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Aller à l’épicerie ou se faire livrer?
Dans les dernières semaines, on le sait, les épiceries ont été submergées par la hausse exponentielle du nombre de consommateurs souhaitant faire leur épicerie en ligne pour la faire livrer à leur domicile. La distanciation sociale et la réalité qu’impose cette pandémie ont inévitablement provoqué une hausse subite de la demande en livraison.
Mais de plus en plus de Québécois qui achètent leurs aliments succursales se questionnent à savoir s’ils ne seraient pas mieux de faire le saut vers l’achat en ligne. Les heures d’ouverture réduites et les mesures de distanciation sociale mises en place par les épiceries causent de longues files d’attente. Plusieurs personnes ne se sentent pas en sécurité lorsqu’ils saisissent un piment dans le rayon des légumes bios ou lorsqu’elles croisent quelqu’un d’un peu trop près dans l’allée étroite des légumes en conserve.
Est-ce que je suis en train d’engorger le système et d’empêcher les personnes qui en ont réellement besoin, comme les aînés et les personnes handicapées, d’y accéder?
Sans compter l’aspect éthique de la livraison à domicile. Est-ce que demander à un travailleur à bas salaire de s’exposer potentiellement au virus pour nous livrer nos aliments essentiels est éthique? Est-ce que je suis en train d’engorger le système et d’empêcher les personnes qui en ont réellement besoin, comme les aînés et les personnes handicapées, d’y accéder?
Cela dit, chacun vit une situation unique. Certains sont en quarantaine, les personnes à risque évitent de sortir, etc. Mais pour ceux et celles qui peuvent se déplacer et aller à l’épicerie, quelle est l’option la plus «envisageable»? Laquelle est la plus éthique? Et qu’est-ce qui est le moins risqué pour moi et pour les autres? La réponse est loin d’être simple.
L’état des lieux
L’épicerie en personne
Les épiceries ne prennent pas de chances et ont mis en place des mesures d’hygiène supplémentaires pour protéger clients et employés. Lavage des mains obligatoires, lavage au gel antiseptique, nettoyage des paniers, limite du nombre de clients dans les magasins, etc. Le risque reste réel. Certaines chaînes, voulant faire preuve de transparence, ont d’ailleurs dévoilé une liste des magasins dans lesquels des employés ou des clients ont été déclarés positifs à la COVID-19. Malgré les mesures, la proximité humaine reste bien concrète dans une épicerie (et sa file d’attente), tout comme le risque de contagion!
L’épicerie en ligne
Avec l’affluence des derniers jours, il n’est à peu près plus possible de récupérer ou de se faire livrer ses achats en moins de cinq jours. Les systèmes d’achat en ligne, clairement mal préparés pour affronter une telle demande, sont saturés. Le temps d’attente pour accéder aux sites web des différents commerçants a grimpé en flèche. Il faut attendre entre plusieurs dizaines de minutes jusqu’à plus d’une heure simplement pour accéder aux sites. Sans compter que les plages horaires de livraison ou de cueillette sont limitées. Les livreurs sont débordés et mettent leur santé à risque chaque jour en livrant chez les clients, malgré les précautions d’hygiène et de distanciation qui sont prises.
L’éthique de la livraison
La crainte d’entrer en contact avec la COVID-19 lors de vos déplacements à l’épicerie est donc légitime, mais est-il raisonnable de demander à un travailleur au salaire minimum de prendre les risques pour vous alors que vous ne faites pas partie de la tranche de la population la plus vulnérable?
Délicat comme question, non? Le professeur de philosophie morale de l’Université Oxford, Jeff McMahon, en entrevue avec le magazine Fast Company, affirme que «[si vous êtes jeunes] et que vous pouvez mettre un masque et des gants pour aller au supermarché vous-même, vous devez le faire par équité pour les personnes handicapées, les personnes âgées et les autres qui ne peuvent pas.»
En gros, «laissez les services de livraison à l’usage de ceux qui en ont vraiment besoin».
Les travailleurs essentiels
Il reste que pour plusieurs de ces travailleurs, la livraison est une bénédiction! En ces temps de mise à pied et de chômage, un petit boulot de la sorte est le bienvenu. Plusieurs commerçants locaux ont justement trouvé dans la livraison une façon de rester en business et même de croître!
Où donc se trouve la limite entre ne pas abuser d’un service qui devrait être utile aux plus vulnérables et permettre à d’autres citoyens de payer leurs factures? Le bon jugement reste ici notre meilleure arme. François Legault aime dire qu’il fait confiance aux Québécois pour respecter les règles de distanciation sociale, il devrait en être de même pour les livraisons. Se faire livrer des produits de commerçants locaux est une chose, mais engorger les infrastructures de livraison des épiceries commerciales en est une autre!
Pourquoi l’un plus que l’autre?
Je me suis informé auprès des abonnés de Quatre95 à savoir ce qu’ils font entre «aller à l’épicerie» et «la livraison». 77% des répondants de ce sondage pas scientifique du tout ont affirmé qu’ils se rendent sur place alors que 23% optent plutôt pour la livraison. Dans plusieurs des cas, le temps d’attente et la sélection des produits justifiaient leur décision d’aller à l’épicerie : «Il y a plus de deux heures d’attentes en ligne et ils ne trouvent pas tous les produits qu’on a commandés alors il faut se déplacer quand même!», affirme une personne qui a répondu à la question.
«Je laisse les plages horaires de livraison pour les gens qui en ont vraiment besoin.»
D’autres répondants parlaient plutôt de l’accessibilité du service pour les personnes vulnérables: «Je laisse les plages horaires de livraison pour les gens qui en ont vraiment besoin comme les personnes âgées, les malades ou les handicapés.» Enfin, l’idée de sortir prendre l’air et marcher était aussi une motivation pour se rendre sur place.
«Les gens ne respectent pas les consignes de distanciation sociale.»
Du côté des répondants qui choisissent pour la livraison, certains ont évoqué le risque de se déplacer. «Les gens ne respectent pas les consignes de distanciation sociale» et «c’est important pour moi d’éviter le plus possible les déplacements», ont affirmé deux personnes. Bien évidemment, d’autres répondants ont aussi mentionné n’avoir d’autre choix que la livraison à cause de leur situation. La quarantaine obligatoire, la condition physique ou l’âge.
Une question sans réponse?
À force d’être quotidiennement confronté à l’évolution d’une situation «hors de notre contrôle», il est fort probable que ces questions aient croisé votre route. Sans prétendre y répondre définitivement, j’ai exploré quelques avenues qui permettront peut-être d’éclaircir votre réflexion sur la chose.
Ensemble, nous vaincrons cette épreuve et ensemble nous réfléchirons à comment il est possible de s’entraider. L’achat en épicerie comporte des défis et son lot de précautions, mais permet aussi, si vous pouvez le faire, de réduire la pression sur les infrastructures de livraisons, qui peinent déjà à répondre à la demande.
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