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Bon vent, monsieur Yiacouvakis!
« En dents de scie » qualifierait bien la météo à laquelle une bonne partie de la province a droit depuis environ une semaine, avec le mercure qui nous donne un avant-goût du printemps un jour et qui rappelle des températures polaires le lendemain. « C’est fou! Je pense que je n’ai jamais vu si peu de neige à Montr éal en plein mois de février… », se désole le météorologue Pascal Yiacouvakis au bout du fil.
Après 28 ans à animer le bulletin météo de Radio-Canada avec son style inimitable, l’as des prédictions tirera officiellement un trait sur sa carrière le 18 mars prochain. « Depuis que j’ai annoncé ma retraite, ils [les médias] me lâchent pas! », confie-t-il en riant.
Pour prouver son point, le sympathique météorologue énumère tous ses engagements médiatiques des prochains jours, en passant par l’émission Dans les médias à Télé-Québec, une entrevue au 98,5 et même TV Hebdo, sans oublier cette entrevue-CHOC avec URBANIA. « Je suis en train de me dire que je suis vraiment dû pour prendre un break, moi-là… », rigole-t-il.
Sorry Pascal! Avant de lui sacrer patience indéfiniment, on tenait tout de même à lui parler de sa vie en dehors des ondes, de ses plans de retraite et oui, un petit peu de la pluie et du beau temps.
Une station météo dans les arbres
Le jeune Pascal Yiacouvakis a eu le coup de foudre (désolé) pour la météo dès l’âge de 12 ans. « J’étais curieux de ce qui se passait au-dessus de ma tête, se remémore-t-il. Je faisais même mes propres statistiques et j’avais bâti une station météo dans les arbres, ce qu’il ne faut absolument pas faire! » Un autre élément « fascinant » pour le Pascal préado sont les tempêtes de neige abondantes à l’époque. « Dans les années 70, il y avait beaucoup plus de neige en hiver qu’aujourd’hui. Les quantités moyennes de neige diminuent de plus en plus à Montréal », explique l’expert avec un brin de nostalgie dans la voix.
Fast forward quelques années plus tard, où le Pascal jeune adulte applique pour un poste en tant que météorologue chez Environnement Canada après des études en géographie physique et en sciences de l’atmosphère à l’UQAM. « Comme les postes étaient répartis sur l’ensemble du pays, je savais que je ne resterais pas à Montréal, explique-t-il. J’ai finalement été affecté à Edmonton pendant deux ans au centre de prévision de l’Arctique. »
Le météorologue passera une dizaine d’années au sein d’Environnement Canada avant de goûter aux médias en 1990 dans un « concours de circonstances ». « Un jour, j’étais au Centre météorologique canadien à Dorval et une ancienne collègue de classe qui travaillait à la radio de Radio-Canada m’a informé qu’elle partirait bientôt en congé de maternité et qu’on chercherait quelqu’un pour la remplacer. Je me suis dit : pourquoi pas! »
Après un « screen test » radiophonique, l’expert a finalement été choisi pour faire du remplacement tout en gardant son emploi à Environnement Canada à temps plein. « Je partais également à Toulouse faire ma maîtrise, donc disons que j’étais pas mal occupé! », avoue Pascal Yiacouvakis.
La société d’État lui a par la suite offert un poste de présentateur météo pour une émission de radio matinale à temps partiel, puis le météorologue a bifurqué vers les plateaux de télévision à la nouvelle chaîne de nouvelles en continu RDI pour un poste temps plein. The rest is history, comme on dit.
Une job en pleine « zone de guerre »
Lorsqu’on lui demande quel évènement fut le plus marquant dans sa longue carrière, Pascal Yiacouvakis est sans équivoque : la crise du verglas de 98. « J’étais littéralement une semaine sur le front du matin jusqu’à tard le soir. Toute l’attention de la province était rivée vers cet événement. C’était une épreuve à la fois physique et mentale. Une chance que j’étais jeune et en forme », badine le météorologue, qui confie avoir dormi sur un divan aux bureaux de Radio-Canada plusieurs soirs d’affilée puisqu’il n’avait pratiquement pas le temps de retourner chez lui. « De toute façon, ma rue était complètement entravée par les arbres tombés et il a fallu qu’une pépine vienne briser la glace pour qu’on puisse passer en voiture au bout d’une semaine. »
«Avec les événements extrêmes causés par les changements climatiques, les gens vont avoir encore plus besoin de quelqu’un pour analyser les cartes, leur expliquer ce qui s’en vient et mettre le tout en contexte.»
Le météorologue estime que son métier a cependant bien évolué depuis cette époque « de guerre ». « Aujourd’hui, on a plein d’outils graphiques pour appuyer nos propos, ce qui aide à démontrer les phénomènes qu’on tente d’expliquer, et on a des données pratiquement en temps réel, dit-il. Avant, on capotait quand on avait accès à une carte satellite imprimée sur papier, imaginez-vous! »
D’ailleurs, même si on peut dorénavant consulter les prévisions météo du bout des doigts sur nos cellulaires, Pascal Yiacouvakis ne croit pas que sa profession disparaîtra de sitôt. « Avec les événements extrêmes causés par les changements climatiques, les gens vont avoir encore plus besoin de quelqu’un pour analyser les cartes, leur expliquer ce qui s’en vient et mettre le tout en contexte. Il y a plein de beaux défis à relever pour ceux qui veulent faire ce métier », affirme l’expert, qui dit recevoir beaucoup de courrier de téléspectateurs et téléspectatrices se posant des questions sur les phénomènes météo, preuve qu’il y a encore et toujours un intérêt en la matière.
Véritable mal de notre époque, d’irréductibles climatosceptiques continuent de ne pas croire au lien de causalité entre les activités quotidiennes de l’Homme et le bouleversement climatique de notre planète. Une réalité qui ne stresse pas outre mesure l’expert. « Avec l’information qui est de plus en plus accessible et les événements météo qui vont continuer d’exister, je pense qu’il y en aura de moins en moins [de climatosceptiques]. Je vois une évolution positive en ce sens depuis quelques années », reconnaît Pascal Yiacouvakis, sans toutefois être très optimiste sur le sort de la planète étant donné que le climat se détériore « beaucoup plus vite que prévu ». « Je fais ma part en faisant du vélo douze mois par année et je compte m’acheter une voiture électrique, mentionne-t-il. C’est déjà ça! »
De monsieur météo à monsieur mollo
En entrevue avec Le Devoir, le météorologue a mentionné vouloir prendre sa retraite pour « prendre le temps de prendre son temps ». Qu’est-ce que cela signifie exactement pour cet homme qui n’a vraisemblablement pas eu une carrière qu’on pourrait qualifier de « relaxe »?
« Marcher en masse, prendre le temps de cuisiner, de lire, de regarder des documentaires, peut-être voyager aussi, énumère-t-il. L’idée est de ne pas me mettre de pression et de ralentir le tempo en général. La pandémie m’a fait réaliser que j’aime ça, être relaxe. »
Il compte également profiter de la saison automnale, sa préférée d’entre toutes depuis que les étés sont « invivables » en raison de la chaleur.
Et oui, il a tout de même l’intention de continuer à consulter la météo à sa retraite. « Je vais le faire pour moi avant tout, dit-il. Comme cycliste, je regarde toujours les radars pour savoir si un orage ne va pas me tomber sur la tête. Et pour être franc, cette passion pour la météo ne me lâchera jamais. »
Bon vent, monsieur Yiacouvakis, et merci pour tout!