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« Dans le temps, on levait les yeux en se cherchant une place parmi les étoiles… Là, on ne fait que baisser les yeux et se soucier de trouver notre place dans la gadoue. »
Si vous avez déjà vu le superbe (et assez compliqué merci) film Interstellar de Christopher Nolan, vous vous souviendrez peut-être de cette réplique légendaire de Joseph Cooper, interprété par le tout aussi légendaire Matthew McConaughey.
L’acteur y joue un pilote de la NASA qui doit grosso modo diriger une équipe d’astronautes ayant pour mission de trouver une nouvelle maison pour l’humanité en passant par un « trou de ver » intergalactique près de Saturne. Rien que ça.
Si la fascination pour l’espace, les astres, les planètes et tout autre phénomène cosmique ne date pas d’hier, pour certain.e.s, l’observation de ces phénomènes est, encore aujourd’hui, une véritable passion. On s’est entretenu avec Jasmin Robert, directeur général de la Fédération des astronomes amateurs du Québec, pour en apprendre plus sur ces mordu.e.s des cieux étoilés.
Avez-vous remarqué une hausse de l’intérêt des gens pour l’astronomie avec la pandémie, et comment cette dernière vous a-t-elle affectés?
Jasmin Robert : C’est difficile à quantifier puisque pour faire de l’astronomie en tant qu’amateur, il ne faut que quelques appareils, comme des jumelles ou un t élescope, et un petit espace avec un ciel dégagé. Donc en gros, n’importe qui peut faire ça dans sa cour après quelques tutoriels sur YouTube.
Par contre, on a vu pas mal d’activités sur le groupe Facebook des Astronomes Amateurs du Québec depuis la dernière année et des marchands spécialisés en vente d’équipement d’astronomie nous ont aussi confié avoir remarqué une certaine recrudescence de personnes s’y intéressant. Je crois qu’on peut attribuer ça au fait que ce soit un passe-temps que l’on peut faire seul et à l’extérieur, deux choses que les gens recherchaient beaucoup pendant la première année de la pandémie.
En termes de sorties et d’activités organisées par la Fédération, c’est sûr que le nombre a drastiquement diminué, ce qui a mené à la perte de plusieurs membres. Disons que le couvre-feu nous a fait mal puisque l’astronomie est quelque chose qui se fait plus tard le soir. On a tout de même essayé de garder les gens stimulés en leur offrant des ressources, des conférences en mode virtuel et des défis d’astrophotographie.
Qu’est-ce que ça prend pour devenir un bon astronome amateur ou une bonne astronome amatrice?
JR : Ça prend d’abord beaucoup de patience et de volonté. On a souvent des commentaires de gens qui sont déçus de ne pas pouvoir prendre de beaux clichés des cieux comme ils peuvent en voir parfois. Ils ne saisissent pas nécessairement que pour ce faire, il faut s’éloigner des grands centres, avoir des conditions idéales et un appareil de très grande qualité.
Par ailleurs, on conseille toujours aux intéressés de se procurer de bonnes jumelles pour débuter. C’est relativement abordable, simple à utiliser et ça permet de bien voir plusieurs phénomènes comme des comètes. Ensuite, si on aime ça et qu’on veut pousser encore plus loin, là on peut aller vers le télescope plus performant.
Évidemment, je dirais aux gens tentés par l’astronomie de se joindre à des groupes ou des clubs pour avoir des conseils de la communauté, car ce sont souvent ces personnes qui vont pouvoir répondre aux questions rapidement.
Avec l’étalement urbain un peu partout à travers la province, est-ce que l’astronomie est en voie de devenir un hobby de plus en plus complexe en raison de la pollution lumineuse?
JR : C’est certain qu’il y a de plus en plus de paramètres à considérer pour quiconque souhaite se lancer là-dedans aujourd’hui. Premièrement, on doit faire davantage de route pour trouver des endroits sans pollution lumineuse pour observer des phénomènes qui nécessitent un ciel bien noir. Malgré la conscientisation qu’on essaie de faire à ce sujet, ça reste que c’est un gros dossier qui ne se règlera pas facilement et risque même de se complexifier avec les années.
on doit faire davantage de route pour trouver des endroits sans pollution lumineuse pour observer des phénomènes qui nécessitent un ciel bien noir.
Ensuite, les changements climatiques affectent l’astronomie par la bande. Par exemple, les feux de forêt qui ont fait rage cet été dans l’Ouest canadien et en Ontario ont rendu l’observation d’étoiles, de galaxies ou de nébuleuses très difficile puisque la fumée enlevait la transparence du ciel. Donc, sachant qu’il risque d’y en avoir de plus en plus, on peut présumer que l’astronomie amateur en subira les contrecoups de plus belle dans le futur.
Quel serait votre palmarès des 3 meilleurs endroits pour observer les cieux?
JR : Sans surprise, le mont Mégantic demeure LA place de prédilection, avec sa technologie nec plus ultra et la qualité de son ciel due à une forte campagne de sensibilisation pour enrayer la pollution lumineuse.
La réserve faunique La Vérendrye en Outaouais est également un endroit chouchou de plusieurs de nos membres puisque le ciel est pratiquement exempt de pollution lumineuse. Sinon, quelques spots en Mauricie sont aussi de bonnes destinations pas trop loin des grands centres pour espérer avoir une belle voûte étoilée.
Quel est l’événement astronomique par excellence à ne pas manquer?
JR : Le 8 avril 2024, il y aura une éclipse solaire totale que l’on pourra observer au Québec. Ce n’est pas si rare qu’il y ait des éclipses partielles, mais une complète, c’est très spécial. C’est tellement gros qu’on se prépare déjà pour l’évènement. La prochaine qui sera visible dans la province aura lieu en 2205! C’est donc littéralement l’expérience d’une vie!
Et finalement, on ne pouvait pas faire une entrevue avec vous sans vous demander : avez-vous déjà vu un ou des ovnis?
JR : Personnellement, non [rires]! Mais récemment, beaucoup de membres nous ont écrit pour nous faire part d’un phénomène qu’ils ne comprenaient pas pendant leur observation. Ils disaient apercevoir une ligne de petits points lumineux monter vers le ciel un en arrière de l’autre.
En fait, ce sont des satellites Starlink de la compagnie SpaceX et d’autres entreprises comme Arianespace, censés procurer de l’internet haute vitesse à tous les êtres humains, lancés à la queue leu leu. Lorsqu’ils sont près de la Terre, on peut voir clairement le tracé et c’est vrai que ça peut ressembler à un ovni.
Des fois, la planète Vénus peut être très brillante et certaines personnes capotent lorsqu’elles voient ce point lumineux en pensant découvrir une autre forme de vie. Malheureusement pour eux, on vient péter leur balloune assez rapidement.