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4 légendes du folklore québécois à expérimenter en nature 

De Québec à la Gaspésie, notre territoire regorge de récits tous plus extravagants les uns que les autres.

Par
Sandrine Gagné-Acoulon
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Tour à tour manipulée par des esprits bons et mauvais, sauvant ou punissant les protagonistes, la nature est au cœur des contes et légendes de nos territoires.

Voici quatre histoires à découvrir sur place ou devant le poêle, une tasse de chocolat chaud entre les mains.

Le vaisseau fantôme de Ristigouche

À l’est de la province, dans la baie des Chaleurs, s’est déroulée en 1760 une bataille qui a scellé le sort de la Nouvelle-France. La ville de Québec avait été prise des mains françaises par les Anglais à l’automne précédent, après la bataille des plaines d’Abraham. Reste Montréal. Le froid met la guerre sur pause pendant l’hiver.

Au printemps suivant, c’est la course entre les deux puissances à qui arrivera le premier. Spoiler alert, c’est les Anglais. La petite flottille française, transportant surtout des vivres et menée par la frégate Machault, est diminuée de moitié pendant la traversée. À son arrivée, avertie de la défaite, elle se réfugie au fond de la baie des Chaleurs, espérant profiter de son faible tirant d’eau.

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La bataille avec les navires anglais s’engage le 3 juillet. Malgré leur infériorité numérique, les bateaux français et leurs alliés sur la côte parviennent à infliger de lourds dommages aux Anglais. Après cinq jours de bataille, le Machault est très endommagé par les tirs, mais le capitaine refuse toujours de se rendre. On dit qu’il préféra se saborder en faisant exploser les réserves de poudre.

Selon la légende, le vaisseau est alors enveloppé dans la fumée pendant un long moment, alors que les canons anglais continuent de le viser à feu nourri. Quand le nuage s’est levé, la nappe d’eau calme à l’emplacement du bateau ne trahissait pas le naufrage. Acculé dans l’estuaire de la rivière, il ne pouvait s’échapper non plus. Serait-il monté dans les airs?

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Certains pêcheurs disent en tout cas qu’il leur arrive encore de voir le Machault redescendre du ciel. Ils disent avoir vu un grand bateau enflammé voguer près des côtes, toutes voiles dehors tandis que des hommes s’affairent sur le pont. Apercevoir le vaisseau enflammé serait par ailleurs annonciateur de mauvais temps.

Après avoir visité l’expo du Lieu historique national de la bataille de la Ristigouche à Pointe-à-la-Croix, l’idéal, si on veut espérer apercevoir le vaisseau de la légende, c’est de prendre de la hauteur. Direction les falaises du Parc national de Miguasha ou le mont Sugarloaf au Nouveau-Brunswick, de l’autre côté du pont.

Le bon manitou du cap Trinité

Selon une légende innue, le bon manitou, une forme d’esprit, avait noyé tous les mauvais manitous dans le fleuve, mais l’un d’eux s’était sauvé et vivait dans les eaux du Saguenay. Tous les voyageurs qui croisaient sa route disparaissaient.

Un soir d’été, un vieux chasseur qui passait en canot vis-à-vis de la baie Éternité faillit être chaviré par le mauvais esprit. Ce dernier avait pris l’apparence d’une bête énorme recouverte d’écailles de poisson vertes. Le vieil homme demanda l’aide du « Père des anciens », comme ses aïeux lui avaient conseillé. Il réussit à éviter les coups de dents du monstre, puis, soudain doté d’une force magique, l’attrapa par la queue pour le faire tournoyer au-dessus de sa tête.

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Il l’assomma trois fois contre le roc de la montagne, qui se brisa en trois gigantesques échelons, entraînant le mauvais manitou au fond de la rivière dans un éboulis de pierres et d’arbres. Il n’a plus jamais poussé d’arbres sur le sommet de cette montagne, qu’on appelle le cap Trinité. Les Innus qui passent devant ces lieux font une offrande de tabac pour remercier le bon manitou qui libéra leur peuple.

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Le Cap n’est pas sacré que pour les Innus. En 1878, Charles-Napoléon Robitaille, l’un des premiers commis voyageurs du Saguenay, frôla la mort en passant à travers la glace du fleuve entre Chicoutimi et la paroisse Sainte-Anne. Survivant miraculeusement, il fit ériger une immense statue de la Sainte-Vierge, qui domine aujourd’hui le premier échelon du cap Trinité.

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Au départ du village de Rivière-Éternité, une courte randonnée sur le sentier de la Statue au sein du Parc national du Fjord du Saguenay mène directement au pied de la statue et offre une vue imprenable sur la baie Éternité et le fjord du Saguenay.

La bête du lac Pohénégamook

Un autre esprit qui se transforme en monstre aquatique, mais cette fois pour protéger un lac, est la bête du lac Pohénégamook. Les rives du lac étaient autrefois fréquentées par les Malécites. Selon la légende qui m’a été contée enfant, un jeune homme était très amoureux de la fille du chef. Sachant celle-ci orgueilleuse, il souhaitait trouver un cadeau qui l’épaterait et montrerait sa valeur. Un manteau de fourrure, ça n’aurait pas été assez original, t’sais.

Un soir qu’il réfléchissait en contemplant le reflet de la lune sur le lac, il lui vint l’idée de fabriquer un manteau en peaux de poissons, qui brillerait comme l’argent. Pour mener ce projet à bien, il lui faudrait quantité de poissons. Il passa les nuits suivantes à tisser un immense filet, capable de couvrir tout le lac.

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À son premier essai, il retrouva à l’aube le filet vide et troué, et cela se répéta les jours suivants. Décidé à découvrir l’auteur de ce sabotage, une nuit, il veilla dans son canot. C’est alors que dans un bouillonnement d’écume, une bête énorme, semblable à un dragon ruisselant d’algues, surgit à côté de son canot et l’avertit qu’il lui arriverait malheur s’il s’entêtait à vider le lac de ses poissons. Piteux, le jeune homme avoua tout à sa douce, qui, touchée par ses efforts et sa persévérance, voulut bien de lui.

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Plusieurs apparitions de la bête ont été recensées depuis la fin du 19e siècle, surtout pendant les travaux de la route 289 dans les années 1950. Une autre théorie sur le monstre est qu’il s’agirait d’un très vieil esturgeon échappé du bassin d’élevage d’un ancien curé de la paroisse de Saint-Éleuthère lors d’une tempête. Toujours est-il que le gouvernement a délivré un permis spécial de capture et offert une récompense de 100 dollars, ce qui était beaucoup à l’époque!

Pour profiter des merveilles du lac Pohénégamook, il suffit d’arpenter les sentiers de randonnée ou de réaliser l’une des activités nautiques proposées par la base de plein air de Pohénégamook.

La Dame Blanche

La suivante est une légende un peu mieux connue et bien triste…

Louis et Mathilde, deux jeunes gens de Beauport, devaient se marier à l’été 1759. Louis avait passé l’hiver à guider un voyageur qui faisait la traite des fourrures et Mathilde à coudre le nécessaire pour leur futur foyer. Ils auraient de quoi s’installer après leurs noces. Mais la nouvelle parvint que l’armée anglaise arrivait par le fleuve et Louis fut mobilisé au sein de la milice.

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On dit que la veille de la bataille, Mathilde se rendit aux avant-postes de l’armée rencontrer son fiancé, avant d’aller se cacher dans les bois avec les autres habitants. Le lendemain, les Français revinrent victorieux, mais Louis n’était pas parmi eux.

Lorsqu’elle trouva le corps de son amoureux au pied de la chute Montmorency, où se sont déroulés les combats, Mathilde, folle de douleur et de désespoir, serait retournée chez elle enfiler sa robe de mariée avant de se jeter du haut de la chute. Son voile se serait envolé pour s’accrocher à la falaise voisine, créant une nouvelle cascade à gauche de la chute qu’on a appelée le voile de la mariée. Et depuis, on dit qu’on peut apercevoir à la tombée de la nuit une frêle silhouette blanche au sommet des chutes, et certains soirs, l’entendre appeler son fiancé.

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Géré par la Sépaq, le Parc de la Chute-Montmorency n’est pas très grand, mais on peut l’explorer de plusieurs façons : à pied, en tyrolienne et même en via ferrata. À environ un quart d’heure de voiture du centre-ville de Québec, c’est l’endroit idéal pour faire un pique-nique un soir d’été et scruter le sommet de la chute pour une apparition fantomatique.

Prêt.e à partir à la rencontre de ces légendes d’ici?

*Les recueils régionaux de Jean-Claude Dupont et de l’Association touristique du Bas-Saint-Laurent ont inspiré en partie le résumé des légendes.