip-hop en virtuel. J’ai déjà été plus fière de moi, mettons.
En parlant de mon flagrant échec (et de ma future carrière de backup dancer) avec mes collègues, on s’est mis à divaguer sur d’autres histoires du genre qui nous arrivent tous. Comme les compagnies qui rendent ça excessivement difficile de se défaire de son abonnement (quoi, il faut que j’appelle? Au téléphone?!) ou encore celles qui essaient de t’avoir par les sentiments («tu me quittes? Après tout ce qu’on a vécu??»).
«Ah, mais tout ça, c’est des dark patterns en fait», de dire mon collègue Ben. Attends, des quoi? Visiblement, personne autour du bureau ne connaît le concept de dark patterns. Mais en faisant quelques recherches, je me rends compte qu’on en est pas mal tous victimes.
Incursion dans le sombre monde des tactiques web pas tout à fait correctes utilisées par beaucoup de compagnies pour se remplir les poches de notre argent, sans qu’on s’en rende trop compte.
C’est quoi un dark pattern?
Les dark patterns (ou «design douteux»), ce sont des pièges cachés dans l’interface des sites web. Si habituellement les compagnies travaillent le design de leurs plateformes pour les rendent simples à utiliser, les dark patterns font tout le contraire. Ils rendent l’interface plus compliquée à comprendre, soit pour nous empêcher de faire une action ou au contraire pour nous inciter à faire quelque chose qu’on ne ferait pas sinon.
Comment? Grâce à la psychologie évidemment. Ou plus précisément, en jouant sur les biais cognitifs des utilisateurs, ces raccourcis que notre cerveau fait automatiquement et qui nous poussent à agir et prendre des décisions sans vraiment y penser.
Les designers utilisent souvent des symboles universels pour faciliter notre navigation: un «x» pour fermer une page, une pastille rouge pour une notification.
Bon, le fait de guider les consommateurs dans leur utilisation d’un site web, ce n’est pas toujours négatif. Les designers utilisent souvent des symboles universels pour faciliter notre navigation: un «x» pour fermer une page, une pastille rouge pour représenter une notification, etc. Mais c’est lorsque ces indicateurs sont utilisés pour aller à l’encontre de ce que le consommateur veut que ça devient pas cool pantoute.
Par exemple, si une page web nous pose une question à laquelle on peut répondre soit en cliquant sur un bouton rouge ou sur un bouton vert, on a de bonnes raisons de penser que l’option verte correspond à la réponse positive et la rouge, la négative. Une interface qui utiliserait cette convention bien connue pour tromper les utilisateurs en établissant des liens contraires, est coupable d’utiliser un dark pattern, qu’elle en soit consciente ou non.
Des dark pattern, il y en a partout sur internet. Sauf que ce n’est pas toujours évident de les repérer. Pour faciliter la tâche des utilisateurs, Harry Brignull, celui qui a inventé le concept en 2010, a établi différentes catégories pour répertorier ceux qu’on croise le plus souvent lorsqu’on surfe sur le web.
La question piège
La première catégorie est assez commune: ce sont les «questions pièges». On les retrouve souvent lorsqu’on remplit un questionnaire pour s’abonner à un service, lorsqu’on doit payer un item ou encore sur une très désagréable fenêtre pop-up qui nous presse de répondre à une question avec la même insistance que ta cousine qui veut te vendre des produits Arbonne.
On inverse les codes en espérant qu’une partie des utilisateurs seront trop pressés et/ou paresseux pour vérifier.
Dans certains cas, comme dans l’exemple des boutons de couleurs, on inverse les codes en espérant qu’une partie des utilisateurs seront trop pressés et/ou paresseux pour vérifier qu’ils cliquent bien à la bonne place (Breaking news: la majorité l’est, mais ça ne veut pas dire que ça doit être utilisé contre nous).
Dans d’autres cas, on complexifie la question pour mélanger le consommateur. On demande par exemple à l’utilisateur de cliquer s’il ne veut PAS s’abonner à quelque chose, on le bombarde de questions qui se ressemblent toutes, ou on formule une question de la manière la plus vague possible, etc. Tout pour donner mal à la tête au consommateur.
Le roach motel
Avez-vous déjà remarqué qu’il est souvent beaucoup plus facile de s’abonner à un produit ou un service que de s’en désabonner? En fait, c’est ce qu’on appelle la technique du Roach Motel (ou «piège à cafards» en français), un autre dark pattern pas mal habituel.
Comme dans la chanson Hotel California, où le chanteur est coincé à perpétuité dans un bed and breakfast cauchemardesque.
Un peu comme dans la chanson Hotel California, où le chanteur est coincé à perpétuité dans un bed and breakfast cauchemardesque, certaines compagnies rendent excessivement difficile et complexe les étapes à prendre pour effectuer des actions, comme se désister d’un abonnement. En espérant évidemment que devant la lourdeur et la longueur de la tâche, les utilisateurs se désistent.
L’exemple d’Amazon est assez flagrant. Pour se désabonner, il faut passer par près de 10 pages différentes, cliquer sur des options qui ne veulent absolument rien dire comme «Dites-nous plus», pour finalement devoir téléphoner ou chatter avec quelqu’un pour se désabonner (un jour, peut-être, éventuellement).
Bref, c’est pas mal impossible de comprendre le trajet à faire par soi-même sans une bonne crise de nerfs, comme en témoigne cette vidéo explicative qui dure un bon deux minutes.
Le confirmshaming
De temps à autre, les dark patterns jouent sur nos émotions pour essayer de nous manipuler à faire une certaine chose, ou son contraire. Le confirmshaming, c’est justement quand une phrase est formulée pour vous faire sentir mal de faire ou ne pas faire une certaine action.
Tu ne veux pas t’abonner à notre infolettre? Tu dois vraiment détester être bien informé. Pas envie de nous donner ton adresse pour qu’on t’envoie des coupons rabais? J’imagine que tu trouves ça cool de payer cher. Tu ne veux pas participer à ce sondage? Es-tu certaine? Si tu dis non, tu es contre le fun en général!
Certaines compagnies utilisent aussi des techniques s’apparentant à ton ex la veille du Jour de l’An, en envoyant des courriels larmoyants à ceux qui ont osé rompre.
On a tous déjà un peu ri (ou été exaspéré) en voyant ce genre de messages sur le web. Leur but est pas mal évident: coller une image négative à une certaine option pour que l’utilisateur se remette en question et finisse par changer d’avis (comme dans ces exemples ma foi savoureux).
Certaines compagnies utilisent aussi des techniques s’apparentant à ton ex la veille du Jour de l’An, en envoyant des courriels larmoyants à ceux qui ont osé rompre leur abonnement. Pourtant, ce n’est pas parce que je t’ai donné mon courriel jadis que tu as le droit de me harceler pour qu’on reprenne. Décroche, on n’est plus ensemble!
La continuité forcée
Les fameux «essais gratuits» eux, tombent dans la catégorie de la «continuité forcée», ou du moins en grande partie. Si à la fin de votre période d’essais, la compagnie se prend un paiement sur votre carte sans vous en avertir (ou seulement après du genre: oups, vous venez de payer hihihi), c’est un dark pattern.
Comme une application qui se dit 100% gratuite, mais dont toutes les vraies fonctionnalités ne sont accessibles que grâce à un abonnement «Premium».
C’est le cas aussi quand une plateforme vous force à payer pour un service qui semblait pourtant sans frais. Comme une application qui se dit 100% gratuite, mais dont toutes les vraies fonctionnalités ne sont accessibles que grâce à un abonnement «premium» qui lui, surprise, est payant.
Même si dans ce cas-ci, la continuité n’est pas «forcée» au sens où ça se fait automatiquement, la plateforme nous guide quand même pas mal vigoureusement vers l’option qui coûte de l’argent (en plus de nous créer de fausses attentes).
Ce sont quelques exemples de dark patterns, mais il y en a encore beaucoup. Glisser furtivement des items (salut les garanties non désirées) dans le panier d’achats des utilisateurs, déguiser des publicités pour qu’elles se fondent dans l’interface, vendre par l’urgence en écrivant en grosses lettres rouges de faire vite parce qu’IL NE RESTE QUE 2 CHAMBRES DISPONIBLES, ce sont aussi des dark patterns.
On s’entend, des interfaces qui rendent l’expérience client plus complexe, lourde et parfois (souvent) frustrante, ça profite à qui en fait?
Dans les dernières années, de plus en plus de voix se sont élevées pour décrier ces pratiques malhonnêtes, souvent à la limite de la légalité. Il y a quelques années, le réseau social LinkedIn a été forcé de débourser 13 millions de dollars après avoir utilisé un dark pattern pour envoyer des courriels aux contacts de ses abonnées. Sauf que la majorité des dark patterns passent sous le radar et n’ont pas de conséquences légales.
Et même s’ils sont quand même malhonnêtes (c’est quand même utiliser la psychologie humaine pour truquer et faire de l’argent), ça ne veut pas dire que tous ceux qui les utilisent sont machiavéliques. Certains designers ne se rendent peut-être même pas compte qu’ils utilisent ces tactiques (ce qui fait aussi partie du problème).
Parce que la meilleure manière de lutter contre les dark patterns, c’est d’en parler et de dénoncer les marques qui en abusent (comme le fait ce compte Twitter). On s’entend, des interfaces qui rendent l’expérience client plus complexe, lourde et parfois (souvent) frustrante, ça profite à qui en fait? Oui peut-être que ça permet aux entreprises de faire du profit sur notre dos, mais au final ça ternit certainement la relation avec les consommateurs.
Et si le commerce est voué à passer de plus en plus au virtuel, il me semble que ça serait vraiment plus hot que ça se fasse dans le respect sans qu’on ait à regarder sans cesse derrière notre épaule, non? Est-ce que je vis trop dans un monde de licornes?