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Acheter un chalet quand on est locataire : un entre-deux complexe

Le charme de la nature et le rêve d'accéder à la propriété, ça peut venir avec quelques embûches.

Par
François Breton-Champigny
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Il y a un peu moins d’un an, ma blonde et moi avons concrétisé un rêve qu’on chérissait bien avant la pandémie : avoir un « petit cocon » en Estrie tout en conservant notre pied-à-terre en location à Montréal.

Avec le marché immobilier complètement zinzin depuis pratiquement deux ans, on s’était fixé un montant maximal pour le prix d’une première propriété en tenant compte des dépenses qu’implique le fait d’avoir un appartement pas piqué des vers sur le Plateau. Les dieux des prix raisonnables nous ont béni.e.s et nous avons pu avoir notre petit havre de paix à moins d’une heure et demie de voiture de Montréal (je sais, on gosse solide).

Par contre, même si on était bien préparé.e.s, les aléas de la vie de proprios nous ont envoyé quelques curveballs en ce qui a trait aux dépenses imprévues et à la réalité des déplacements campagne-ville qui étaient nécessaires plusieurs fois par mois (allô compte de taxes municipales et prix du gaz complètement débile!).

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Comme on est loin d’être les seul.e.s à s’être laissé.e.s tenter par cette obsession pandémique, je me suis entretenu avec d’autres locataires-nouveaux propriétaires pour voir comment la transition s’est déroulée de leur côté.

Une autoconstruction qui démolit le budget

Lorsqu’ils ont vu une belle grande maison en vente tout près de North Hatley dans les Cantons-de-l’Est, Laurence et Louis ont tout de suite fait une offre d’achat.

« Au départ, on regardait pour acheter quelque chose à Montréal, mais on a réalisé assez vite que pour le même prix, on pouvait avoir une propriété pas mal plus intéressante en campagne et garder un pied-à-terre en ville », explique Laurence.

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En plein cœur de la pandémie, le télétravail faisait d’autant plus rêver le couple d’un style de vie mariant milieu urbain et rural. « On se demandait si on regretterait notre move une fois que la pandémie serait passée et qu’on devrait retourner au bureau la majeure partie du temps. Mais on s’est dit qu’on évaluerait la situation en temps et lieu et qu’on aimait mieux tripper pour le moment. »

Une fois passé.e.s au notaire, Laurence et Louis sont aux anges : ils pourront enfin avoir leur cottage estrien à un peu moins de deux heures de route de la métropole.

Le couple a déchanté assez vite en constatant l’ampleur des travaux de sa nouvelle demeure.

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Mais tel un wrench lancé dans une roue de bicycle du bonheur, le couple a cependant déchanté assez vite en constatant l’ampleur des travaux de sa nouvelle demeure, une autoconstruction avec plusieurs lacunes, avait besoin.

« On a dû excaver parce que les fondations n’étaient pas imperméabilisées et refaire tous les murs du sous-sol. On a aussi dû faire réparer l’échangeur d’air qui était défectueux et même dangereux en raison d’un fusible mal installé. Au total, la facture est montée à 50 000 $ », résume Laurence, un peu découragée.

LE TEMPS (ET L’ÉNERGIE), C’EST DE L’ARGENT.

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Heureusement, le couple avait choisi de mettre moins d’argent dans la mise de fonds de sa maison pour se garder un montant de côté afin de couvrir des rénovations ou toute urgence qui pourrait survenir. Il s’était également doté de bonnes assurances habitation, qui ont remboursé une partie des travaux. Le reste du montant a pu être réclamé à l’ancien propriétaire.

Le plus coûteux dans tout ça? Le temps et l’énergie attribués à cette fâcheuse situation. « Ça fait quasiment un an qu’on est là-dedans, qu’on fait deux heures de route pour aller ouvrir la porte à un entrepreneur général qui vient shooter du polyuréthane ou toute autre réno, indique Laurence. On est vraiment à boutte. »

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Justement, la gestion qu’implique le fait d’avoir deux logements représente un défi assez monumental pour le couple. « Je faisais partie des gens qui idéalisent le combo ville-campagne. Dans le concret, ça représente énormément d’implication et de planification à long terme par rapport à la bouffe, les factures, le ménage, les transports, etc. On est plus sur l’autoroute 10 que chez nous », avoue Laurence, qui doit aussi prendre en compte son chien Jeanne dans la logistique de tout ça.

Malgré tout, le couple ne regrette pas du tout son choix, loin de là. « On pense s’établir définitivement dans les Cantons pour s’éviter du trouble. Et puis, il faut dire qu’on est un peu tanné de vivre entassé dans un petit appart au milieu du tumulte de Montréal. On apprécie de plus en plus l’espace et la tranquillité au quotidien. »

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Pas d’eau, pas de réseau, mais ben du bonheur

Devenir proprio alors qu’on est locataire depuis toujours ne rime pas forcément avec désagréments et stress. À l’aube de ses quarante ans, Jean-David Perron a vu un exode hebdomadaire vers la campagne comme un retour aux sources.

«Ça faisait longtemps qu’on rêvait d’avoir un endroit où déconnecter et quand l’opportunité s’est pointée, on l’a prise.»

« Je viens de la région de Québec et ma copine Jessica du Témiscamingue, donc on a grandi dans des milieux où la nature faisait partie de notre quotidien. Ça faisait longtemps qu’on rêvait d’avoir un endroit où déconnecter et quand l’opportunité s’est pointée, on l’a prise », résume le fondateur de la maison de disques Supersavant, qui a offert aux anciens propriétaires (et ami.e.s) de leur acheter la demeure s’ils décidaient de vendre un jour, ce qui arriva plus tôt que tard. « Ils nous ont contactés pour nous demander si on était encore sérieux et on a dit oui. Ils ont donné un chiffre et on a accepté sans même passer par un courtier. On a vraiment été chanceux. »

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En deux temps, trois mouvements, le couple s’est retrouvé à passer ses fins de semaine dans un chalet off grid sans eau courante ni électricité, à dix minutes du village de Saint-Côme dans Lanaudière. « Tu fais un peu le saut quand tu arrives en plein hiver et qu’il fait aussi froid en dedans que dehors. Mettons que tu pars le feu rapidement », illustre Jean-David en riant.

Mis à part l’achat d’une voiture 4×4 pour faire le voyage entre la ville et la campagne – un premier véhicule en 15 ans –, Jessica et Jean-David ont dû casser leur petit cochon pour certaines dépenses auxquelles ils ne s’attendaient pas en devenant propriétaires.

«Je ne cacherai pas que j’ai eu des petits moments de “réalisation” en pleine nuit, mais en général, on est bien relaxes avec tout ça.»

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« On a fait le saut quand on a reçu notre compte de taxes municipales, mettons. On n’avait pas nécessairement calculé non plus dans notre budget des coûts reliés au déneigement de notre chemin, à l’achat du bois de chauffage et à l’entretien de la propriété en général », explique Jean-David, qui se compte néanmoins chanceux, puisque sa copine et lui gagnent de bons salaires et ont payé un prix décent pour la propriété, ce qui leur a permis de garder le même style de vie sans trop se serrer la ceinture ou devenir des « cracks de fichiers Excel ».

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Contrairement à Laurence et Louis, jumeler la vie de locataire et de propriétaire ne fut pas trop stressant pour le couple. « C’est sûr qu’il y a une certaine responsabilité qui vient avec le fait d’avoir une propriété, avoue Jean-David. Je ne cacherai pas que j’ai eu des petits moments de “réalisation” en pleine nuit, mais en général, on est bien relaxes avec tout ça. »

Dans un futur assez rapproché, le couple envisage d’agrémenter son domaine en y faisant construire un puits et en installant des panneaux solaires afin d’y être plus autonome. Mais troquera-t-il définitivement le bitume pour les chemins de terre un jour? Ça reste à voir. « Pour l’instant, on aime avoir les deux côtés de la médaille et décrocher pour vrai les week-ends. On s’en reparle dans 20-25 ans! »