Samedi soir, c’est la soirée du hockey. Avec un ami, nous regardons les Canadiens de Montréal jouer contre les Maples Leafs de Toronto. Entre deux poignées de chips, il me montre sur son téléphone ses quelques mises de la soirée.
L’offre de combinaisons est impressionnante. Il a parié sur différents matchs de basketball et de hockey dans la même soirée. Il a même parié sur le nombre de points par joueur, de tirs au but et sur les pénalités au cours des matchs.
La soirée se termine avec un résultat négatif pour ses mises. Pas grave, « ce sera pour une prochaine fois » dit-il.
Il a découvert les paris sportifs récemment et n’est pas le seul. Dans un article de La Presse de 2021, on peut y lire que « 20 % des Québécois ont joué à un jeu de hasard et d’argent en ligne au cours des 12 derniers mois ». Seulement en 2020-2021, « Loto-Québec a enregistré des ventes de 29,38 millions de dollars pour les paris sur des événements ».
De plus, le PDG de Loto-Québec, Jean-François Bergeron, explique dans un article du Soleil qu’il veut offrir plus d’initiatives destinées à plaire aux jeunes adultes (de manière responsable). Les mises en ligne font assurément partie de la stratégie.
Dans cette montée de popularité des paris sportifs au Québec, plusieurs questions se posent. D’où vient ce concept? Pourquoi parier? Où le faire? Et quels en sont les risques?
D’où vient cette idée de parier sur les sports?
Un professeur en sciences à l’Université du Québec à Montréal, Arthur Charpentier, explique dans un article que « les paris sportifs existent depuis longtemps, même si l’origine du premier pari est impossible à dater. On peut penser aux Grecs, inventeurs des Jeux olympiques, où il n’était pas rare que les spectateurs parient entre eux sur les vainqueurs ».
Avant que Loto-Québec ne lance la loterie sportive Mise-o-jeu, en 1990, c’était un peu le Far West dans les paris sportifs au Québec. La société d’État offre actuellement des paris sur une dizaine de disciplines sportives, en fonction de la période de l’année (ex : Jeux olympiques, baseball, soccer, tennis, golf, combat, course, hockey et basketball).
Pourquoi parier?
Selon un rapport de 2001 de l’Institut national de santé publique du Québec sur les jeux de hasard, « certains joueurs ne recherchent que la sensation qu’un gain leur procure; d’autres encore apprécient les défis intellectuels que leur jeu de prédilection leur propose; pour d’autres, ce sont les aspects compétitifs des jeux qui s’avèrent la motivation principale ».
De plus, l’Institut gouvernemental souligne que « les jeux encouragent le rêve de faire un « coup d’argent », possiblement de modifier sa vie, d’accéder à un monde matériel supérieur à celui dans lequel on vit ».
Dans certains cas, « le jeu favoriserait les rencontres sociales, l’appartenance à un groupe ou dans certains cas, à un milieu de vie et à des valeurs partagées ». Dans d’autres cas, « ils peuvent aussi amener certaines personnes à s’isoler ».
Est-ce que c’est légal de parier au Québec?
Oui. Mais si vous voulez vous assurer de le faire en toute légalité, il faut que ça passe par Loto-Québec. Selon son porte-parole, Renaud Dugas : « Lotoquebec.com est le seul site de jeu en ligne 100 % légal » au Québec.
Les très populaires sociétés étrangères comme Bet99 sont tolérées, car elles sont basées à l’étranger. Loto-Québec tente toutefois d’établir un meilleur contrôle des paris sportifs au Québec en limitant, par exemple, les sociétés étrangères dans leurs publicités.
Qu’est-ce que ça change si je ne choisis pas Loto-Québec?
Une partie de la réponse est évidemment économique. Les retombées financières pour les paris sportifs sont énormes. Selon la Canadian Gaming Association, c’est 14 milliards de dollars qui seraient perdus chaque année en paris sportifs sur le marché noir ou sur les sites web étrangers au Canada. En misant sur le marché québécois, le gouvernement veut évidemment s’assurer que cet argent demeure dans la province.
Une autre partie de la réponse se situe au niveau de la sécurité des joueurs et joueuses. La conseillère spécialisée en jeux de hasard et d’argent à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) Élisabeth Papineau affirme dans un article de La Presse qu’ « une association à Loto-Québec est préférable parce que les jeux de Loto-Québec sont davantage assortis de mesures de contrôle de la fréquence de jeu et offrent un plus haut degré de reddition de comptes ».
Parier, est-ce que c’est un sport dangereux?
Selon un rapport sur les paris sportifs mené par le chercheur Serge Sévigny de l’Université Laval, plusieurs études soulignent que « les paris sportifs sont associés au jeu pathologique ». Le rapport met en lumière une étude de 2004 qui visait à évaluer les habitudes de jeu de 8 842 Québécois.es âgé.e.s de 18 ans. Elle conclut que « les paris sportifs présentent un fort potentiel addictif ».
La directrice du programme de sensibilisation au jeu de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), Shauna Altrogge se dit pourtant «préoccupée par cette normalisation des publicités télévisées sur les paris sportifs ». Depuis quelque temps, la directrice s’inquiète de « la récente prolifération des publicités à la télévision et certaines plateformes sur les paris sportifs, en particulier en ce qui concerne les jeunes ».
Alors, que faire? Le chercheur Sévigny souligne dans son rapport que « les stratégies de prévention réalisées auprès de la population doivent mettre l’emphase sur le fait que les paris sportifs sont des jeux de hasard dont l’issue est incontrôlable et ne pas laisser planer l’idée que les connaissances contribueront aux gains monétaires ».
Parier ou ne pas parier?
Est-ce que je vais parier sur le prochain match des Canadiens? Si je le regarde entre ami.e.s, peut-être. Pour ma part, jouer aux jeux de hasard, ça se fait en gang. Je mise sur sa capacité à créer un lien social plutôt qu’à me rendre riche.
Avec sa montée en popularité, plusieurs seront initié.e.s aux paris sportifs. Malgré son côté amusant et excitant, il ne faut pas négliger ses dangers. La dépendance aux jeux peut véritablement avoir des répercussions financières et humaines importantes.
Parlez-en à Drake qui aurait récemment perdu 1 million en pariant que l’Argentine allait remporter la coupe du monde de soccer en 90 minutes. On se rappelle que l’équipe de Lionel Messi a dû se rendre en temps supplémentaire et en tirs au but pour vaincre la France. Pauvre Drake. Et ça, c’était seulement un mois après avoir perdu 2 millions en misant sur un combat UFC.
Au final, parier doit rester un jeu. Un peu comme sa consommation d’alcool, il faut être conscient.e de ses limites et des risques qui y sont associés. Si le jeu est un problème pour vous ou pour l’un.e de vos proches n’hésitez pas à demander de l’aide au : https://aidejeu.ca/.