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4 questions à un pisteur d’animaux

Une technique vieille comme le monde qui a à peine changé d’un poil. 

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« Oh regarde! Des traces de chevreuils! ». N’importe quel.le trippeux.euse de plein air et d’animaux qui se respecte a déjà lâché cette phrase avec beaucoup trop d’entrain en voyant de petites empreintes pointues au sol lors d’une balade en forêt.

Pour certaines personnes, analyser et identifier les traces laissées par la faune de notre territoire, ce qu’on appelle le pistage, relève bien plus que du simple passe-temps.

On s’est entretenu avec André Desrochers, professeur titulaire et directeur des programmes de maîtrise et de doctorat en sciences forestières de l’Université Laval qui pratique le pistage depuis plus de 20 ans pour en apprendre plus sur cette pratique vieille comme le monde.

D’abord, pouvez-vous expliquer ce qu’on entend par « pistage »?

André Desrochers : En fait, ça peut prendre toutes sortes de significations. On peut penser à « l’art » du coureur de bois qui suit les pistes des animaux pour essayer de retracer leur cachette et leurs habitudes de déplacement. Il y a également un côté scientifique à cette technique puisqu’on peut l’utiliser pour faire un recensement d’une population d’animaux X et mieux comprendre leur réaction face à des pratiques forestières.

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Personnellement, c’est plutôt le deuxième aspect sur lequel je me penche à la forêt Montmorency à Saint-Ferréol-les-Neiges à des fins de recherche, même si j’adore le contact avec la nature et me prendre pour une sorte de détective lorsque je me promène dans le bois. C’est vraiment un pont entre le loisir, l’art et la science selon moi.

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Il y a également une notion éducative dans le pistage à ne pas sous-estimer. C’est important de partager ces connaissances avec le public puisqu’elles en disent long sur l’état de nos forêts et nos écosystèmes. Nous avons d’ailleurs créé un groupe Facebook pour informer les membres sur nos trouvailles et, lorsqu’on n’est pas en pandémie, on les invite pour des sorties afin de leur montrer les rudiments de la pratique. Éventuellement, j’aimerais créer une grande base de données où les gens pourraient s’échanger des informations facilement accessibles pour reconnaître les espèces.

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Qu’est-ce que ça prend pour être un bon pisteur ou une bonne pisteuse?

André Desrochers: Évidemment, il faut être en forme. On marche longtemps dans la neige en raquette ou en ski, parce que oui, on fait ça l’hiver la très grande majorité du temps, pour se rendre aux pistes laissées par les animaux. C’est sûr qu’il faut aussi une bonne résistance au froid puisqu’on est constamment confronté aux éléments. Il faut aussi avoir un bon œil pour identifier les espèces correctement. Ça peut être complexe de différencier certains types de traces, donc il faut avoir le souci du détail et prendre son temps.

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Quel est votre plus grand « trophée » de pistage?

André Desrochers : J’ai toujours beaucoup de satisfaction à trouver des traces d’écureuil volant puisque c’est une bête difficile à identifier.

L’une des expériences les plus marquantes que j’ai vécues fut lorsque je suis tombé nez à nez avec un lynx. Il était assis dans la neige et m’observait nonchalamment. Je me suis approché lentement jusqu’à me rendre à deux2 mètres de lui avant qu’il ne retourne sur ses pas sans hâte.

C’est une des choses qui rend le pistage aussi « magique » : les moments fortuits en nature et l’inattendu. La prévisibilité tue le goût de l’aventure.

Qu’est-ce qui vous manque sur votre « liste » de pistage qui vous comblerait de bonheur?

André Desrochers : J’aimerais beaucoup identifier des traces de cougar juste pour attiser les braises de la polémique un peu. Beaucoup de gens ne croient pas qu’il y ait des cougars au Québec, certains sont convaincus qu’il y en a quelques spécimens très rares éparpillés un peu partout et d’autres, comme moi, pensent qu’il y en a quelques-uns qui se sont échappés de leur lieu de captivité et se sont retrouvés dans la faune de la province.

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C’est un peu comme un ovni. Il y a souvent des absences de preuves pour décréter qu’on a bel et bien à faire à un cougar, donc j’aimerais être une des rares personnes à en avoir identifié ici.