Un enfant c’est pas un jouet. S’il a un défaut de fabrication tu peux pas juste le remettre dans l’emballage pis demander un remboursement.
C’est la Semaine québécoise des personnes handicapées et je veux rendre hommage à ces parents, incluant les miens, qui ont eu l’indescriptible courage d’élever un enfant qui naît handicapé. Parce que si ces personnes-là ont pu vieillir, apprendre à vivre, c’est parce qu’il y a deux parents qui se sont retroussé les manches pis qui ont mené les premiers combats de ces vies qui s’annonçaient difficiles.
Ces temps-ci, mon Facebook est une galerie d’échographies : c’est simple, 70% de mes amies sont enceintes. Un statut m’a récemment fait sursauter : celui d’une future maman qui s’exclamait oh donc soulagée d’apprendre que son bébé ne serait pas autiste. Et qu’il puisse ainsi avoir une vie normale.
C’est tout à fait humain que d’espérer que la petite créature qui grossit en soi naisse en santé. Mais j’ai quand même froncé les sourcils. Parce que moi, je ne suis pas né dans un état pétant de santé. Mes pieds, par exemple, y allaient de leur plus belle interprétation de la tête hibouesque de Régine, dans cette scène phare de l’Exorciste. Un défaut de fabrication parmi d’autres qui ne m’ont finalement pas empêché de bien vivre.
Mais je comprends sa réaction. Un enfant qui naît avec une déficience, ça te casse un party. C’est comme apprendre que son bébé a fait un faux départ dans le grand marathon de la vie, et qu’il aura toujours un déficit à rattraper pour rejoindre les autres enfants.
Si ça se trouve, il te fera jamais éclater de joie avec les oh donc importants premiers pas.
Il va sûrement être choisi dernier en éducation physique. Dans ses joutes imaginaires, avec ses amis, il incarnera le très obscur Power Ranger handicapé. Il pourra pas participer à la sortie de fin d’étape, à son école primaire, parce qu’elle est encore cette année à Val-Cartier.
T’as pas envie que ton enfant soit exclu comme ça, c’est injuste. Sauf que des parents comme les miens l’ont accepté. Avec tous les inconvénients qui venaient avec. Élever un enfant, c’est déjà compliqué. Là, la tâche devient immensément plus difficile. D’abord, ça vient avec une tonne de complications techniques, de paperasses gouvernementales à remplir, pour t’assurer que ton enfant reçoive bien les soins dont il a besoin.
Magasiner un fauteuil roulant, c’est pas comme choisir une poussette. Pis aucun parent reçoit une formation pour ça. Faut t’aille voir un ergo. Pis que tu devines avec elle c’est quoi le mieux pour ton bambin qui comprend pas pantoute ce qu’il fait là. À cet âge-là, t’es pas conscient des défis qui t’attendent – mais tes parents oui, un tout petit peu plus.
J’ai été opéré 12 fois dans mes 6 premières années d’existence : les 12 fois, le taux de réussite étaient bof. La décision de procéder à l’opération revenait donc souvent à mes parents. Mes parents qui n’ont pas de doctorat, là. Mais qui ont fait ce qu’ils pensaient être le mieux pour le futur de leur nouveau-né. De grosses décisions pour un jeune couple.
Pas mal plus que «chambre vert pomme ou vert lime, chéri?».
Ces mêmes parents qui ont eu la délicate tâche de m’expliquer mon handicap. De m’avouer que je marcherais pas comme les autres enfants parce que j’avais été le grand perdant d’une étrange loterie génétique.
Que je pourrais donc pas m’inscrire Bantam A comme les autres ti-gars.
Des parents qui amènent pas leur enfant au parc le dimanche matin, mais au centre de réadaptation. Sans être certains si ça donnerait vraiment des résultats. Expliquez ça à un enfant de 6 ans qui préférait ben juste écouter la lutte. Ils m’expliquaient tout ça la gorge nouée, sachant très bien que c’est immonde d’expliquer ça à un jeune. Sachant très bien que j’aurais juste pu jamais l’accepter. Mais crisse, ils ont ben fait ça, j’sais pas comment.
Ils se sont donné corps et âme, à courir deux fois plus vite que les autres parents, avec moi sur le dos, pour que j’arrive en même temps à même place que les autres enfants. Mon père m’a même construit une criss de chaise pour pouvoir patiner, pis il venait me pousser, au parc Caron, pour que je joue au hockey avec mes chums.
Mes parents faisaient ça parce que c’étaient des superhéros qui ont décidé que c’est pas un p’tit défaut de fabrication qui allait empêcher leur enfant d’avoir les mêmes chances de réussir et de sourire que les autres.
À ces parents-là, dont les miens : wow, osti.
Vous avez fait de moi quelqu’un qui n’a pas envie d’être comme les autres. Juste d’être un peu comme vous deux ferait ben mon affaire.
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