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Acheter une maison à plusieurs pour économiser: une bonne idée?

La cohabitation pour adultes avertis.

Par
Maude Gauthier
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L’urgence climatique est l’un des mots de l’année, soulignant l’importance de l’enjeu environnemental. Et si une partie de la solution passait par la remise en question de l’image d’une famille comblée de bonheur dans son bungalow ou son duplex? Faute de moyens pour se loger plus près des centres urbains, on se tourne très souvent vers l’achat d’une maison en banlieue éloignée. Peut-on envisager d’autres options, qui permettraient à la fois d’accéder à la propriété à moindre coût et de freiner l’étalement urbain?

Imaginez acheter une grande maison à plusieurs et vivre en cohabitation, par exemple. Je veux parler de l’achat d’une propriété avec des personnes qui ne sont pas liées par le sang ou la conjugalité et qui vivent ensemble, dans la même habitation. Ça se différencie pas mal de l’achat d’un haut de triplex en condo indivis ou d’avoir votre mère qui cautionne votre prêt hypothécaire!

J’ai discuté avec Stéphanie, dans la trentaine, qui a vécu plusieurs années en colocation et qui projette l’acquisition d’une maison à trois copropriétaires.

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La prise de risques

Acheter à plusieurs est parfois synonyme d’instabilité et c’est surtout l’entourage social qui le déconseille. Plus il y a d’adultes qui mènent leur vie de manière indépendante, plus il y a de chances qu’un d’entre eux veuille partir de son bord. Par exemple, que faire si votre copropriétaire rencontre l’âme sœur et souhaite quitter pour fonder son propre foyer avec sa douce moitié?

À un moment où à un autre, la plupart des individus commencent à sentir l’appel de la propriété privée, incarné par l’idéal de la maison unifamiliale… ou le duplex, si vous habitez un quartier branché de Montréal. Malgré un intérêt grandissant pour les écoquartiers, les maisons multigénérations et de longues listes d’attente pour les coopératives d’habitation, la propriété privée unifamiliale demeure la norme.

Ce modèle est-il vraiment fait pour vous qui rêvez de devenir propriétaire sans piétiner vos idéaux environnementaux?

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Mais n’est-ce pas limitant de se borner à l’idéal « une famille, une propriété »? Après tout, plusieurs couples achètent et se séparent en moins de temps qu’il n’en faut pour arriver à l’échéance de leur prêt hypothécaire fermé à taux fixe.

Maintenant le fait qu’on a réglé la question des normes sociales, ce modèle est-il vraiment fait pour vous qui rêvez de devenir propriétaire sans piétiner vos idéaux environnementaux? Ici, ça demande un peu de réflexion. J’ai discuté avec Stéphanie pour qu’elle nous donne l’heure juste.

On n’est plus dans Friends

Beaucoup de gens ont connu la colocation, lors de leurs études, par exemple. Certains prolongent ce mode de vie bien au-delà des premières années hors de leur foyer d’origine. Bonnes ou mauvaises expériences s’ensuivent. Si vous avez mal vécu votre colocation, vous pouvez être hésitant à l’idée de recommencer. Ou encore, apprendre de cette expérience et vous doter de règles pour choisir vos cohabitants et établir vos règles de maison.

Magasiner une maison en gang demande une full disclosure financière.

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Mais acheter à plusieurs, c’est bien différent de louer à plusieurs. À commencer par la dimension de l’argent, connue pour faire ressortir tant le meilleur que le pire des individus.

Magasiner une maison en gang demande une full disclosure financière. Vous irez ensemble magasiner une hypothèque, et ça va être dur de garder des secrets. Les autres verront vos avoirs (le cash dans vos comptes), vos dettes (je vous ne le souhaite pas), votre revenu des deux dernières années (T4 ou avis de cotisation), et votre photo de permis de conduire (iiish, clairement le pire). Mettre cartes sur table dès le départ facilitera la suite. Vous ne voulez pas faire une offre et vous rendre compte en passant à la banque que votre demande de prêt est refusée parce que votre ami n’est pas solvable.

Pour bien organiser votre magasinage, divisez votre temps. Par exemple, une ou deux personnes se mettent sur les premières visites, une autre se met sur les contacts avec les institutions prêteuses. Ensuite, il faudra chercher un(e) notaire qui n’a pas peur des cas un peu spéciaux, ainsi que trouver et accompagner un inspecteur en bâtiment.

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Revenons aux finances… Ce type d’arrangement peut faire craindre des troubles financiers et des chicanes d’argent. Pourquoi ne pas commencer par une mise de fonds à parts égales et… tout payer à parts égales? Quoiqu’à bien y penser, une version au pro rata serait peut-être envisageable… pour les amateurs de tableaux Excel!

Ça pourrait être judicieux de choisir vos copropriétaires en fonction de leur passé, tant sur le plan humain que financier.

Quant à la perception des banques, un coup d’œil à leurs formulaires en ligne révèle tout de suite qu’elles s’attendent à un ou deux demandeurs (c’est le nombre de cases automatiquement disponibles). Mais selon un courtier hypothécaire à qui j’ai pu parler, être trois acheteurs pourrait aider votre cause si la situation financière d’un ou deux des acheteurs est un peu « limite » pour la gamme de propriétés visée.

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Et que faire si une personne n’arrive pas à payer sa part de l’hypothèque? Normalement, les propriétaires sont conjointement responsables de payer. C’est peut-être le plus gros risque? Rebonjour la pertinence du fichier Excel, où vous pourrez concilier tout ça. Sans avoir la même valeur que l’acte notarié, c’est mieux que rien… ?

Ça pourrait d’ailleurs être judicieux de choisir vos copropriétaires en fonction de leur passé, tant sur le plan humain que financier : sont-ils du genre à ne pas payer leur part de la pizza que vous avez commandée vendredi dernier? Sont-ils d’éternels célibataires? Penchent-ils vers des modes de vie alternatifs? Sont-ils propres (ou pas propres, si c’est votre style à vous aussi)? Il faut bien se connaître pour éviter d’accepter certaines choses sur lesquelles on n’est pas vraiment flexible, par exemple par rapport au bruit ou à la cigarette.

Les règles de la maison

Et pour le reste, il faut bien entendu se doter de règles de cohabitation claire.

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Stéphanie dit qu’il faut faire une liste des tâches de chaque personne et l’afficher quelque part, à côté d’une page blanche pour les « bonis », question de bien voir ce que chacun accomplit et de montrer ce qu’on a fait. Pour éviter les excès de zèle, elle suggère également de se doter d’un endroit précis (comme une table), où tout le monde peut laisser traîner des choses. Si l’envie vous en prend, n’hésitez pas à former des petits comités pour améliorer différents aspects de votre chez-vous : comité ménage, comité décoration, comité zéro déchet, etc.

Selon Stéphanie, la qualité la plus importante pour une cohabitation réussie est d’avoir de la bienveillance, c’est-à-dire d’être attentif au bien-être de l’autre et au non-dit. On peut, par exemple, songer aux horaires de ses cohabitants pour adopter des comportements qui les respectent et y ajouter un petit bonus de temps en temps, comme cuisiner une portion de plus pour une personne qui a une longue journée au travail. Ensuite, elle conseille de savoir prendre ses distances sans capoter; c’est une consigne à soi-même pour éviter des montagnes russes d’émotions. À certains moments, tout ira bien et on se rapprochera les uns des autres, mais il y aura certainement des bouts moins faciles, et là, il faut éviter de quitter la cohabitation. Elle suggère de « rester poli » jusqu’à ce que la vie vous fasse vous retrouver!

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Avec seulement 4% de ménages « autres » que des familles ou des personnes seules, selon Statistique Canada, les exemples de copropriétaires sans liens familiaux ou conjugaux restent rares. Mais qui dit difficile ne dit pas impossible!