Pour une gang d’entre nous, retourner sur les bancs d’université chaque année est un rituel auquel on ne réfléchit plus. C’est ce que nos parents nous disent de faire, et c’est ce que notre cercle social fait.
Il faut dire que c’est une expérience en soi. C’est là qu’on date, qu’on croise nos ami.e.s, qu’on vire des brosses. C’est aussi l’endroit où on apprend à se connaître nous-mêmes, qu’on se politise, qu’on forge notre rôle citoyen.
En 2015, 33% des jeunes Canadiens de 25 à 35 ans avaient obtenu un grade universitaire, un bond de 20% par rapport à 1990. Ça commence à faire pas mal de diplômes. Et de diplômés! Et socialement, ça entraîne plein d’externalités positives.
Mais d’un point de vue pratico-pratique, qu’est-ce que ça signifie pour nous, notre papier et nos chances sur le marché du travail?
La compétition est rude
« On a moins de chance que les générations supérieures d’obtenir l’emploi qu’on convoite avec un baccalauréat », lance sans détour le professeur Mircea Vultur, spécialiste de l’insertion professionnelle des jeunes à l’Institut national de la recherche scientifique.
« C’est comme la monnaie. Plus il y a de diplômes en circulation, plus sa valeur diminue ». Mais en même temps, son acquisition est plus importante que jamais. « Sans diplôme, tu ne peux pas entrer en compétition avec les autres ».
Selon lui, pour plusieurs métiers, le baccalauréat est devenu essentiellement une base. Même qu’on monte vers la maîtrise! Et une fois le diplôme en poche, la game n’est pas gagnée.
« C’est le dernier item qui est valorisé par les employeurs, après l’expérience de travail et les qualités individuelles. »
« C’est le dernier item qui est valorisé par les employeurs, après l’expérience de travail et les qualités individuelles ». Les qualités relationnelles, entre autres, sont de plus en plus demandées. « C’est une bataille sur plusieurs fronts ».
Le nerf de la guerre, selon le professeur Vultur, c’est que le marché du travail n’est pas capable d’absorber l’augmentation de travailleurs hautement scolarisés, ce qui entraîne une surqualification de la main-d’œuvre.
Le côté givré du mini-wheat, c’est que des gens surqualifiés pour leur emploi ont tendance à apporter des nouvelles manières de faire dans leur discipline, ce qui contribue à l’innovation et la croissance économique.
Le diplôme comme signal
La twist avec un diplôme universitaire, c’est que ce n’est pas tant ce qu’on a appris dans nos cours qui importe, mais de pouvoir démontrer qu’on est en mesure de survivre aux études supérieures.
La twist avec un diplôme universitaire, c’est que ce n’est pas tant ce qu’on a appris dans nos cours qui importe, mais de pouvoir démontrer qu’on est en mesure de survivre aux études supérieures. « C’est un marqueur social qui indique que cette personne […] sait naviguer dans les étapes sociales, financières de l’obtention du diplôme. »
Ainsi, on remarque une forte dissociation entre ce en quoi les gens ont étudié, et ce qu’ils font réellement sur le marché du travail. Selon le professeur, parmi les récents gradués, plus de la moitié occupent un emploi n’ayant peu ou pas de lien avec leur domaine d’étude.
« C’est une nouvelle tendance du marché du travail : on peut voir aujourd’hui quelqu’un ayant une maîtrise en études littéraire qui est directeur des ressources humaines dans une entreprise de transport. »
Une planche de salut pour les adeptes de l’école de la vie
L’émergence de la gig economy pourrait cependant contrecarrer la nécessité d’être « validé » par une université. « On n’a pas besoin de cette reconnaissance pour faire une tâche ponctuelle commandée par une entreprise », souligne Mircea Vultur.
« Ça pose toute la question de si les emplois salariés ont encore un sens ». Selon lui, la notion de carrière est en train de s’effriter, dans le sens où les gens ont de moins en moins tendance à rester longtemps dans la même entreprise et d’en gravir les échelons.
On entrerait plutôt dans une économie transactionnelle, où l’engagement et la loyauté perdent de leur importance. « Qu’est-ce que je gagne si je travaille pour cette entreprise, qu’est-ce que cette entreprise gagne si elle m’embauche? »