Logo
6 jours dans les Monts Groulx : récit d’une aventure hivernale

6 jours dans les Monts Groulx : récit d’une aventure hivernale

Tout ce que j’ai appris (un peu à la dure!) au cours de cette expédition de rando alpine et camping d’hiver.

Publicité

En mars 2025, j’ai fait de la randonnée alpine dans les Monts Groulx, au nord-est du réservoir Manicouagan. Je voulais repousser mes limites en me rendant sur un territoire non balisé et apprendre à gérer l’humidité en camping d’hiver.

Accompagnés de 2 guides du groupe Karavaniers, 9 autres co-randonneurs et moi-même avons parcouru, depuis notre camp de base, sur les monts environnants, pour explorer le territoire, en traçant environ 10 km avec 300 mètres de dénivelé par jour.

Jour 1 : Baie de Saint-Pancrace, 5 km, 150 mètres de dénivelé positif

Nous nous réveillons à Baie-Comeau et allons tester notre équipement de ski dans les petites buttes près de la baie de Saint-Pancrace. La neige colle sous nos peaux de phoque, car il fait chaud en cette fin mars. D’ailleurs, l’expédition 2024 a été annulée, parce que les ruisseaux, que nous remonterons dans deux jours pour accéder aux Monts Groulx, avaient déjà fondu, phénomène malheureusement appelé à se répéter en raison des changements climatiques. Avec une telle chaleur, la sueur me préoccupe : l’humidité est mortelle en camping hivernal.

Publicité

Notre première descente en groupe est un test. Les guides, Pascal et FX, nous invitent à descendre le long d’un mur de neige où on slalome entre rocs et conifères. Pascal promet toutefois qu’il trouvera un chemin plus facile dès le lendemain.

Le reste de l’après-midi, nous prenons la route 389 où se trouve l’impressionnant barrage Manic 5. Nous roulons jusqu’à la station Uapishka où nous passons deux nuits en refuge, ce qui servira de transition vers le camping d’hiver sous la tente.

Jour 2 : Mont Harfang, 7 km, 450 mètres positifs

Le refuge, que je partage avec deux compagnons, devient glacial aux petites heures parce que personne n’ose sortir de son sac de couchage pour remettre des bûches dans le poêle. Ceci n’est que préparation pour les prochains réveils et l’efficacité de mon sac en plumes, bon jusqu’à -40 degrés, me rassure!

Le petit déjeuner est pris au chaud dans le chalet principal de la station Uapishka. Ensuite, nous installons nos peaux de phoque sous nos skis et gravissons le mont Harfang, en bordure de la route 389 et à 10 minutes de voiture de la station.

Publicité

Comble de malchance, une pluie verglaçante a recouvert l’ensemble des Groulx quelques jours avant notre arrivée. Adieux à nos rêves de poudreuse digne des Rocheuses! Les conditions sont précaires, et dès la première heure, une compagne se tord un genou. Par chance, c’est une dure à cuire, comme nous le prouveront ses cris lorsqu’elle enfilera malgré tout ses bottes de ski les matins suivants.

Au sommet du mont Harfang, la vue à 360 degrés est extraordinaire. À l’Ouest, les sommets enneigés de l’île Levasseur réfléchissent le soleil comme un miroir. À l’Est, on aperçoit aussi le massif Provencher, près duquel nous établirons notre camp de base le lendemain, car ce soir, nous avons encore le luxe de dormir en refuge.

La descente n’est pas plus facile que la veille. Nous skions sur un ruisseau gelé et faisons face à de nombreux défis techniques. Les novices décident de suivre un sentier de raquettes. Encore une fois, Pascal promet que le lendemain sera plus facile…

Jour 3 : Camp de base, 13 km, 700 mètres de dénivelé positif

Après un copieux petit déjeuner à la station, nous quittons pour aller nous installer au centre des Groulx. Le chuintement des peaux de phoque contre la neige occupe tout l’espace sonore de ces longues heures de montée. Je m’arrête de temps en temps pour écouter le silence.

Publicité

La partie la plus abrupte de la montée vers le camp de base s’effectue dans un taillis serré de conifères. Il faut alors forcer notre passage à travers les branches, ce qu’on appelle en bon français du « bushwhacking », d’où le surnom « Bushwacko » dont héritera Pascal lorsqu’il tente (cette fois-ci en vain) de nous convaincre que ce sera plus facile le lendemain.

Après le lunch, la fatigue s’empare de moi à cause de la déshydratation. Pascal propose un détour pour tester la glisse sur la neige. Je regrette aussitôt ma décision de le suivre : la surface est croûtée de glace. Nous sommes à risque de déraper et de débouler la pente. J’aurais dû mettre mes couteaux (crampons adaptés à la fixation de randonnée alpine), comme le préconisait un compagnon. La quantité de sacres que j’émets finit par me convaincre et je les installe dans un endroit précaire. Le jeu en vaut toutefois la chandelle et mon gain en assurance est tel que je retrouve ma bonne humeur, qui se décuple lors de la descente.

Publicité

Certains effectuent une autre montée/redescente, mais la déshydratation a raison de ma volonté. Aussi, je redoute le montage du camp de base dans le froid. Les ski-doos, qui ont monté notre matériel, ont aussi aplati la neige où nous monterons notre camp qui sera composé d’une énorme tente centrale où nous prendrons les repas en groupe et de six tentes où nous dormirons en dyade. Il nous faudra aussi creuser un trou et confectionner un banc pour la toilette et chercher de l’eau potable.

Enfin, vient le temps de retirer mes bottes et de libérer mes orteils qui souffrent le martyr. C’est aussi l’occasion de revêtir la méga doudoune qui me donne l’impression d’être invincible. Véritable sécheuse portative, j’y mets tout ce qui est humide, et comme par magie, à l’heure du coucher, tout est sec.

En camping, une routine rassurante est de mise pour apprécier l’inconfort, chose que les guides ont comprise. FX est spécialisé dans la cuisine d’expédition et nous mangeons comme des rois durant tout le séjour : poulet au beurre, soupe à la betterave, saumon fumé accompagné d’oignons marinés maison, etc.

Publicité

Jour 4 : mont de l’Ours et mont Nomade, 10km, 300 mètres positifs + remontés extras

Ma première nuit sous la tente est ma meilleure depuis le début du voyage. J’ai un léger mal de tête, mais mon niveau d’hydratation s’améliore. Mon ski aussi s’améliore, grâce au soleil qui ramollit les cinq centimètres de neige tombés la nuit passée. À la mi-journée, l’expédition se scinde en deux et je choisis d’accompagner les novices et Pascal en espérant qu’il tiendra peut-être enfin sa promesse de trouver une voie plus facile.

Malheureusement, c’est plutôt le groupe de FX qui trouve le bol de neige de rêve, plein de poudreuse, mais pas sans s’être d’abord tapé une pénible montée sur la glace. De mon côté, j’effectue trois descentes très douces à travers les arbres, de grands « s » effectués en toute liberté dans une neige intouchée.

Jour 5 : Mont Veyrier, 8.5 km, 260 mètres de dénivelé positif

À nouveau, le groupe se scinde en deux pour rejoindre le plus haut sommet des Groulx. Les novices empruntent la vallée ; les crinqués, auxquels je m’ajoute, une montée sur la glace. La première descente devient une hécatombe alors que Pascal et trois autres bons skieurs effectuent des figures de fantaisie sur la pente glacée avant de se retrouver sur le dos.

Publicité

La montée toute en glace nous permettant d’atteindre le Veyrier me laisse dubitatif quant au plaisir que j’éprouve à descendre dans de telles conditions. Toutefois, Pascal sauve la mise et trouve un bol de neige ramollie. Nous effectuons plusieurs remontées et descentes dans ces environs.

Une de nos compagnes, fatiguée des montées glacées, a préféré demeurer au camp de base. Grâce à l’ambiance digne d’un 5 à 7 suivi d’un souper, j’en oublie presque mes orteils meurtris. Ce soir-là, même le ciel participe à la fête avec un spectacle d’aurores boréales!

Jour 6 : Mont Goéland, 9 km, 360 mètres de dénivelé positif

En cette sixième journée, un compagnon me fait découvrir un bandage médical magique pour mes orteils. La journée débute par le bol découvert deux jours plus tôt. Puis, en traversant le lac qui mène au Goéland, nous apercevons une coulée avec beaucoup de potentiel sur laquelle nous skierons au retour.

Publicité

C’est non sans peine que nous finissons par atteindre le sommet du Goéland. Les couteaux ne sont pas suffisants et il faut bootpacker : nous taillons des marches dans la glace à coups de botte (aïe, mes orteils!). Pascal trouve encore une descente enneigée. Le bilan de la journée est à l’enthousiasme avec au moins trois superbes descentes.

Jour 7 : Retour

Au réveil, il neige tellement que je trouve les Groulx baveux de nous envoyer toute cette poudreuse le jour de notre départ. Ou s’agit-il plutôt d’une invitation à revenir?

Après une autre montée sur une face glacée, nous longeons la falaise Provencher avant de descendre un bol où nous avons de la neige jusqu’aux genoux, qui se poursuit après la ligne des arbres dans une coulée pleine de poudre. Ça ressemble enfin aux Groulx comme je les imaginais!

Après deux belles descentes, nous skinnons jusqu’à une cassure que nous dévalons à pleine vitesse. Enfin, la station! Enfin, la douche. Une dernière nuit en refuge suivie d’un retour en voiture le lendemain par la 389 alors que tout le monde est éclaté, mais ô combien satisfait!

Publicité

Lexique (non officiel) de notre expédition en randonnée alpine :

Bol: structure montagneuse en forme de bol.

Bootpacker : tailler des marches à coups de botte de ski pour monter une paroi.

Bushwhacking : forcer son chemin à travers les arbustes.

Cassure : changement brutal dans la topographie.

Coulée : passage étroit provoqué par un ruisseau, un éboulement ou une avalanche.

Couteaux : crampons adaptés pour les fixations de randonnée alpine.

Skinner : avancer avec ses skis munis de leurs peaux (« skins »).

Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Soyez le premier à commenter!

À consulter aussi