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5 préjugés déconstruits lors de ma première longue rando en solo 

J’ai vécu quelques surprises en me lançant sur le sentier!

Par
Catherine Perron
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En juillet, j’ai paqueté mon sac à dos pour cent kilomètres merveilleux, intenses et surprenants à l’occasion d’une randonnée d’une semaine sur le Sentier international des Appalaches en Gaspésie. Il s’agissait de ma première expérience de marche en solo.

Avant de partir, les questions de mes proches ont fusé de toutes parts, de ma grand-mère avec sa peur des ours à ma mère et son appréhension de voir une femme seule entreprendre un périple dans les bois. De mon côté, j’avais surtout hâte de voir si j’étais prête pour cette expérience : forme physique et mentale, choix de l’itinéraire, solitude, comment bien anticiper ces nouveaux défis?

Voici donc cinq constats que j’ai réalisés sur le sentier.

On n’est jamais vraiment seul.e

Dès ma première soirée, j’ai découvert mon bijou préféré de la trail : à chaque refuge de ces 650 kilomètres gaspésiens, les randonneurs et randonneuses partagent des cahiers remplis d’anecdotes de leur passage, de mots d’encouragement et de conseils.

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Après ma première journée de 20 kilomètres (la plus grande distance que j’avais parcourue jusque là avec mon sac!), j’ai mangé mes pâtes réhydratées, les jambes en feu, en riant à la lecture des entrées plus rigolotes les unes que les autres : des chutes extraordinaires, ou même des citations de Brice de Nice entrecoupées de scènes de remise en question intenses. Un marcheur a même écrit : « Je me demande, merde, mais je suis venu faire quoi ici, sérieux? » Je n’étais pas la seule à avoir dû m’ajuster à ce nouveau rythme, on dirait!

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Dès le deuxième jour, j’ai fait la rencontre de Jean-Gabriel, Sonia et Marie-Ève au refuge. Les trois avaient pour objectif de parcourir la totalité du sentier en quarante jours. Ils m’ont accueillie comme l’une des leurs devant un magnifique coucher de soleil sur cette terrasse perchée au sommet de la vallée. On s’est échangé nos romans préférés et on s’est questionné sur le sens de notre présence à cet endroit, à reconnecter avec l’essentiel, tout en analysant ensemble les cartes pour s’entraider avec la traversée du canyon aux pentes raides du lendemain.

Les liens se tissent rapidement grâce au défi commun, peu importe l’âge ou l’expérience.

Pas besoin d’être un.e athlète pour marcher 100 km

Alors qu’une dizaine de kilomètres par jour me semblait inatteignable au départ, il est tout à fait réaliste de parcourir cette distance en randonnée autonome. Je m’étais donné le plus petit objectif possible pour tester mes capacités. C’était une stratégie bien sage, même si je me suis pris une bonne claque en voyant deux coureurs d’ultra-trail à casquette Ciele me dépasser au rythme d’une quarantaine de kilomètres par jour!

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Bien sûr, on ne doit pas se cacher que les montées abruptes et les descentes en montagne procurent un bon défi. Comme l’a dit mon nouvel ami Jean-Gabriel : « Le Québec, ce n’est pas le même relief que Compostelle. » J’ai aussi appris à la dure qu’il faut s’attendre à ce qu’une marche aussi longue fasse ressortir certaines limites du corps (un vieux mal de genou, par exemple). Mais avec une forme physique adéquate – soit la capacité d’effectuer une randonnée de jour pouvant être qualifiée de « difficile » –, un rythme ajusté et de la modestie, le défi s’avère rapidement plus mental que physique.

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On n’a pas le temps de se perdre dans ses pensées

« Tu vas penser à quoi, pendant toutes ces heures de marche ? »

Avant de partir, je ne savais pas trop quoi répondre à cette question. Mais après des heures à marcher, un constat s’est imposé : je n’ai pas eu le temps de me perdre dans ma tête.

Le sentier me ramenait toujours à la réalité, alors que je surveillais mes pas sur le bord d’une falaise, que je me prenais pour Indiana Jones lors d’une traversée de rivière à gué, que j’observais les immenses éoliennes sur le bord d’un champ ou que j’écoutais le chant des oiseaux sur le flanc d’une montagne de pins, seule comme une fourmi à profiter de la verdure s’étendant à perte de vue.

Le sentier nous stimule sans cesse en nous gardant constamment à l’affût.

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J’ai remarqué que puisque les besoins primaires passent en premier (la faim, le confort, la gestion des bobos), le luxe de se réfugier dans sa tête passe en second (et c’est exactement ce qui fait du bien). Toutefois, le soir, j’ai eu la chance d’écrire, de lire et de prendre du recul sur ma vie en ville pour apprécier ce que j’ai, ce qui est quand même l’un des plus grands luxes qu’offre le fait de se réfugier en nature.

Les vrais risques ne sont pas les bêtes voraces

« T’as pas peur des ours? »

En partant seule, j’avais pris les plus grandes précautions : répulsif à ours attaché à la ceinture, canif à portée de main, étude attentive de la carte, système de communication satellite d’urgence. Je n’ai rien tenu pour acquis, surtout pour rassurer mes proches.

Mais dans les faits, ce ne sont ni les animaux ni les inconnus qui devraient être la principale inquiétude d’un randonneur ou d’une randonneuse : c’est sa propre santé. Froid, soif et faim sont les éléments qui peuvent rapidement causer des ennuis. Bonne nouvelle, ces trois priorités se contrôlent relativement bien malgré la météo, avec des connaissances toujours grandissantes et un équipement approprié!

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J’ai été assez chanceuse, car en sept jours, le pire qui m’est arrivé fut de me faire attaquer par une perdrix avide de protéger ses petits, un moment assez cocasse.

En moyenne, on recense environ 15 signalements d’ours ayant chargé ou attaqué un humain au Québec par année, les fins tragiques d’une telle rencontre demeurant exceptionnellement rares. Les ours noirs québécois en nature ont la réputation d’être peureux.

En somme, il importe de relativiser la gravité des risques encourus pour mieux les gérer et ne pas se laisser arrêter par la peur.

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Rien ne se passera comme prévu… et c’est ce qui est le plus beau!

Finalement, mes plans, tout comme ceux de chaque randonneur.euse que j’ai croisé.e, ont été bouleversés de toutes sortes de façons par des douleurs inattendues, des sections du sentier à éviter ou encore des urgences familiales.

C’est exactement ce qui m’a permis de finir accompagnée en tombant à nouveau sur Viviane, Pierre et Jean-Gabriel lors de mon dernier jour à Amqui. Nous avons pu déguster ensemble une bonne bière et un souper riche en calories!

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Mon ultime soirée sur le sentier a été l’une des plus mémorables : nous avons ri de nos moments noobs, aidé nos ami.e.s à retracer leur itinéraire, échangé du matériel. Nous avons tous et toutes fait le même chemin, mais vécu cette expérience d’un œil différent selon ce que nous étions venu.e.s chercher sur le SIA.

Finalement, après la sueur et les détours, le sentier m’a offert de belles leçons sur la vie (comme de me retrouver par magie devant une montée décapante alors que je commençais à me dire : « Wow, c’est pas mal facile, ici! »). Surtout, j’ai appris à me laisser surprendre complètement et à profiter de l’instant présent, peu importe la façon dont il se manifeste.