Depuis mars 2020, les grandes prédictions sur l’avenir du travail post-pandémie alternent entre deux scénarios: l’utopie d’un milieu plus flexible et adapté aux employés, et la dystopie d’un monde hyperconnecté où l’ultravigilance d’un système central surveille les moindres mouvements des travailleurs.
Puis, il y a Alfred.
Alfred, c’est l’enfant illégitime qu’un Segway et un iPad auraient conçu lors d’une nuit torride dans un motel de Silicon Valley.
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Plus sérieusement, c’est un robot conçu par l’entreprise Double Robotics qui vous permet d’être (presque) physiquement ailleurs lorsque vous n’y êtes pas. La compagnie de Farnham Holo Robots, qui s’occupe de la mise en marché et du service après-vente des robots au Canada, y voit beaucoup de potentiel pour le télétravail, mais un robot du genre peut aussi donner la possibilité à un enfant d’assister à ses cours comme s’il était en classe.
Bienvenue au 22e siècle
Chez Quatre95, on est en télétravail à temps partiel. Un peu au bureau, un peu à la maison. On s’est donc dit que c’était l’occasion parfaite pour un test drive avec ce gadget qui nous donne l’impression de vivre le futur comme si on y était.
Lorsqu’on a appris que la compagnie Holo Robots acceptait de nous envoyer un robot pour l’essayer, le niveau d’excitation du bureau à moitié vide a monté de plusieurs crans.
Quelques jours plus tard, Alfred (chaque robot possède un nom différent) faisait son entrée dans les bureaux d’URBANIA.
On a reçu deux boîtes: le robot et son socle-chargeur. Je m’attendais à ce que ça vienne avec un guide d’assemblage illustré à la IKEA et que je doive y passer l’après-midi, mais à mon grand étonnement, toute la machine ne comprend que trois pièces: la tête, la base et une vis pour les rattacher. Presque trop simple.
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Voilà, le robot est assemblé et il se connecte à Skynet. C’est comme ça que ça commence dans Terminator.
Pas besoin de souligner que le serveur robot du café de 2015 dans Back to the Future 2 fait bien pâle figure à côté d’Alfred.
Test, one two
Je m’attendais aussi à devoir regarder un tutoriel d’une demi-heure pour apprendre à piloter Alfred, mais quiconque a déjà joué à Doom (désolé, mes références de jeux vidéo ne sont pas à jour) comprend comment ça marche en cinq secondes. Gun au plasma non inclus.
C’est parti.
Première impression: Alfred se pilote facilement, soit en utilisant les flèches de son clavier d’ordi, soit en cliquant sur l’endroit où on veut aller. Par contre, lorsqu’il y a de gros contrastes de lumière sur le plancher, on a le sentiment qu’Alfred est en train de jouer à Floor is Lava. Un peu comme s’il croyait que les rayons de soleil qui tapent sur le sol étaient de la roche en fusion qu’il doit impérativement éviter.
J’ai réussi à naviguer l’espace de travail, aller dire bonjour aux gens et devenir la distraction #1 du bureau.
Sinon, Alfred est un bon communicateur. C’est facile d’entendre les collègues et de leur parler. On voit bien l’environnement. C’est très immersif. Un collègue m’a fait remarquer qu’avec un casque de réalité virtuelle, ça serait malade.
Bref, j’ai r éussi à naviguer l’espace de travail, aller dire bonjour aux gens et devenir la distraction #1 du bureau.
Tout le monde a apprécié, sauf pour une de mes collègues au regard sceptique. Mon petit doigt me dit qu’elle a été traumatisée par le film Robocop quand elle était jeune.
Au-delà du divertissement, l’utilité d’Alfred est plutôt limitée pour des gens qui passent le plus clair de leur journée devant un ordinateur et qui sont à un clic de se parler en visioconférence. N’empêche. Alfred est venu à ma rescousse quand j’ai eu de la difficulté à me connecter à un appel à distance. Merci Alfred 🥲.
Par contre, je peux voir l’utilité d’un robot de la sorte dans une usine où un contremaître doit être mobile, voir ce qui se passe et examiner des objets. C’est un bon moyen d’être sur place quand il faut absolument être là sans pouvoir l’être.
La parole aux collègues
Mais je ne suis pas seul à avoir été le Ghost in the Shell du robot d’Alfred.
«C’est un mini power trip, mais c’est parce que c’est tout nouveau.»
Auprès de mes collègues, une chose fait l’unanimité: Alfred bat les appels Zoom à plates coutures. C’est comme si on était au bureau, juste qu’on roule au lieu de marcher. Ou comme le dit Ben, mon collègue des réseaux sociaux, «j’avais un peu l’impression de conduire un sous-marin».
Pour Billy, rédacteur de Quatre95, c’est un «solide avatar», alors que Clément de la créativité média affirme qu’il l’utiliserait tout le temps: «C’est un mini power trip, mais c’est parce que c’est tout nouveau.»
Parlant de power trip, Junior, notre adjoint à la rédaction, trouve d’ailleurs qu’un robot du genre ressemble davantage à «un outil pour faire du micro-managing».
Comment on se sent quand on est en face d’Alfred? Pour notre directrice des contenus numériques, Barbara, «il y a un côté étrangement humain» à l’expérience, même si elle imagine mal un bureau rempli de robots-avatars qui roulent partout.
Pourquoi maintenant?
Pour compléter le CV d’Alfred, j’ai discuté de ce test avec le président de la compagnie Holo Robots, Julien Dépelteau.
Utilisateur de la première heure, Julien a vu le potentiel du robot de téléprésence quand le monde s’est arrêté de tourner l’année dernière. Et pas juste pour le télétravail: «Je viens de faire une démo au Palais des Congrès pour une expérience immersive. La semaine dernière, on a prêté un robot à un jeune atteint d’une maladie dégénérative qui ne peut pas se rendre à l’école. Ça peut aussi permettre aux gens qui sont confinés ou à mobilité réduite de poursuivre leurs activités», énumère-t-il.
Sans compter que, pour une entreprise qui dispose de bureaux partout dans le monde, ça peut économiser beaucoup d’argent (et beaucoup d’émissions de GES) en transport. Julien m’explique qu’il est d’ailleurs en contact avec Postes Canada pour discuter de la possibilité qu’un robot comme Alfred prenne la place des formateurs dans le Grand Nord.
Mais qu’en est-il des employés qui doivent côtoyer cette entité cybernétique et qui éprouvent un certain malaise? «Il faut leur expliquer à quoi ça sert et leur faire essayer», affirme Julien Dépelteau, qui prône la transparence et la communication par-dessus tout. «Si votre entreprise n’a pas une culture de surveillance, les employés ne se sentiront pas surveillés.»
Une phrase pleine de bon sens, à laquelle plusieurs patrons devront réfléchir avant de faire entrer ce bon vieux Alfred (on s’attache!) dans leur bureau.
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