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Ce pionnier montréalais des cristaux en doit une à TikTok

Il surfe la vague de cristal, comme on pourrait dire.

Par
Billy Eff
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En avril dernier, lorsque les magasins jugés « non essentiels » ont pu rouvrir, une file se formait presque chaque jour sur Saint-Denis à l’angle de Marie-Anne. « Ah cool, sûrement un nouveau restaurant! », m’étais-je dit en conduisant devant cette horde de jeunes qui attendaient patiemment pour rentrer un à un dans un commerce dont je ne voyais pas l’enseigne.

Quelques mois plus tard, en arrivant chez Pierres d’ailleurs, je me rends compte que c’est en fait leur entrée dans cette cave à mystères qu’attendaient ces jeunes. À l’intérieur, des étudiantes contemplent les améthystes entre deux cours et un couple peine à prendre une décision pour une bague : labradorite, quartz rose ou pierre de lune?

Partout où se pose mon regard, des pierres, des cristaux et des gemmes tous plus exotiques les uns que les autres; une myriade de couleurs scintillantes dans les étals. Le roi des lieux, c’est Sylvain Angers. Chic, au look désinvolte, couvert de bijoux avec des cristaux différents, il flotte d’un bout à l’autre du plancher, conseille ses client.e.s, négocie des prix, donne des indications à ses employé.e.s.

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Être un pionnier, créer son marché

«Pendant longtemps, c’était très niché, c’était vu comme quelque chose d’un peu “ésotérique”. Mais aujourd’hui, plus personne n’utilise ce mot-là pour décrire ce qu’on fait.»

« J’ai ouvert la boutique ici en 1992, ça va faire 30 ans l’an prochain », m’explique le propriétaire de Pierres d’ailleurs. « Mais ça n’a pas toujours ressemblé à ça, c’était plus petit avant. » Bien avant que les cristaux et pierres précieuses deviennent la grosse mode chez les influenceuses sur Instagram et TikTok, donc.

Et quand est-ce que Sylvain a commencé à s’intéresser à cet univers? « En 1992! », lâche-t-il en riant. « C’est à la suite d’un voyage à Madagascar, où un couple d’amis travaillait pour un organisme qui venait en aide aux populations locales. Là-bas, j’ai vu de gros marchés de pierres, j’avais jamais vu ça de ma vie. Quand tu connais pas ça, tu sais que ça existe, mais de le voir en vrai, ça m’a vraiment frappé. »

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Avant de se lancer dans cette aventure, Angers était conseiller-acheteur pour une grande compagnie de sports. L’ami qu’il est parti visiter avait tout vendu au Canada pour s’installer à Madagascar. Ensemble, ils ont décidé de contribuer au rêve de Sylvain de se partir en affaires. Il n’avait jamais fait ça, ne connaissait rien aux pierres et à leurs énergies, mais il avait cette flamme d’entrepreneur en lui. À son retour de voyage, il a trouvé le local dans lequel se trouve toujours son commerce, et a reçu un premier conteneur plein.

«les gens ont besoin de s’accrocher à quelque chose. On dirait que les pierres, les énergies, le retour à la terre, c’est le genre de chose auquel les gens se rattachent.»

« On a commencé exclusivement avec des pierres, et c’est parti tranquille, tranquille, raconte le propriétaire. Pendant les cinq premières années, c’était plus compliqué. J’ai fini par racheter les parts de mon partenaire, qui voulait abandonner parce que les ventes étaient décevantes. Mais je continuais d’y croire. C’est comme si les pierres m’avaient parlé et m’avaient dit de continuer. »

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Un jour, l’idée lui est venue d’installer un comptoir à bijoux dans la boutique, et peu à peu, ceux-ci ont commencé à se vendre, permettant à Sylvain de maintenir en vie son entreprise. Toutefois, il lui aura fallu attendre près de 25 ans avant de pouvoir se concentrer à temps plein sur Pierres d’ailleurs. « Je travaillais à mon autre emploi, mais je faisais toutes mes soirées et mes fins de semaine ici, je m’occupais du côté administratif, dit-il. Pendant longtemps, c’était très niché, c’était vu comme quelque chose d’un peu “ésotérique”. Mais aujourd’hui, plus personne n’utilise ce mot-là pour décrire ce qu’on fait. »

Une industrie en changement

Il faut dire que le monde occidental a surtout connu les pierres et les cristaux à travers les hippies des années 60, longtemps perçus comme des hurluberlus. La plupart des pierres que vendait Sylvain à l’époque étaient soit purement décoratives, soit achetées par des connaisseurs. Aujourd’hui, c’est rendu mainstream; la modèle Chrissy Teigen se fâche lorsqu’elle oublie de « recharger » ses cristaux à la lumière de la lune. La superstar britannique Adele a de son côté blâmé sa désastreuse performance aux Grammys en 2016 sur le fait qu’elle avait perdu les siens. Et qui pourrait oublier les œufs de jade vendus par Gwyneth Paltrow, censés offrir aux femmes qui se les insèrent dans le vagin une vie sexuelle plus épanouie et une meilleure santé… et qui auront finalement valu à l’actrice un recours collectif.

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Les stars ont bien entendu à voir avec cet intérêt renouvelé pour les pierres et cristaux, mais des millions de consommatrices et consommateurs réguliers en exaltent aussi les vertus. Dans une ère où l’on se méfie des grandes compagnies pharmaceutiques et où les remèdes en forme de pilules n’ont plus la cote, il semblerait que les gens se trouvent de nouvelles choses en lesquelles croire, et Sylvain abonde également dans ce sens.

« Tous les êtres humains ont besoin de croire en quelque chose, souligne-t-il. De plus en plus, la religion s’efface de nos vies, et côté psychologique, les gens ont besoin de s’accrocher à quelque chose. On dirait que les pierres, les énergies, le retour à la terre, c’est le genre de chose auquel les gens se rattachent. Ils viennent s’acheter une pierre en se disant que ça sera bon pour eux. Ça, c’est une des grandes évolutions qu’on a vues. »

À chacun.e son cristal

Auparavant, les savoirs sur les propriétés « magiques » des cristaux se transmettaient oralement, habituellement à travers un.e sage ou une personne âgée et importante dans la communauté ou le village, comme un.e shaman. Mais aujourd’hui, tout le monde est son propre shaman, et il devient difficile de s’y retrouver. Le marché des cristaux est maintenant plus volatil qu’il y a encore quelques années. Un goût renouvelé pour le lien avec la planète, pour la spiritualité, et le fait que cette culture touche de nos jours une plus grande audience que jamais ont une influence sur cette industrie.

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Les réseaux sociaux, surtout, ont une grande incidence sur la popularité d’une pierre ou d’une autre. D’ailleurs, Sylvain s’étonne encore de voir sa clientèle constamment rajeunir. Et les préférences de cette dernière en pierres et cristaux peuvent souvent ne tenir qu’aux recommandations d’une seule personne sur TikTok. « Là, par exemple, les jeunes trippent sur la moldavite, indique-t-il. Ça fait longtemps qu’on en vend, mais ç’a jamais été aussi populaire! Et là, on commence à voir que c’est la cornaline qui pop. On voit ce qui se passe sur TikTok, et on peut anticiper ce que les gens vont vouloir. »

Surfer la nouvelle vague

En près de 30 ans, les choses ont énormément changé, et Sylvain n’aurait pu s’imaginer au début des années 90 que sa boutique serait aujourd’hui l’une des plus prisées des Z et des milléniaux en quête de spiritualité plus concrète.

«On croit aux énergies, mais c’est pas un hôpital ici!»

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Mais cela vient aussi avec un lot additionnel d’éducation à faire, sans quoi il est facile (bien que profitable pour certains marchands moins scrupuleux) de tomber dans le charlatanisme. Mais ce n’est pas la raison pour laquelle l’entrepreneur s’est lancé dans cette aventure.

« Une influenceuse va parler à ses 10 000 abonnés de ses pierres, et dire qu’une d’elles a des vertus incroyables, mentionne Sylvain. On va avoir un line-up dehors, et les gens vont vouloir cette pierre-là en se disant que ça va tout changer pour eux. Ça, on aime moins ça, et on n’embarque pas là-dedans. On croit aux énergies, mais c’est pas un hôpital ici! Mais je suis bien content quand les gens viennent. Il faut simplement les calmer! »

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Que vous décidiez d’entamer votre collection avec un quartz, censé avoir des vertus anti-anxiogènes, ou une aigue-marine pour calmer les placements de feu dans votre carte astrologique, le plus important est de trouver une pierre qui vous convient et vous fait sentir bien.

« Il faut s’écouter : même si on conseille une pierre à quelqu’un, si cette pierre ne l’intéresse pas et qu’il préfère l’autre à côté, c’est correct, résume Sylvain. Il faut se faire confiance, écouter son corps et y aller avec ce qui va nous faire du bien. Dans notre magasin, c’est très important de toucher les pierres. On dit même que c’est elles qui nous choisissent! »

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