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Ça gagne combien, un maire?

Ça gagne combien, un maire?

Le grand écart des salaires en politique municipale.

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Alors que les élections municipales sont tout près d’être déclenchées, de nombreux candidat.e.s espèrent se faire élire comme maire.esse de leur municipalité. Si à certains endroits, la fonction de premier magistrat est assortie d’un chèque de paie intéressant, ailleurs, la tâche s’apparente à du bénévolat.

Maire depuis huit ans de Petit-Saguenay, qui compte 621 habitants, Philôme Lafrance affirme être « l’employé le moins bien payé de la municipalité ».

« Les employés municipaux ont des assurances collectives, ils cotisent à un REER, ils ont droit à des vacances et à des congés sociaux, énumère-t-il. Être maire, c’est une plus grosse charge : je suis sur appel 24 heures sur 24 et je n’ai rien de tout ça. »

Hormis son travail à la Ville et la MRC, M. Lafrance siège bénévolement sur plusieurs comités et à la Régie intermunicipale de sécurité incendie. En combinant tous les revenus qui lui sont versés à titre d’élu, il estime gagner environ « 21$ de l’heure sur une base de 40 heures par semaine », ce qui représente un peu plus de 43 000$ annuellement.

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Et ce salaire a été grandement bonifié depuis son arrivée à la mairie, lui qui a choisi de s’impliquer après avoir constaté un déclin démographique et économique dans son coin de pays.

« Quand je suis entré en poste, je gagnais 10 $ de l’heure. Alors, à la Ville, on a fait des efforts importants pour améliorer mon salaire, d’autant plus que je devais m’impliquer à temps plein », explique celui qui a dû quitter l’emploi à temps partiel qui lui permettait de joindre les deux bouts, pour ensuite vivre quelques années « frugales ».

« Mais je n’ai pas voulu pousser la note. Les gens de Petit-Saguenay sont pauvres ; on n’a pas un revenu per capita très élevé, et je ne me sentirais pas à l’aise de faire financer un plus gros salaire par les taxes d’une population qui a elle-même du mal à arriver », renchérit-il, ajoutant qu’il gagne déjà plus que bon nombre de maires de municipalités rurales de taille équivalente.

« Fait pour des hommes blancs retraités »

Hormis les grandes municipalités, une majorité d’élus, et donc de maires, exercent leur rôle à temps partiel. Plusieurs occupent un emploi à temps plein de jour, en semaine ; d’autres sont à la retraite, vivant de leurs rentes.

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« On entend souvent qu’il manque de jeunes en politique, mais c’est difficile de les attirer et de leur demander de sacrifier leur carrière en plein essor pour un salaire d’élu », explique Évelyne Beaudin, mairesse de Sherbrooke. Celle-ci a empoché un peu moins de 150 000 $ en 2023, sans compter son allocation de dépenses.

« Avant mon arrivée à la mairie, les élus se rencontraient en soirée, après le travail : toutes les rencontres avaient lieu le soir parce qu’il y avait toujours quelqu’un qui travaillait », explique-t-elle.

« Maintenant, on a déplacé des rencontres pour pouvoir les préparer durant la journée, la veille. On n’a plus de comités le soir ou la fin de semaine, à l’exception d’une journée de fin de semaine, à l’automne, pour préparer le budget, renchérit-elle. Parce qu’avant ça, oublie ça, la conciliation travail-famille : c’était fait pour les hommes blancs retraités. »

Comment c’est calculé?

La rémunération des élus est fixée annuellement par un règlement devant être adopté par le deux tiers du conseil municipal, y compris le maire, indique le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.

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Contrairement à de nombreux emplois syndiqués, où une convention collective détermine le salaire de chaque poste, la rémunération des élus municipaux n’est pas uniforme à travers le Québec. Elle varie surtout en fonction de la taille de la municipalité et de l’ampleur des services de celle-ci.

Hormis la rémunération, les élus ont droit à une allocation de dépenses et à des sommes finançant les dépenses de recherche et de soutien, dans le cas des municipalités de 20 000 habitants et plus. Tous ces paramètres sont encadrés par la Loi sur le traitement des élus municipaux.

De plus, les élus qui siègent à leur MRC, qui sont officiers de regroupements municipaux et qui occupent d’autres fonctions, obtiennent aussi une rémunération à la pièce.

C’est pour cette raison que les maires les mieux rémunérés sont ceux qui gouvernent les grandes villes… en théorie. Selon des données recensées en 2023 par Le Journal de Montréal, c’est le maire de Varennes, Martin Damphousse, qui était l’élu municipal le mieux rémunéré, avec un salaire de base de 100 368 $, une allocation de base de 17 546 $ puis une rémunération additionnelle de 94 132 $, qui totalisaient 212 046 $.

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La mairesse de Montréal, Valérie Plante, arrivait au second rang du classement avec une rémunération de 211 864 $. Pourtant, avec ses 1,8 million de citoyens, la métropole est 83 fois plus populeuse que la municipalité de la Rive-Sud, qui compte 21 584 habitants.

À l’autre bout du spectre, Le Journal de Montréal nous apprenait que le maire de la municipalité de Lac-Édouard ne faisait pas un rond pour servir ses 184 concitoyens. Le second maire le moins payé au Québec était celui de Saint-Fabien-de-Panet, qui gagnait 1 519 $ annuellement, une rémunération en deçà de ce que gagnent des dizaines de conseillers municipaux de la province.

« Il y a 8000 élus municipaux au Québec : t’en as qui représentent des centaines de milliers de personnes, et d’autres qui en représentent des centaines. Pourtant, sur papier, c’est le même rôle, dans le même cadre légal », déplore la mairesse de Sherbrooke.

« Je fais partie de ceux qui disent que le gouvernement devrait déterminer quel est le salaire des élus, poursuit la mairesse. Tout le monde est en conflit d’intérêts : il me semble que de laisser cette décision à quelqu’un de l’externe, ça serait plus équitable, surtout entre les villes de taille similaire. »

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Pour une réforme de la rémunération

Mme Beaudin, qui quittera la mairie après un seul mandat, milite pour une « professionnalisation » de la fonction de maire.

« Beaucoup d’élus ont un travail extérieur, mais on veut des élus qui peuvent se consacrer à l’élaboration de politiques publiques, qui réfléchissent comme il faut et qui consultent la population, élabore-t-elle. Ça prend une certaine professionnalisation et une rémunération en conséquence. »

Elle estime cependant que certains postes d’élus à temps partiel, dans des municipalités disposant de peu de services, ne devraient pas faire partie de cette réforme.

« Il faut faire la différence entre un élu qui gère une charge publique et un élu qui s’implique davantage dans une optique d’engagement citoyen, avance-t-elle. Pour moi, dans un monde idéal, certains dossiers pourraient être gérés par des élus professionnels au sein des MRC. »

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