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Ça vaut-tu la peine… les vêtements évolutifs ?

On se demande si on économise vraiment avec cette affaire-là.

Par
Laurence Niosi
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Des vêtements qui évoluent avec la taille de l’enfant. C’est ce que proposent de nombreuses compagnies québécoises. Un choix économique et écoresponsable?

On le sait bien, les vêtements d’enfants sont généralement éphémères. Jusqu’à 36 mois, la garde-robe de votre enfant se renouvellera de nombreuses fois. Le temps de cligner des yeux et on doit acheter un morceau plus grand.

Des marques d’ici et d’ailleurs, des petits designers locaux ainsi que des détaillants comme l’Aubainerie, proposent une solution : des vêtements « évolutifs » qui s’ajustent à la morphologie de l’enfant à mesure qu’il grandit.

Pantalons harem, robes-chandails, pulls…Tous les vêtements sont munis de bandes qui se déroulent soit à la taille, aux poignets ou aux chevilles. Au lieu de la taille « 3 à 6 mois », par exemple, ces compagnies offrent du « 3 à 12 mois ».

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Accro aux vêtements évolutifs

Beaucoup de parents ont adopté ces morceaux avec moult enthousiasme, comme en témoignent les nombreuses conversations sur le sujet dans les groupes de mamans. Ou encore le groupe Facebook « Accros aux vêtements évolutifs », avec ses 10 000 membres, dont des confectionneuses d’ici qui y vendent leurs propres créations aux multiples motifs colorés.

En entrevue avec Mollo, des parents se sont dit « 100% vendus », impressionnés par la durabilité de ces confections ou par le confort qu’ils offraient à leurs enfants (plus de tissu pour accommoder des couches lavables, par exemple). Certains sont même prêts à payer le gros prix pour un vêtement fait localement. Un exemple : des pantalons en coton biologique actuellement en solde sur le site de Bajoue coûtaient à la base 55 $.

« Ça dure deux à trois fois plus longtemps. J’ai des shorts qui ont fait deux étés complets, des pantalons et chandails à manches longues qui ont fait au moins un an et demi », nous a confié Léane, qui confectionne elle-même ses vêtements évolutifs.

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D’autres parents moins convaincus estiment que certains morceaux se prêtent moins au style. « Je trouve que les pantalons tournés trop grands, ça ne fonctionne pas », avance Danaé, mère d’un garçon de 4 ans.

Après en avoir elle-même récemment fait l’essai, Marie-Ève est du même avis. « Pour les t-shirts, ça va. Le principe, c’est qu’il n’y a pas de couture à l’épaule et ils sont un peu plus longs. Mais pour les pantalons et les chandails à manches longues, il faut beaucoup rouler les bords, et je trouve que ça fait chaud et encombrant », dit la mère d’un nourrisson de 20 mois.

Sa solution pour faire durer les vêtements plus d’une saison? Acheter plus grand, tout simplement. « Le surplus de tissu est moins important qu’avec l’évolutif et ça dure quand même », ajoute-t-elle.

Une question de priorité

Marie-Michèle Larivée, chargée de cours à l’École supérieure de mode à l’ESG-UQAM, y voit une bonne affaire dans l’absolu. « S’il faut vraiment acheter quelque chose de neuf, optons pour un bien qui dure plus longtemps », estime l’experte en tendances et prospective.

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Toutefois, si réduire le gaspillage et la pollution générée par l’industrie textile est une priorité, mieux vaut porter des vêtements seconde main, estime-t-elle.

« Est-ce que l’enfant a besoin d’un pantalon évolutif s’il a un pantalon donné par un ami, un voisin? Il faut penser en termes de hiérarchisation », ajoute l’autrice du livre Rien de neuf : guide pour une consommation économique, écologique et engagée.

Chaque année, au Québec, des tonnes de vêtements sont jetés aux ordures. Au cours de la dernière décennie, les quantités de textiles éliminées ont augmenté de plus de 80 %, selon des données recueillies par Recyc-Québec . Si ces chiffres s’expliquent en partie par la COVID et le confinement qui ont amené les citoyens à faire le ménage de leurs placards à un moment où les organismes de seconde main avaient cessé temporairement leurs activités, il n’empêche que les matières textiles représentaient près de 6 % des matières jetées en 2021.

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Il y a aussi des considérations éthiques à prendre en compte. Marie-Michèle Larivée fait la différence entre les vêtements évolutifs faits localement et ceux vendus par l’Aubainerie ou H&M, des compagnies qui fabriquent leurs vêtements via une chaîne opaque de sous-traitance. En plus, celles-ci ne garantissent pas des conditions de travail décentes à leurs employés.

« Les vêtements évolutifs, c’est bien si on les achète usagés, qu’on en a besoin, qu’il dure vraiment longtemps et que ça vient d’une marque québécoise qui produit ici… Et puis, évolutif ou pas, il faut vraiment réfléchir à des manières d’éviter que nos vêtements se ramassent à la poubelle dans cinq ans », résume-t-elle..