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5 questions à… une mère qui a accouché à 48 ans

La maternité n'a pas d'âge.

Par
Philippe Côté-Giguère
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Avez-vous toujours rêvé de savoir comment c’est, avoir un enfant surdoué au basketball? De vivre avec un garçon atteint d’un handicap sévère? D’être parent d’une petite de 13 ans qui fait déjà son entrée à l’université?

Cette rubrique vous propose de vous plonger dans l’univers de parents qui vivent des situations familiales méconnues en abordant des sujets tantôt drôles, parfois lourds, mais toujours dans le but de mieux comprendre leur réalité.

Ce mois-ci, on a discuté avec Véronick Raymond, qui est devenue maman à 48 ans.

Peux-tu me décrire ton parcours en lien avec la parentalité?

Je ne voulais pas du tout d’enfants; c’était clair pour moi depuis très longtemps. Mon conjoint, lui, avait toujours dit qu’il en voulait.

Quand j’avais 36 ans, on a décidé de s’informer pour l’adoption. Après avoir vu les délais et s’être fait dire qu’on n’était pas la famille idéale parce que mon conjoint voyageait beaucoup – ce qui n’est pas idéal quand il y a des enfants avec des troubles d’attachement –, on a abandonné cette avenue. On a perdu environ un à deux ans là-dessus. J’avais 38 ans. On s’est ensuite tournés vers la banque mixte, pour devenir famille d’accueil. Encore une fois, on n’avait pas le bon profil.

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Entre-temps, on s’était dit qu’on essaierait naturellement et il n’arrivait absolument rien. Mon médecin m’a dit qu’il faudrait aller en fertilité pour comprendre pourquoi, après tant d’années, je n’étais jamais tombée enceinte. J’ai passé tous les tests imaginables.

Finalement, on a fait 7 ans de traitements. Je suis tombée enceinte à 47 ans et j’ai accouché à 48.

Quelle a été la réaction des gens autour de vous?

Là, j’ai 50 ans et mon fils en a 2. Je protège beaucoup son identité parce que je parle énormément de fertilité en public. Je suis aux études supérieures à l’Université de Montréal en bioéthique féministe, tout en travaillant et en m’occupant du bébé. Je m’intéresse à tous ces écarts de traitements entre le corps féminin et le corps masculin et la fertilité.

Ce qu’on voit, c’est une vieille madame. Une fois que tu as accouché, il y a des gens qui te disent «Ah, t’as emmené ton petit-fils!», ce qui me fait beaucoup rire.

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Quand j’ai commencé à parler publiquement de mon expérience, je recevais des messages d’insultes. Les femmes se font dire à quel âge elles devraient avoir un enfant et dans quelles conditions. Elles se font qualifier de « maudites carriéristes » en plus de se faire dire des choses comme : « T’aurais dû y penser avant. C’est pas naturel! » J’en fais un combat de vie, de parler de ces questions-là.

Crédit : Alexandre Trudeau
Crédit : Alexandre Trudeau

Tu as créé une pièce de théâtre inspirée de ce que tu as vécu. Qu’est-ce qui t’a amené à vouloir faire connaître ton expérience?

Au bout d’un an, j’avais accumulé tellement de colère par rapport au système de santé – au même moment où le gouvernement du Québec a décidé de cesser le soutien public pour les traitements de fécondation in vitro. Je me suis dit que j’allais écrire mon histoire : que j’étais dans les traitements, que ça ne fonctionnait pas. Que j’avais fait une fausse couche et que je n’aimais vraiment pas ce qui se passait.

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Sans trop savoir pourquoi, j’ai commencé à prendre des photos, à garder mes déchets, à filmer pendant que je me piquais. Finalement, je me suis dit que j’allais faire un petit show de théâtre documentaire. Je suis arrivée sur la scène avec un texte que j’avais fini la veille et qui durait 45 minutes. Je m’attendais à ce qu’il n’y ait personne et c’est parti en flammes.

Je m’attendais à ce que mon expérience touche quelques personnes et je vais être franche : ça touche d’abord et avant tout des femmes. Par contre, la réaction a été très différente de la part des hommes. Leur feedback m’a vraiment rentré dedans. À ce moment-là, je n’avais pas encore bien compris à quel point on ne s’occupe pas de la santé reproductive des hommes.

Quels bénéfices as-tu d’avoir eu un enfant plus tardivement?

Je trouve que c’est fabuleux et mon chum aussi. À 30 ans, je n’aurais pas été prête à faire des sacrifices. Je n’aurais pas voulu réduire mes heures de travail, prendre moins de contrats pour être plus présente. Mon chum non plus ne l’aurait pas fait. À 30 ans, je n’aurais pas eu la stabilité financière que j’ai aujourd’hui. Je n’aurais pas la maturité que j’ai.

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Présentement, mon fils est dans la phase des 2 ans où il fait le bacon à terre en criant « NOOOOON! ». Ma principale réaction, c’est de rire, mais à 30 ans, quand j’avais une grosse job avec 80 heures de travail par semaine, je n’aurais pas ri. Je n’aurais pas eu le temps. Là, je travaille de la maison, j’organise mon horaire en fonction de mes priorités, ce qui ne m’empêche pas de bûcher fort : je vais à l’université, je travaille…

Au niveau de la maturité et de ce que je peux offrir comme accompagnement à ce petit humain, ça n’a rien à voir. J’ai réglé plein de choses dans ma vie, ce que je n’aurais pas pu faire sans avoir cumulé ces années-là. Je suis bien entourée aussi, mais c’est sûr qu’il s’agit de personnes plus âgées.

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Si tu avais à parler à des personnes en âge un peu plus avancé qui étaient en réflexion à l’idée d’avoir des enfants, qu’est-ce que tu leur dirais?

Je pense qu’il faut faire une réflexion honnête sur ce qu’on est prêt à donner à ce projet-là. Il ne faut pas sous-estimer les nombreux obstacles qui seront sur la route, autant biologiques que financiers. On n’en a pas parlé, mais ça a coûté dans les six chiffres. C’est une hypothèque. Il ne faut pas avoir de pensée magique.

Je dirais aussi qu’il faut faire une bonne réflexion sur nos réelles motivations, les investissements qu’on se sent capable de mettre dans ce projet. Et c’est correct de dire qu’on essaie une ronde de fécondation in vitro et que si ça ne marche pas, ça finit là. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise route.

Je me suis fait un plan de naissance et la première chose que ça disait en haut, c’était ça : attention à l’âgisme. Mon corps est autant capable que celui de quelqu’un d’autre.

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Il faut juste faire attention : d’une part, aux promesses qu’on va vous faire en clinique de fertilité ; et, de l’autre côté, aux remarques négatives en lien avec l’âge.

Avant, réfléchissez beaucoup et ensuite, quand vous embarquez, allez-y sereinement, mettez vos limites et allez chercher le soutien de gens qui sont passés par là.

***

Pour suivre le travail de Véronick Raymond, vous pouvez consulter son site web. Véronick s’est inspirée de son expérience dans les dédales du système de santé pour écrire une pièce de théâtre documentaire appelée « inVivo (testé sur moi) ».

Avez-vous des suggestions de parents qui vivent dans une situation familiale particulière? Écrivez-nous au [email protected].