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Awa Samaké, la globe-trotteuse des diplômes

Parcours d'une étudiante ambitieuse et mère accomplie.

Par
Antoine Pejot-Charrost
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Après avoir fait sa valise en vitesse, la jeune étudiante Awa Samaké, alors âgée de 17 ans, quitte le foyer familial et son pays pour la première fois. Ne sachant vraiment quoi amener, elle part la peur au ventre, mais assoiffée de connaissances, elle qui a toujours su ce qu’elle voulait faire. Les adieux ont été difficiles, mais une fois en Algérie, son premier arrêt, elle prend ses aises. Encadrée par des étudiants et étudiantes plus ancien.ne.s, elle trouve dans ces résidences une famille.

« Les femmes sont tout autant capables de faire des parcours en sciences et en mathématiques que les hommes. »

C’est cette conviction qui est devenue le combat d’Awa Samaké, étudiante au doctorat en informatique à l’UQAM. Lorsqu’elle était enfant, elle n’aurait jamais pu imaginer qu’elle serait encore aux études à 29 ans, compte tenu des infrastructures en place dans son pays.

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Awa a grandi dans la ville de Ségou, au Mali, là où les études en sciences et en mathématiques sont difficilement accessibles, plus particulièrement pour les femmes. « Il y a une certaine pression dans le monde de se marier tôt et jeune. Peu de parents vont autoriser leur fille à voyager pour étudier, surtout aussi longtemps », constate Awa, qui a eu la chance d’obtenir le soutien de ses parents.

Un tour du monde : c’est ce que la jeune Awa a entrepris dès l’âge de 17 ans, quittant son Mali natal et, par la même occasion, tout ce qu’elle connaissait.

Le tour du monde… en 80 diplômes

Après avoir accompli en Algérie cinq ans d’études durant lesquelles elle a obtenu une licence en statistiques et un master en ingénierie de la statistique spécialisation ingénierie, arrive toutefois l’impasse, les bourses pour le doctorat n’étant réservées qu’aux étudiants et étudiantes d’origine algérienne. À ce moment, un choix s’offre à elle : retourner au pays, diplôme en main et prendre chaque opportunité qui se présente ou continuer ses études.

Vous l’aurez deviné, elle opte pour la seconde option.

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Contrairement à Philéas Fogg du récit de Jules Verne qui bénéficiait d’une fortune sans fond pour compléter son tour du monde, pour Awa, ça a été plus compliqué. Heureusement, bénéficiant du soutien indéfectible de son père, la tenante d’une licence en statistiques traverse la Méditerranée, direction la capitale de l’amour, Paris. Elle obtient à l’université de la Sorbonne ce que nos cousins transatlantiques appellent un « master », en plus d’y rencontrer son conjoint.

Elle fait un passage remarqué au Rwanda en tant que pionnière pour l’Institut Africain des Sciences Mathématiques (AIMS) qui présentait pour la première fois un programme dans le pays est-africain. Après cela, Awa retourne en France retrouver l’amour et le soutien de son conjoint, Zoumana Mallé. Elle débarque ensuite à l’UQAM en décembre 2021 après avoir été à distance depuis septembre 2020. Elle arrive un vendredi, à trois jours de son premier examen en présentiel, et entame à Montréal une nouvelle étape à sa quête, mais en duo, cette fois.

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Étudier en tant que mère

Awa Samaké a enfin atteint le but qu’elle recherchait depuis si longtemps : intégrer le doctorat en informatique à l’UQAM, soit le summum des études dans son domaine. Toutefois, elle n’entame pas cette étape de sa quête seule, mais en duo. « Étudier avec un enfant [d’un peu plus d’un an] à la maison comme mère monoparentale [son conjoint étant resté en France], c’est une organisation », m’explique-t-elle entre deux soupirs.

Awa souligne que, bien que sa fille lui donne beaucoup de force, elle lui en a aussi beaucoup demandé. Un jour après son accouchement difficile, la jeune mère a dû suivre ses cours obligatoires en ligne à partir de l’hôpital bondé, le tout en pleine pandémie de COVID-19.

Pendant le reste de l’année, elle a donc continué les cours avec un nourrisson dans les bras et préparé ses examens jusqu’à ce que sa fille soit admise à la garderie.

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Le sourire aux lèvres malgré tout, Awa se souvient de son arrivée avec sa fille. « Il faut l’amener à la garderie, quitter plus tôt le travail, “travailler” de la maison quand elle est malade; ce sont des hauts et des bas constamment », affirme la jeune maman. Toutefois, avec le soutien de son conjoint qui prévoit rejoindre le duo montréalais prochainement, la petite famille n’a pas à trop se soucier du côté financier, ce qui permet à Awa de continuer sur sa lancée.

Innover pour redonner

Dans la dernière année de recherche de son doctorat à l’UQAM, Awa espère retourner un jour au Mali afin de redonner aux jeunes étudiants et étudiantes ce qu’elle n’a pas eu la chance d’avoir. Dans la lignée de ce qui se fait avec AIMS au Rwanda, où elle a fait partie de la première cohorte, la doctorante aimerait mettre sur pied un programme d’études et enseigner dans son pays d’origine, ce qui serait une première au Mali.

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En tant que femme, elle a ressenti toute sa vie le besoin d’obtenir le maximum de compétences et d’expérience avant de retourner à sa terre natale. Ainsi, sa crédibilité et son expertise seraient incontestables.

« Les gens pensent que dans la société malienne, lorsque tu fais des études supérieures en mathématiques, les seuls débouchés sont l’enseignement, mais ce sont de fausses rumeurs qui découragent les jeunes, car il existe une infinité de débouchés », dénonce-t-elle.

« Je veux que tous mes frères et sœurs maliens aient la chance de se lancer si ça les passionne : avec la volonté, tout est possible. »

Elle espère ainsi que son parcours puisse en inspirer plus d’un.e.

Déjà dans son enfance, Awa savait ce qu’elle voulait faire et était une écolière studieuse, mais aujourd’hui, lorsque je lui demande le type d’étudiante qu’elle est devenue, elle me répond sans hésiter : « courageuse ».

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