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5 installations artistiques pour redécouvrir le territoire à Kamouraska

Et poser un point de vue poétique sur les paysages qui nous entourent.

Par
Élise Fiola
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Cet été, le Centre d’art de Kamouraska accueille cinq installations intimement liées au territoire sous le thème « Son, mouvement et paysage ». Un arrêt idéal pour vivre des expériences hors du commun et s’enraciner lors d’un prochain road trip sur la 132.

Par un vendredi après-midi venteux – comme c’est souvent le cas dans ce coin de pays –, j’ai rejoint les nombreux visiteurs et visiteuses venus à la rencontre des artistes et des œuvres qui sont de passage cette saison.

Mer du vent

Au sommet de la côte où se dresse l’ancien palais de justice – qui abrite aujourd’hui le centre d’art et ses trésors – un agencement de 150 bouteilles de verre s’élève au-dessus de l’herbe qui danse au rythme de la brise. Dans ces bouteilles, du gravier recueilli sur la plage de Kamouraska permet de créer une harmonie sonore lorsque le vent traverse l’éventail pensé par les architectes paysagistes Emmanuelle Loslier et Camille Zaroubi.

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« On voulait faire quelque chose qui est à l’antithèse de l’art immédiat, qui pourrait être apprécié quand les composantes environnementales sont là », explique Camille Zaroubi

Comme le vent change de direction, on n’entend pas toujours le chant des bouteilles, qui rappelle celui des cornes de brume servant à avertir les bateaux d’un obstacle. L’artiste espère donc que lorsque l’installation se fera silencieuse, les visiteurs et visiteuses porteront une attention différente à ce qui les entoure.

Lors de jours ensoleillés, les rayons font briller le verre, alors qu’en journée brumeuse, l’eau perle sur la matière. Cette œuvre, qui varie donc en fonction des éléments de la nature, nous pousse à réfléchir au moment présent et à travailler nos sens pour observer notre environnement. Mer du vent met aussi de l’avant l’idée du « surcyclage », c’est-à-dire qu’elle redonne vie à des éléments recyclés en leur accordant une plus grande valeur.

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Ils ont regardé la mer

Entre les murs du bâtiment historique fourmillent les visiteurs et visiteuses, apéritifs à la main. Adultes, enfants, personnes âgées, tous et toutes étaient au rendez-vous lors de mon passage.

Dans une salle adjacente à l’entrée se trouve la seconde œuvre. En traversant le rideau noir qui sert de porte, on pénètre une sorte d’espace intemporel. En contraste à ce que l’on voit dans les couloirs, cette salle plongée dans la pénombre se veut plus méditative.

Au centre de la pièce, on s’assoit sur un banc faisant face à un mur. Des images y sont projetées au rythme de notre pouls grâce à un capteur.

« Je trouve qu’il y a un lien à faire entre notre pulsation et le mouvement de l’eau. C’est simple, mais je trouvais ça magnifique à représenter », explique l’artiste Cynthia Naggar.

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L’oeuvre joue avec l’instabilité et la fragilité de l’électronique pour nous faire visiter notre intérieur au rythme des vagues. « Je voulais créer un endroit où l’on se sent bien, où l’on se pose pour s’arrêter et écouter notre corps », mentionne l’artiste.

On pose alors un nouveau regard sur la mer et sur nous-mêmes. Alors que nous nous sentons en communion avec la nature, les vagues deviennent le miroir de nos battements de cœur. Le ressenti devient presque tangible.

Format Paysage

Dans la salle suivante, on se retrouve dans un échafaudage où palettes de bois, chaises colorées, poutres et mobilier sont rassemblés. Cet espace modulable se veut en continuelle construction.

José Luis Torres est arrivé au pays il y a vingt ans. Ici, son œuvre fait écho à la résilience, à l’adaptation et à l’appropriation du milieu qui sont nécessaires lorsqu’il rencontre un nouveau territoire. « Chaque fois que je me déplace, je bâtis. Je bâtis des relations, un travail, un chez-moi… », témoigne-t-il.

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Cette installation aux parties amovibles mène à la découverte de perspectives diverses qui évoquent les éléments du territoire et la projection d’un futur qui repousse les limites.

« Comme dans la vie, c’est une exposition en chantier. On sait où on commence, mais on ne sait jamais où on va finir », commente l’artiste, qui a une formation en architecture.

La Terre en suspens

Lorsqu’on monte à l’étage du Centre d’art, on a le sentiment d’entrer au centre de la Terre. Dans une salle sombre aux planchers craquants, un bruit sourd enveloppe un corpus d’œuvres. Chacune d’entre elles nous plonge dans l’univers de la géologie à sa façon.

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En employant des dispositifs audiovisuels, un effet d’optique et de la réalité virtuelle, l’artiste François Quévillon offre à voir des points de vue qui creusent les minéraux. Ces œuvres, qui témoignent de la puissance de la matière qui nous entoure, portent aussi une critique sur des enjeux sociétaux liés à la crise environnementale.

Malgré tout, l’artiste entretient le mystère qu’évoquent les images. « Lorsque les gens ne savent pas ce qu’ils regardent, ils voient des choses complètement différentes. De laisser libre cours à l’interprétation, au final, je trouve que c’est le plus important », indique-t-il.

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Si vous êtes comme moi, vous ne vous fatiguerez pas de découvrir ces œuvres qui évoquent tant de choses à la fois. On pénètre un univers à la fois inconnu et familier à travers les tableaux de réalité virtuelle qui nous permettent d’approfondir notre connaissance du littoral.

Mi-sauvage

La visite se termine à l’extérieur, où La Société des plantes, une entreprise qui produit des semences de plantes, a installé un jardin de mauvaises herbes. Les artistes Patrice Fortier et Nicolas Fonseca ont voulu repenser et revaloriser les plantes spontanées – c’est-à-dire qui poussent naturellement – en s’inspirant des aménagements des jardins français.

De manière plus modeste, mais tout aussi intéressante, ce lieu regorge de « mauvaises herbes » plantées dans des contenants de formes et de couleurs éclatantes.

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« Le projet a commencé avec le désir de présenter ces plantes qui nous entourent constamment, que ce soit sur le bord des autoroutes où sur les terrains, mais qu’on ne voit même plus. On voulait les rendre visibles à travers le langage d’un jardin formel », raconte Nicolas Fonseca.

Par la mise en place de cette œuvre tentaculaire qui comprend aussi une œuvre sonore, un zine, et des ateliers, les deux créateurs cherchent à redorer l’image de ces plantes. « C’est un projet de patrimoine immatériel, parce que les plantes, comme l’architecture, sont porteuses d’histoire, de culture et de pratiques. Ici, on a pris l’occasion pour raconter toutes ces histoires qu’elles portent », ajoute Nicolas Fonseca.

Cette courte incursion dans le Bas-du-fleuve nous rappelle que les paysages dans lesquels on évolue renferment souvent une symbolique qui peut nous faire grandir et rêver. Comme ces artistes, il suffit parfois de prendre un moment pour voir au-delà des apparences et fouiller nos sens pour profiter pleinement du lieu que l’on foule.

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