Dans l’imaginaire populaire, une grossesse dure neuf mois. La date prévue d’accouchement est prévue 40 semaines après la date estimée de conception. Trop tôt, et c’est la prématurité, trop tard, le déclenchement est suggéré.
Le déclenchement, c’est en quelque sorte un avis d’expulsion qu’on envoie au bébé à l’aide de moyens mécaniques ou chimiques. À cette date-là, on le pousse doucement vers la sortie. Après tout, l’appartement est sur le point de devenir inhabitable. Oui, le déclenchement, c’est un petit peu forcer la nature, mais on a parfois tendance à oublier que la nature n’est pas toujours bien faite.
La procédure suscite certaines craintes, ce qui est tout à fait normal. C’est d’ailleurs une des raisons qui fait qu’on la redoute un peu. J’ai moi-même subi un déclenchement, à presque 42 semaines de grossesse et après plusieurs jours (et nuits) de faux travail. J’ai souhaité en vain que le tout se déroule sans aide, mais tant pis. J’ai traîné mon corps lourd et douloureux à l’hôpital après une nuit de plus à ne pas dormir. J’avais un sentiment d’échec : mon corps ne savait tout simplement pas accoucher.
18 heures plus tard, j’avais un bébé. Après une expérience sans histoire, entourée d’infirmières aussi gentilles que respectueuses, je n’éprouvais aucun regret. Ce n’était pas ce que j’avais envisagé, mais c’était bien correct.
Honnêtement, mon seul regret, c’est d’avoir repoussé la date du déclenchement. J’aurais dû le faire une semaine plus tôt!
C’est pourquoi j’ai voulu dissiper quelques mythes sur le déclenchement avec l’aide de la Dre Isabelle Lévesque, cheffe du Département d’obstétrique, de gynécologie et de reproduction du CHU de Québec-Université Laval.
1. Tout le monde se fait déclencher, maintenant.
Même si « avant, on le documentait moins, le taux de déclenchement est en augmentation », dit Dre Lévesque. En 2010-2011, il était d’environ 25% au Québec et au Canada, un taux qui a doublé depuis les années 1990.
Toutefois, s’il est vrai que les taux de déclenchement augmentent, il ne correspond tout de même qu’à une minorité d’accouchements.
2. Le déclenchement, c’est pour le confort des médecins qui peuvent mieux organiser leur agenda.
« J’entends souvent dire que c’est la volonté des médecins, mais en vérité, le travail est plus long quand on a un déclenchement. La plupart du temps, on sait qu’on se crée du travail pour le soir et la nuit », annonce Dre Lévesque, en spécifiant que puisque les patientes n’arrivent pas à l’hôpital après avoir déjà fait une bonne partie du travail à la maison, les déclenchements créent un plus gros défi organisationnel.
« Que l’accouchement dure 15 minutes (avec une mère qui se présente à l’hôpital en fin de travail) ou 36 heures (avec un déclenchement), on est payé le même tarif », ajoute la médecin.
3. Le déclenchement risque davantage de finir en césarienne en raison de l’escalade des procédures.
C’est vrai… et faux en même temps. « Si on a une raison médicale de déclencher, comme un retard de croissance, intrinsèquement, le facteur de risque pour une césarienne augmente », indique Dre Lévesque.
De plus, ajoute-t-elle, l’escalade des procédures s’explique par le fait que les médecins ne sortent pas l’artillerie lourde, dès le départ.
4. Les femmes sont déclenchées beaucoup trop tôt, de nos jours.
« On déclenche uniquement pour des raisons médicales », indique la Dre Lévesque. « Sans raison médicale, on propose le déclenchement à partir de 41 semaines. On peut attendre jusqu’à 42 semaines si la mère le désire, mais avec surveillance fœtale », poursuit la spécialiste.
Les déclenchements réalisés à 39 semaines ou avant sont donc toujours motivés par des raisons médicales et par l’âge de la mère. « Chez les femmes de 40 ans, le vieillissement du placenta est accéléré, d’où la suggestion de déclencher à 39 semaines », souligne Dre Lévesque.
5. Le déclenchement cause des contractions tellement intenses que la prescription d’une péridurale devient nécessaire.
Les médecins proposent une péridurale, non pas parce que la douleur est nécessairement plus grande, mais plutôt pour aider le corps à faire son travail. « Dans le cas d’un déclenchement, la fatigue est plus grande en raison des nombreuses contractions qui servent à ouvrir le col. Avec l’ocytocine [injectée pour le déclenchement], on a plus vite des contractions efficaces (plus fortes, plus rapprochées) », indique Dre Lévesque. Ceci explique donc cela.