Ce que j’ai appris en faisant construire ma maison

Février 2021 : mon conjoint et moi tentons d’immortaliser en photo cette journée où nous sommes officiellement devenus propriétaires d’un terrain où nous projetions construire une maison dans les Cantons-de-l’Est. Le brouillard et nos deux enfants non coopératifs ont rendu l’exercice photographique impossible.

Je repense à ce moment et je réalise qu’il était, en fait, une espèce de mise en abyme de ce qui nous attendait. Car, un an et demi plus tard, pas une seule pelletée de terre n’a été réalisée sur notre terrain. La construction de notre maison est encore un processus essoufflant qui nous fait sacrer une journée et pleurer de reconnaissance le lendemain.

Si la construction d’une maison est dans vos projets, voici ce que j’ai appris au fil du temps, question de vous permettre une ride un peu plus en douceur.

Plusieurs avantages peuvent mener au choix de se faire construire plutôt que d’acheter :

– Un meilleur contrôle sur la qualité de la construction

– La possibilité d’entreprendre un projet en restant près de ses valeurs (choisir des matériaux écologiques et moins nocifs pour la santé, privilégier des entreprises locales, etc.)

– Le peu d’entretien requis à court terme et les économies réalisées sur le chauffage et la climatisation grâce aux choix de matériaux.

Dans notre cas, il s’agissait plutôt de répondre à des besoins précis. En effet, nous nous faisons construire une maison bigénérationnelle avec des contraintes particulières. Le choix s’est donc imposé à la suite de nombreux mois de recherche infructueuse pour une maison.

(Petit aparté : les maisons intergénérationnelles ne sont pas autorisées par toutes les villes. Considérant que ce genre de cohabitation entraine de nombreux bénéfices économiques, sociaux et en lien avec le bien-être, il serait peut-être temps de revoir ces règlementations!)

Après quelques hésitations, nous avons finalement acheté dans un domaine, car la simplicité accompagnant ce choix nous rassurait sur différents aspects, entre autres par le fait qu’il n’était pas nécessaire d’entreprendre des démarches administratives avec la ville afin de s’assurer de la viabilité de notre projet ou pour le lotissement. De plus, l’entrepreneur en construction responsable du projet avait d’excellentes références et était disponible sur-le-champ.

Aussi, il était possible d’obtenir la maison en format prêt-à-finir afin de sauver des coûts (c’est-à-dire que nous assurerions la finition de l’intérieur de la maison, en posant les planchers et la céramique, en peinturant, etc.).

Personnellement, nous étions assez excités de mettre la main à la pâte pour participer concrètement à la création de ce grand projet de vie! Nous n’avions aucune (j’insiste : aucune) expérience en rénovation ou en construction, mais les apprentissages à venir nous enthousiasmaient sincèrement.

Afin d’assurer l’uniformité du projet, des contraintes esthétiques devaient être respectées pour le style de la maison et le revêtement extérieur, mais nous avions tout de même assez de liberté. Nous pouvions collaborer avec l’architecte ou un.e technologue en architecture de notre choix, ou bien acheter un plan déjà réalisé.

Si vous achetez un terrain, d’autres options s’offrent à vous comme l’autoconstruction ou les maisons préfabriquées. Prenez note qu’on recommande habituellement que le coût du terrain ne dépasse pas 25 % de votre budget total.

En autoconstruction, vous chapeautez le projet, vous vous occupez de sous-traiter les différentes étapes et corps de métier, vous êtes responsables des demandes de permis et des soumissions : bref, vous êtes l’entrepreneur.e général.e en construction.

Quant aux maisons préfabriquées, elles peuvent être livrées clés en main ou vous pouvez acheter la coquille pour ensuite décider de collaborer, ou non, avec un.e entrepreneur.e en construction pour tout le reste.

C’est le choix qu’a fait Audrey Bégnoche et son conjoint, qui ont entamé leur projet de construction il y a un peu plus de deux ans dans les Laurentides (la maison a été finalisée il y a quelques mois). « Ça s’est avéré un bon choix, puisqu’une coquille préfabriquée annulait les variations de prix des matériaux et les problèmes d’approvisionnement, m’explique Audrey. Cependant, nous avons complètement réaménagé l’intérieur du modèle choisi. Ç’a été difficile, car nous n’avions pas beaucoup de temps avec la designer, en comparaison avec quelqu’un qui travaille avec un ou une architecte. J’ai donc tout imaginé moi-même, en amont, via une application user-friendly et j’ai uniquement vérifié avec elle que c’était réaliste et fonctionnel. »

J’ai moi-même investi de longues heures dans cette application, à créer ma maison avec autant de plaisir que lorsque je jouais jadis aux Sims. Puisqu’absolument TOUT se décide à l’étape du plan, cela m’a énormément aidée à visualiser ce que je voulais et à être préparée lors de ma rencontre avec l’architecte, question d’économiser du temps.

En septembre 2020, Re/Max indiquait que le coût moyen d’une construction neuve se situait entre 118 et 189 $ le pied carré. Aujourd’hui, les coûts de construction varient plutôt de 300 à 325 $ le pied carré en mode clé en main et de 250 à 275 $ le pied carré pour une version prête-à-finir. Pour une maison haut de gamme, il faut prévoir minimalement 330 $ le pied carré.

Cette augmentation s’est produite de façon assez impressionnante. Radio-Canada a raconté l’histoire d’un couple de Bedford, en Nouvelle-Écosse, qui a vu le coût de construction de sa maison augmenter de 30 % en l’espace de quatre mois.

Nous avons vécu la même situation. La livraison des plans a été si longue et marquée par des erreurs majeures (nous avons malheureusement très mal choisi notre technologue en architecture) que notre budget initial – qui était raisonnable et réaliste – était carrément insuffisant moins d’un an plus tard. Nous avons été contraints de retourner à la planche à dessin pour recommencer à zéro, en coupant considérablement dans nos besoins, cette fois-ci, avec un architecte.

De plus, les prix varient en fonction de la région où vous construisez. En effet, la pénurie de main-d’œuvre frappe plus fort à certains endroits. Ainsi, les fournisseurs en activité dans certaines régions profitent parfois d’un quasi-monopole et peuvent se permettre d’augmenter leurs tarifs.

Les frais rattachés à la construction d’une maison peuvent surprendre. Ils vont bien au-delà du calculateur d’hypothèque disponible gratuitement en ligne. Il est donc primordial de bien s’informer en amont du projet et de s’entourer de conseiller.ères en finances et en hypothèque disponibles, rassurant.e.s et de confiance.

D’ailleurs, le financement d’une construction neuve est différent de celui de l’achat d’une propriété, entre autres car les paiements se font par étapes.

Voici une liste des frais à prévoir, au-delà de la maison :

– Les plans

– Les frais de notaire

– La liquidité pour les acomptes aux fournisseurs

– Le permis de construction

– Les assurances de chantier

– L’arpentage

– L’excavation

– Les raccordements aux services publics et aux différentes installations (aqueduc, égouts, réseau électrique)

– Les études de sol et de qualité d’eau

– Le forage et/ou l’installation du puits et de la fosse septique (si nécessaire)

– La taxe de bienvenue

– La TPS et la TVQ sur les matériaux et services.

De plus, autour de 15 % de votre budget devrait être dédié aux imprévus. Oui, il y en aura!

Ce type de projet demande d’être disponible sur une base régulière pour prendre des décisions importantes. Vous devez avoir le désir et le temps d’être impliqué.e.

D’ailleurs, vous ferez plusieurs choix pour lesquels vous n’êtes aucunement qualifié.e. Le premier étant l’emplacement exact de la maison. Visualiser avec de la ficelle dans une forêt de 80 000 pieds carrés l’endroit où nous vieillirons n’est vraiment pas évident (et productif, dans notre cas – nous avons finalement demandé à l’entrepreneur de venir sur place afin de nous guider).

Vous n’habiterez pas votre maison avant deux ans. Audrey Bégnoche a également accumulé les problèmes qui ont engendré des délais. « Une étape à la fois. C’est la base et ça semble évident, mais c’est vraiment ça que j’aurais aimé savoir avant. Tu ne le sais pas tant que tu n’es pas dedans. Ça ne sert à rien de se projeter constamment. »

La GRC (Garantie de constructions résidentielles) permet à l’acheteur ou l’acheteuse de demander à un.e entrepreneur.e de corriger tous les défauts de construction qui apparaissent durant les cinq premières années suivant la livraison (à noter que cette protection ne s’applique pas pour une autoconstruction). De plus, il est possible de bénéficier de garanties optionnelles, par exemple, si votre projet n’est pas livré dans les temps prédéfinis.

Il est facile d’oublier, à travers tous les imprévus, qu’il s’agit d’abord et avant tout d’une expérience de vie très nourrissante en apprentissages et en fierté. Prendre le temps de vivre les petits deuils et les boules d’anxiété coincées dans la gorge est évidemment valide, mais pouvoir se bâtir une maison est un grand privilège et cela doit rester un projet emballant.

« Je suis une personne assez en contrôle de ses émotions, habituellement, confie Audrey Bégnoche. Je ne m’attendais pas à pleurer autant durant le processus. J’ai pleuré de désespoir, mais aussi de beau, par exemple le soir où nous avons choisi l’emplacement de la maison en voyant le soleil se coucher à l’endroit où se trouve aujourd’hui notre véranda! »

Vos yeux brilleront en y repensant lorsque tout sera terminé, alors n’oubliez surtout pas d’en profiter!