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Avoir des poux a uni ma famille

Votre entrée dans la grande confrérie des pouilleux.

Par
Marc-Antoine Jacques
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Quand j’étais petit, à l’école, il y avait des traditions annuelles: les tempêtes de neige, le moment où Steeve allait pisser de rire dans ses culottes, et la fameuse épidémie de poux. Mais celle-là, elle n’était pas pour moi; c’était pour les autres. Toujours pour les autres.

J’étais au parc quand, pour la première fois de ma vie d’adulte, on m’a parlé de poux. Pendant qu’on s’émerveillait devant les prouesses de nos morveux dans le module des grands, un parent m’a raconté que ça s’était installé sur la tête du grand en premier, qui les avait ensuite refilés au reste de la famille comme on spread une gastro dans un CPE. Sa laveuse avait fini par faire un burnout, sacrifiée aux premières lignes de cette guerre impitoyable.

C’est devenu plus qu’une anecdote. J’en entendais maintenant parler dans mes échanges avec de plus en plus de parents; à la garderie du petit, dans un courriel venant de l’école de la grande, dans les vestiaires du centre sportif. Le terrain était miné de poux, nous étions cernés.

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« Maman, j’ai la tête qui pique »

N’importe qui peut avoir des poux. Quand ton kid rapporte ça à la maison, il n’y a pas lieu de s’inquiéter; les poux ne transmettent pas de maladies et ne sont pas dangereux. Ce n’est pas non plus par manque d’hygiène qu’ils s’invitent à la maison. Ils viennent simplement y faire le party parce qu’il y fait bon vivre. Bref, ils sont partout où il y a des humains. Heureux, depuis toujours.

Mais moi, je ne voulais pas y croire. Pas chez nous.

Jusqu’à ce qu’au bout d’un peigne, j’en vois deux bouger. Dégueulasse.

Seuls au monde

L’infection est constatée, on prend des moyens radicaux et on croit à la force de la petite famille. Personne ne va venir nous aider là-dedans, tout le monde va avoir la chienne. Pour la gardienne, l’homme de ménage et les grands-parents, on est maintenant cancelled. Notre petite famille doit se serrer les coudes tout en évitant de se coller la tête.

Ce n’est pas facile, de checker deux ou trois fois par jour la tête de ses enfants avec un ti-peigne à poux. Ça tire, c’est long et il faut mettre une lampe frontale pour les voir, ces petites bestioles et leurs œufs.

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En marge du fameux shampoing à poux, on lave le linge et la literie à l’eau chaude et on sèche à cycle chaud pendant au moins 25 minutes. Les lentes et les poux traînent partout dans notre maison, l’envahisseur peut progresser, il faut le piéger avant. Avec des gestes de vigilance constants, on fait tremper les peignes et les brosses dans de l’eau chaude entre chaque usage, à au moins 70 degrés pendant 10 minutes pour achever les parasites. Il faut aussi penser à tout ce que notre tête peut toucher, les divans, les lits, les serviettes, les casques. On lave tous les jours ou on les expose à une chaleur intense. On ne leur laisse aucune chance.

On use aussi d’ingéniosité; on passe au séchoir à cheveux les casques de vélo, on ébouillante les barrettes, on congèle tout ce qui pourrait être problématique. C’est une guerre de chaque instant. Les poux n’aiment ni le très chaud ni le très froid. Un autre bon truc qu’on a développé est de mettre un casque de bain quand ta tête est shampouinée, question d’épargner ton divan et le reste de ta maison de cette solution huileuse et dégoulinante.

Être laid en famille, ça rapproche.

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C’est émouvant, de voir la famille faire la routine tous ensemble, chacun à sa place, avec rigueur, patience et acharnement. Quand je vois ma grande passer le peigne à poux à son petit frère comme une pro, en s’excusant tout bas de lui tirer les cheveux, je suis vraiment fier et je comprends qu’on va gagner.

À la prochaine chicane!

On va certainement gagner cette bataille-là ensemble. Ça prend beaucoup de patience. Ça tire les cheveux. Ça pique les yeux. Ça fait spinner ta laveuse. Et ça fait jaillir l’esprit de famille.

Nos peignes à poux seront bientôt rangés, mais ils seront toujours prêts à être dégainés. La prochaine fois que l’ennemi revient, on va être mieux préparés, nos stratégies seront affinées.

C’est clair qu’ils vont revenir. On aime que nos enfants aient des amis, on aime les voir se faire des câlins, ils partagent leurs costumes, ils s’invitent à faire dodo et ils se grimpent dessus. Cette proximité sociale, essentielle à leur épanouissement, comme parents, on adore ça.

Et les poux aussi adorent ça.

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