À la conquête du Trek W

En mars, j’ai voyagé en Patagonie où j’ai eu la chance de parcourir une partie du fameux Trek W qui sillonne certaines des montagnes les plus spectaculaires du Chili et de l’Argentine.

On voit les photos passer sur les réseaux sociaux, mais qu’est-ce que ça fait d’y marcher?

Pour revivre l’aventure, j’ai discuté avec mon amie espagnole Alicia, rencontrée il y a quelques années durant un échange étudiant, et son copain finlandais Arttu, qui ont affronté l’intégralité du W Trek.

Pour ma part, j’ai partagé une journée de randonnée avec mon amie australienne Alexandra et son copain Stephan, juste assez pour goûter aux paysages grandioses et à l’intensité du trek.

En atterrissant à Puerto Arenas, j’ai l’impression d’être au bout du monde. Et dire que quelques heures plus tôt, j’étais encore à Santiago à fondre sous la chaleur accablante de la capitale du Chili.

Avant le grand départ, on a exploré un peu la ville avant de prendre le bus en direction de Puerto Natales. Pendant les trois heures du trajet, collines désertiques, plaines balayées par le vent et montagnes lointaines se succèdent sous un ciel patagonien changeant, un avant-goût de ce qui nous attendait.

Puerto Natales, c’est la porte d’entrée vers le mythique Trek W. Les chiens errants traversent les rues sans se presser, tandis que des touristes en Gore‑Tex parlent espagnol, allemand, danois, français… Un couple de Néo-Zélandais nous dit : « On est tous ici pour la même chose ! ».

On pose nos sacs au Wild Hostel, une auberge de jeunesse haut de gamme. Une nuit se détaille à 80 $, petit-déjeuner inclus. Un rappel que l’aventure en Patagonie, c’est loin de coûter des pinottes!

Une fois installés, on s’offre une petite virée dans une boutique de location d’équipement où le commis, accessoirement météorologue, nous assure que le beau temps durerait « peut-être ». Rassurés (ou résignés), on souligne notre dernière soirée ensemble autour d’un caldillo de congrio, une soupe de poisson chilienne aussi chaude que réconfortante.

Réveil à 4h30 pour mettre le cap sur le parc national Torres del Paine en admirant le lever du soleil sur les trois tours mythiques du Mirador. Il est possible de faire le trajet en bus, mais mes amis et moi avons fait le choix de louer une voiture, histoire d’être plus flexibles.

Tandis que nous roulons en silence (un silence qui signifie qu’il est encore trop tôt pour s’adresser la parole), une lueur rose perce à l’horizon. Petit à petit, la Patagonie se réveille : les trois tours de pierre prennent des teintes de rose pâle, puis d’orange doré. J’ai les larmes aux yeux, mais je ne saurais les attribuer à la beauté du spectacle, ou au vent glacial qui me gifle le visage.

La montée commence. Avec plus de 20 km à franchir, on y va doucement. En quelques heures, on traverse les quatre saisons. Par chance, on a suivi la règle d’or en montagne : s’habiller en couches ; départ en polaire, pause en t-shirt et retour à la doudoune imperméable.

Un peu plus loin, niché au creux d’une petite vallée, le refuge apparaît. On peut y remplir sa gourde d’eau glaciaire (fraîcheur garantie) et acheter des noix hors de prix. À l’intérieur, c’est un microcosme de randonneurs : certaines tables rient fort, d’autres dorment les yeux ouverts. Une femme allemande montre son poignet violet et difforme. Tout le monde s’estime heureux de ne pas être à sa place.

La suite de la randonnée se déroule dans une forêt qui semble tout droit sortie d’un film de Miyazaki. Les arbres tordus et couverts de mousse forment des arches au-dessus du sentier.

Puis, la forêt laisse place à un paysage rocailleux. C’est le dernier stretch et on a l’impression de monter tout droit vers le ciel.

Après une heure et demie à sauter de roche en roche, nous arrivons au clou du spectacle : le lac émeraude et les trois tours de granit, un paysage à couper le souffle.

J’aimerais dire que la descente a été un jeu d’enfant, mais ça serait vous mentir. À mi-chemin, il s’est mis à neiger (!!!). C’est pénible, mais n’est-ce pas ça, la montagne ?

Cette escapade n’est qu’un avant-goût. Si vous êtes tenté de pousser plus loin vos mollets et vos émotions, il y a le Trek W complet.

Si vous avez un peu plus de temps (et un peu plus de mollets), le Trek W en vaut le détour.

Deux de mes amis, Alicia et Arttu, ont tenté l’expérience et ont franchi environ 80 km, une élévation totale de 2 730 mètres, en cinq jours et quatre nuits. « On voulait voir la plus belle nature possible », s’exclame Alicia. Elle a beau être une grande amatrice de plein air et de randonnée, c’était la première fois qu’elle se lançait dans une aventure aussi longue. Je leur ai donc demandé de me raconter en détail leur aventure, histoire d’avoir l’heure juste sur le Trek W.

Jour 1: 11 km

Réveil brutal à 3h30. Alicia et Arttu prennent le bus à l’entrée du parc national Torres del Paine.

Ils prennent ensuite le traversier pour atteindre le glacier Grey. « On regardait le paysage et je me suis dit : “C’est incroyable, mais effrayant.” », se remémore Arttu.

Alicia et Arttu avaient loué une bonne partie de leur équipement sur place, et s’étaient fait conseiller de prendre des bâtons de marche, ce que mes amis ont d’abord refusé. « Je me sentais en forme! », se rappelle Alicia. « Mais le vendeur m’a dit : “Tu ne peux pas passer cinq jours sans bâtons. Ça va te ralentir et tu risques de te blesser aux genoux”, et il avait raison. »

Les ponts de bois suspendus au-dessus des torrents glacés et les icebergs flottants donnent l’impression de marcher dans le décor d’un film d’aventure.

Alicia et Arttu s’étaient assurés de réserver leur place dans des refuges plusieurs mois à l’avance. Parmi eux, certains proposent un terrain où monter une tente alors que d’autres ont des options plus confortables pour environ 20 $ la nuit.

Jour 2 : 20 km

Le réveil se fait vers 7 heures. Mes amis préparent leur petit-déjeuner. Alicia se souvient en riant : « C’était toujours le même petit-déjeuner et le même dîner, alors, vers la fin du trek, on n’en pouvait plus. La bouillie d’avoine? Plus jamais! »

L’ascension vers la vallée del Francès est un concentré de sensations fortes et de panoramas incroyables. Seul hic : il pleut. « La météo fait partie de l’expérience », explique Arttu. « Il faut accepter ce que la nature a à nous offrir », ajoute Alicia.

Jour 3 : 19 km

« Émotionnellement, c’était peut-être le pire jour », se souvient Arttu. « C’était la journée la plus pluvieuse, et nous étions trempés ». En raison du mauvais temps, une section de la marche est fermée. « On n’a pas pu atteindre l’un des plus beaux points de vue », mentionne Alicia. Elle relativise toutefois : « Peu importe ce qu’on fait, on ne voit pas tout. On rate certaines choses, mais on en voit d’autres en échange. »

Jour 4 : 18,5 km

Entre guanacos, condors, chaussettes trempées et pauses collation, les paysages sont toujours aussi époustouflants. « J’avais l’impression d’être dans le Seigneur des Anneaux », raconte Alicia.

Arttu, lui, compare le tout à la Norvège : « Je vis en Finlande, juste à côté de la Norvège. C’était familier, et en même temps, complètement épique. »

Jour 5 : 14 km

Réveil à 4 heures pour voir le clou du spectacle : le Mirador las Torres au lever du soleil après deux heures d’ascension dans l’obscurité.

Alicia et Arttu n’ont maintenant qu’une envie : retourner en Patagonie pour tenter le circuit O, la grande sœur du Trek W, qui dure dix jours et promet encore plus de défis.

Après cinq jours au cœur de la Patagonie, on peut affirmer que le Trek W est à la fois exigeant, imprévisible, mais absolument mémorable.

Petit rappel pratique pour les futurs aventuriers : ça coûte cher, il faut réserver les refuges longtemps à l’avance et prévoir un sac bien fourni en matériel, nourriture et patience!

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