« Pas de prof, pas de cours, pas d’horaire », voilà une formule qui ferait briller les yeux de plus d’un étudiant. Mais attention, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de travaux à faire! Qu’est-ce donc que cette mystérieuse école qui offre une liberté infinie à ces élèves?
Fondée en 2013, l’école 42 est un établissement qui se donne pour mission de former les futurs développeurs du monde de l’informatique. Quand le milliardaire Xavier Niel constate, dans les années 2010, qu’il n’y a pas assez de main d’œuvre qualifiée dans ce domaine alors en plein essor, il décide de fonder une école destinée à répondre aux besoins du secteur informatique. Personnage atypique et autodidacte, ayant fait fortune dans le domaine des minitels roses, il dessine une école à son image. Naît alors 42, une école « cool » à la philosophie libérale.
Exit les professeurs, les emplois du temps et les cours magistraux. À la place, 42 propose de former des autodidactes dans un cadre privilégié avec un accès à du matériel de grande qualité. C’est le système « peer-to-peer ». Au lieu d’écouter un professeur expliquer un concept pendant plusieurs heures, les étudiants apprennent à chercher par eux même et en groupe afin d’acquérir les qualités techniques essentielles d’un développeur.
Ici, les évaluations sont corrigées par le voisin de table et le programme scolaire se présente à la manière d’un jeu vidéo : chaque projet est une étape visant à faire augmenter les compétences. Ce modèle pédagogique unique cultive l’entraide, l’autonomie et la curiosité, donnant aux étudiants l’envie d’en apprendre toujours plus.
En créant un environnement d’études à la fois décontracté et ludique, le modèle 42 parvient à flouter la frontière qui sépare loisir et travail. Ouverte nuit et jour, du lundi au dimanche, sans interruption 42 permet à chacun de trouver son rythme et d’allier travail et études. Ce modèle subversif s’oppose à une vision plus classique de la scolarité, rythmée d’horaires, d’examens, de contraintes temporelles et physiques. Impossible de nier l’attrait de ce fonctionnement innovant.
L’autre mot d’ordre de l’école est l’inclusivité. Elle est donc entièrement gratuite et ne demande aucun diplôme à l’entrée, peu importe le niveau. Encore une fois, c’est un système inattendu qui rejette les codes classiques de l’enseignement supérieur. L’ambition de 42 est d’attirer et de former des profils singuliers et les futurs as du codage, qui sont, parfois, des jeunes qui se retrouvent en marge du système scolaire. 40 % des étudiants de 42 n’ont pas de diplôme de fin de secondaire. Pour ces jeunes, dont les perspectives d’emploi sont restreintes, dans un marché de l’emploi où les diplômes comptent de plus en plus, 42 est une opportunité unique. En effet, la renommée mondiale de l’école assure un taux de placement de 100% à la fin du cursus, dont 94 % de CDI.
Tout cela est bien vendeur, mais où sont ces écoles? Eh bien, un peu partout! Si le premier campus créé en 2013 est parisien, le réseau s’est bien étendu depuis. Il compte désormais trente-et-un campus en Europe, onze en Asie, cinq en Afrique et quatre en Amérique, dont un au Québec! Ainsi, il est possible d’intégrer cette formation non conventionnelle aux quatre coins du monde.
La question reste maintenant de savoir comment les élèves sont recrutés. Puisque ni le dossier scolaire ni les diplômes n’offrent une place à 42, un autre moyen de sélection a été mis en place : la Piscine. Concept inspiré des entraînements intensifs de l’armée américaine qui faisait nager ses soldats tout habillés jusqu’à l’épuisement, la piscine cherche à tester les limites des futurs étudiants. Pendant un mois, les candidats, dont certains n’ont aucune connaissance en informatique, se voient présenter une série de projets à réaliser dans des temps limités, sans professeur ou personne-ressource pour les guider. La piscine cherche ainsi à mesurer l’endurance, la discipline et les capacités d’adaptation des candidats qui passent parfois plus de vingt-quatre heures d’affilée derrière leur écran. Cette expérience difficile pousse les candidats à intégrer les valeurs solidaires de l’école pour mieux avancer.
Pourtant, si 42 fait rêver des milliers de codeurs en herbe à travers le monde, elle fait aussi l’objet de critiques. La plus grosse limite de l’école 42 reste qu’elle ne délivre pas de diplôme reconnu par l’État. Bien que cela n’empêche pas ses étudiants de trouver à coup sûr un emploi, l’absence d’une trace concrète de leur investissement scolaire peut en refroidir certains. Par ailleurs, de nombreux pédagogues et sociologues ont soulevé certaines failles de 42. En insistant sur les compétences techniques et pratiques, tout en éliminant la possibilité d’un enseignement classique, l’école forme des étudiants particulièrement doués dans leur domaine, mais qui ne sont pas nécessairement prêts à naviguer le monde du travail. Même si l’esprit d’équipe et le travail collaboratif sont inhérents à la formation de 42, les étudiants évoluent dans un microenvironnement qui n’a rien à voir avec la réalité du monde du travail. L’absence de professeur, qui fait l’image de marque de 42, peut aussi s’avérer problématique. Parfois, c’est utile d’avoir quelqu’un d’expérimenté pour nous guider.
Malgré tout, 42 représente un véritable tremplin vers le monde du numérique. Parmi eux, 12 % des étudiants y montent leur start-up, parfois avec un grand succès. C’est par exemple le cas d’Alexis Barreyat et de Kevin Perreau qui y ont créé Bereal! Ce nouveau réseau social invite les utilisateurs à “être vrai” en lançant chaque jour, au hasard, une notification de deux minutes durant laquelle ils doivent prendre une photo depuis leur caméra avant et arrière. Cette start up créée en 2020 se hisse aujourd’hui dans le palmarès des applications les plus utilisées au monde.
L’école a donc bien réussi, en restant ouverte à tous, à dénicher des programmeurs originaux, véritables précurseurs dans leur domaine.