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Allaiter quand on a le cancer du sein

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Allaiter quand on a le cancer du sein

« La maladie, c’est beaucoup de deuils. »

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Mylène Bezeau, maman de deux enfants, croit que oui. Je l’ai appelée pour discuter d’allaitement avec un seul sein, de penser à la mort pendant la grossesse et de sa vision du futur, qui, pour elle, est souvent plus proche que loin.

J’ai découvert que j’avais le cancer à 23 ans. À l’hôpital, on m’a fait une biopsie, et environ deux semaines après la découverte de la bosse, j’ai eu mon diagnostic de cancer. C’était un stade 1, donc rien d’alarmant. On m’a fait une opération pour retirer la tumeur, puis j’ai suivi des traitements de radiothérapie.

Puisque j’étais d’abord censée faire de la chimio, j’ai dû passer par un processus de préservation de la fertilité. On a stimulé mes ovaires pour prélever des ovules et les congeler. J’étais célibataire à ce moment-là : je n’avais même pas encore eu le temps de me demander si je voulais des enfants.

Après un an, à la fin de mes traitements, j’arrive dans le bureau du médecin, et là ils m’annoncent que je vais devoir prendre de l’hormonothérapie pendant cinq ans pour éviter les risques de récidives et que je devrais éviter d’avoir des enfants. Ça n’avait jamais été mentionné avant.

Je n’ai jamais compris pourquoi on m’avait fait passer par un processus de fertilité pour ensuite me dire que je ne devrais pas avoir d’enfants.

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J’ai ensuite été en rémission pendant huit ans. Vers la fin de mes traitements, j’ai rencontré celui qui est aujourd’hui mon mari et on voulait des enfants.

J’ai fait des recherches, et des études oncologiques ont montré qu’il n’y avait pas vraiment de lien entre la maternité et les récidives, même pour les cancers hormonodépendants comme le mien. J’ai donc beaucoup débattu avec mes médecins, et finalement, j’ai obtenu le feu vert pour tomber enceinte.

J’ai eu ma fille en 2022. Tout allait bien. J’avais encore mes suivis, bien sûr, mais pendant la grossesse et la période d’essai, j’ai arrêté mon hormonothérapie.

« Après tout ce que j’avais subi, je voulais vraiment allaiter ma fille »

Je voulais vraiment allaiter, mais je savais que je ne pourrais le faire qu’avec un seul sein, parce que l’autre était en latence. Le médecin m’a expliqué que le sein était « comme mort » – pas littéralement –, mais qu’à cause de la tumorectomie et de l’hormonothérapie, qu’il ne réagissait plus aux signaux hormonaux, et donc qu’il ne pouvait pas produire de lait.

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J’ai accouché, tout s’est bien passé, et effectivement, le lait sortait seulement d’un sein. Les infirmières ont tout essayé : stimulation, pompage… Ça me faisait juste mal.

Heureusement, je produisais suffisamment de lait avec mon sein droit. Et ça, c’était une vraie victoire pour moi. C’était comme une manière de mettre un baume sur toute l’expérience du cancer.

Un cancer du sein, c’est comme si ta propre féminité t’attaquait. Le fait de pouvoir allaiter, de reprendre le pouvoir là-dessus, c’était vraiment important pour moi. Peut-être même que je me suis mis une pression supplémentaire pour que ça fonctionne.

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Arrêter l’hormonothérapie, c’était délicat : certains médecins disent que l’allaitement peut prévenir le cancer, mais tu ne peux pas passer de mammographie pendant que tu allaites. Pour moi, c’était un couteau à double tranchant, mais je n’avais pas envie de vivre dans la peur.

Bien sûr, pendant les montées de lait, les tétées groupées ou les poussées de croissance, c’était dur pour le « pauvre sein », parce qu’il n’avait jamais de répit. Finalement, j’ai quand même fait de l’allaitement exclusif pendant quatre mois et j’adorais ça. Le sentiment de nourrir ton enfant, de savoir qu’il n’a besoin de rien d’autre que toi… C’est un sentiment incroyable.

Éventuellement, les médecins m’ont demandé d’arrêter pour que je puisse passer une imagerie médicale. Je n’étais pas prête, mais je n’avais pas vraiment mon mot à dire.

Chaque fois qu’un choix t’est imposé par la maladie, c’est difficile à accepter, parce que ce n’est pas un vrai choix : c’est une obligation.

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Il m’a fallu patienter deux mois avant qu’on ne me rappelle. C’est deux mois où j’aurais pu continuer mon allaitement. Si c’était à refaire, je me serais défendue et j’aurais poussé pour allaiter plus longtemps.

« J’étais enceinte et on me parlait de ma mort »

Quelques années plus tard, mon conjoint et moi avons décidé d’avoir un deuxième enfant. À la première échographie, tout allait bien. Puis, c’est à la deuxième échographie qu’une masse de dix centimètres a été détectée sur mon ovaire. En raison de mon historique, j’ai immédiatement été transférée en gynécologie oncologique.

À ce moment, je me doutais bien qu’il s’agissait d’un cancer. Une biopsie a confirmé que c’étaient les mêmes cellules que mon cancer du sein. Huit ans plus tard, il est revenu.

J’avais des métastases dans les ganglions, les poumons, les ovaires… Rien dans les seins, mais c’était bien le même cancer. Quand le cancer se propage à d’autres organes que l’organe d’origine, on parle immédiatement d’un stade quatre : c’était mon cas.

Tous les scénarios ont été envisagés pour le bébé : est-ce que je pouvais continuer la grossesse ? Est-ce que je devais faire de la chimiothérapie? À combien de semaines l’accouchement devrait être provoqué?

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J’étais enceinte et on me parlait de ma mort. C’était une dichotomie très difficile à vivre.

Finalement, mon petit garçon est né à 34 semaines. Malgré les circonstances, ça a quand même été un bel accouchement. Ce jour-là, j’ai demandé à ce qu’on ne prononce pas le mot « cancer » afin que la journée soit entièrement consacrée à mon fils.

J’ai commencé mes traitements le lendemain de mon accouchement. On m’a transférée de l’étage de maternité à celui d’oncologie pour recevoir ma première thérapie ciblée. Avec mes traitements, je ne pouvais pas allaiter. Ça a été un énorme deuil à faire.

Au début, les infirmières n’étaient pas au courant de mon dossier. Elles entraient dans la chambre et me disaient : « Vous donnez le biberon ? Vous savez, ça serait mieux si vous allaitiez… » Chaque fois, c’était comme un rappel brutal de ma situation.

« Mon combat ne sera jamais fini »

J’ai subi une ovariectomie : on m’a enlevé les ovaires et les trompes de Fallope. Je ne peux donc plus avoir d’enfants. Chaque fois qu’une personne de mon entourage tombe enceinte, c’est difficile parce que ça me rappelle que je n’en ai plus la possibilité.

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La maladie, c’est beaucoup de deuils. Avec un cancer stade quatre, on te donne souvent des chiffres : cinq ans, quinze ans… Mais il y a des gens pour qui ça va très bien. Jusqu’à maintenant, je réponds bien aux traitements. Je suis optimiste, mais réaliste : un cancer de stade quatre, ça ne se guérit pas.

Dans les médias, on parle souvent du cancer comme d’un combat qu’on gagne ou qu’on perd. Pour moi, il n’y a ni gagnant ni perdant. Mon combat ne sera jamais fini.

Les premiers mois, chaque fois que je donnais le biberon à mon fils, j’avais les larmes aux yeux. Je me demandais : « Est-ce que je vais me rendre au mois prochain ? »

Avec le temps, j’ai appris à mieux connaître ma maladie et maintenant, je suis capable de me projeter un peu plus loin. Pour l’instant, je suis en forme. Je peux jouer avec mes enfants et être présente pour eux. Il y a des journées plus dures, où je suis plus fatiguée, mais je suis leur maman à 100 %.

Et j’espère que ça va rester comme ça le plus longtemps possible.

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