Commençons avec un exemple : Elon Musk, l’homme le plus riche du monde. C’est moi ou plus il s’enrichit et plus il agit en véritable bouffon?
Au cours des dernières années, il a démarré une entreprise de lance-flammes (super normal), il a investi 250 millions de dollars dans la campagne électorale de Donald Trump, et ça, c’est sans oublier la semaine où il a publié en moyenne 62 fois par jour sur X (même une madame très fâchée ne saurait répéter l’exploit sur Facebook). Ah, et une alerte sur mon téléphone m’informe à l’instant qu’il se fait maintenant poursuivre par la Securities and Exchange Commission parce qu’il aurait crossé du monde lorsqu’il a acheté Twitter en 2022. Oups.
Disons qu’Elon Musk donne ben du matériel à Charles Beauchesne pour (au moins) une trilogie des Pires moments de l’histoire.
C’est donc à la lumière de tout ça que je me suis posé la question : est-ce que l’argent rend fou?
Une question de personnalité
D’abord, plusieurs études concluent qu’un statut social élevé est un bon prédicteur de comportements non éthiques.
Trois caractéristiques joliment surnommées le Dark Triad ont été identifiées comme prédicteurs de comportements financiers égoïstes : manque d’empathie, narcissisme et manipulation à des fins personnelles. S’il n’y a pas de lien direct entre les traits associés au Dark Triad et le statut de milliardaire, pour devenir milliardaire, il faut souvent faire des moves financiers assez douteux sur le plan moral.
Ici, on peut penser au PDG de Purdue Pharma qui a continué à pousser (agressivement) les ventes d’OxyContin, et ce, des années après qu’on ait découvert que cette substance est hautement addictive. Résultat : des dizaines de milliers de décès directement attribuables aux surdoses d’opioïdes sur ordonnance.
Un puits sans fond
Une fois qu’on fait assez d’argent pour payer nos factures et aller dans le Sud de temps en temps, notre surplus d’argent n’a que très peu d’influence sur notre indice de bonheur.
Donc, quand on surpasse ce qui est nécessaire pour vivre, on a tendance à se comparer à ceux qui ont plus que nous.
Ce phénomène a un nom : le toxic money mindset (personnellement j’appelle ça un concours de zizi).
Quand on reçoit de l’argent, notre cerveau produit un boost de dopamine qui provoque un sentiment d’excitation et de plaisir. Par contre, les effets de la dopamine n’agissent qu’à court terme et par la suite, les humains ont du mal à expérimenter à nouveau une telle sensation de bonheur. En psychologie, on nomme ce phénomène le « hedonic treadmill ». .
En d’autres mots, quand on devient riche, on s’habitue au Club Med 3 fois par année. I guess qu’il faut le vivre pour le croire?
Un cerveau différent
Le cerveau des milliardaires serait différent des nôtres (bon, j’avoue que j’assume que les lecteurs de cet article ne sont pas milliardaires). selon cette étude, les milliardaires seraient moins bons que les gens de la classe moyenne pour décoder les expressions faciales des autres.
Puisque décoder les expressions faciales est un élément clé pour comprendre comment l’autre se sent, ça expliquerait pourquoi les gens ultra riches ont moins d’empathie. Ils sont physiquement moins capables de lire les émotions des autres. Si j’étais eux, entre le développement de deux apps, je travaillerais là-dessus un peu.
Seul.e.s au top
Dans un article pour The Cut, Clay Cockrell partage son expérience à titre de psychologue travaillant auprès des ultrariches.. Il y raconte que l’enjeu le plus soulevé par ces clients, c’est leur sentiment d’isolation : c’est dur pour eux de tisser des liens avec les gens qui n’ont pas les mêmes ressources qu’eux.
C’est sûr que de raconter ton escapade à Santorini en jet privé, c’est pas tant relatable pour le gars qui est venu isoler ton toit.
Les ultrariches ont donc tendance à passer plus de temps avec les autres rares personnes qui ont autant d’argent qu’eux et finissent par vivre dans une bulle.
Cockrell ajoute que ces gens ont du mal à se faire de nouveaux amis, parce qu’ils craignent de se faire utiliser pour leur argent.
C’est une peur quand même valide : si un gars lourd m’invite avec des amies à un show secret de Céline à Vegas, j’y vais un peu pour cette nouvelle amitié, oui. Mais si je suis honnête, j’y vais surtout pour Céline.
Les milliardaires peuvent vivre une certaine détresse à se demander si leur entourage les aime pour qui ils sont et ce qui leur arriverait s’ils devaient perdre toute leur fortune? C’est lourd, passer ton temps à te demander si tes amis rient à tes blagues parce qu’elles sont bonnes ou parce qu’ils espèrent que tu t’occupes de la facture à la fin du souper.
Fa’que… est-ce que l’argent rend fou?
J’ai posé la question à la psychologue Dre Jocelyne Bounader. Elle me répond que non, précisant qu’il a plutôt tendance à corrompre. L’argent représente avant tout le pouvoir et la réussite et dans notre société, on aime entretenir le mythe voulant que si on est riche, c’est parce qu’on le mérite et qu’on est meilleur que les autres. Ce sentiment peut rapidement nous déconnecter de la réalité, au point de ne plus avoir les deux pieds sur Terre. (Saluons ici Guy Laliberté et son voyage récréatif dans l’espace.)
Dre Bounader ajoute que dans une société capitaliste, s’enrichir n’est jamais assez et on en veut toujours plus (au détriment de littéralement tout le monde). On veut s’enrichir pour le pouvoir qui en découle, pour avoir des privilèges que les autres n’ont pas. L’argent, c’est la sécurité, c’est le sentiment de réussite. Le pouvoir qui vient avec l’argent est dangereux, il fait en sorte qu’on ne voit plus les autres comme des êtres humains, mais plutôt comme des serviteurs. « C’est pervers et troublant », me confie-t-elle.
Je ne sais pas si la Dre Bounader prend de nouveaux patients, mais je suggère de mettre Elon Musk sur sa liste d’attente (il a quelques écus de côté pour se le payer).