Nous sommes à l’hiver 2018 et je visite Berthierville, une ville qu’on connaît principalement comme étant l’autre bord du traversier Sorel-Tracy. Une journée d’hiver comme on les aime : ciel bleu et belle neige propre, c’est un lendemain de tempête.
Inexpérimentée en matière de découvertes régionales, j’ai entendu parler des îles de Berthier : avec les îles de Sorel, elles forment l’archipel du lac Saint-Pierre, reconnu comme berceau de la biosphère par l’UNESCO. Comme il est possible de se balader sur ces îles, j’ai choisi de découvrir l’Île-aux-Castors, où se trouve un sentier pédestre d’une dizaine de kilomètres mis en valeur par la Société de conservation, d’interprétation et de recherche de Berthier et ses Îles (SCIRBI).
Accompagnée de mon chien, je zieute rapidement un panneau situé dans le stationnement et ne remarque aucune carte. J’aperçois un sentier fraîchement tracé pour le ski de fond avec un espace juxtaposé pour les marcheurs et marcheuses. Poids d’enclume, je m’enfonce juste un peu dans la neige; rien d’assez profond pour détruire les sentiers à long terme. Je porte gracieusement des jeans et des bottes aux chevilles. Me voilà partie explorer.
Sur les premiers mètres, le chemin longe une clôture qui sépare un pâturage des arbres. Quelques minutes plus loin, je bifurque vers la gauche pour rejoindre les passerelles au-dessus des marécages glacés. Je poursuis ma route en suivant les sentiers tapés par les passant.e.s. Le chemin est plat, on voit au loin. Je quitte la petite forêt pour me ramasser à travers des champs. Entretemps, je croise un ou deux fondeurs qui semblent apprécier leur activité hivernale. Le vent se lève.
Comment ça peut mal virer? Un sentier que je ne connais pas, aucune carte, au lendemain d’une tempête, avec peu de gens présents, en jeans, au beau milieu d’un champ…
En moins de deux, la température capote. Le vent glacial me brûle les jambes. La neige est de moins en moins tapée et je m’enfonce maintenant jusqu’aux genoux à chaque pas. Je suis à moins d’un kilomètre du stationnement. Je rampe à quatre pattes pour me sortir de là. Mon chien, du haut de ses 8 ans, se fatigue rapidement entre chaque bond.
Plutôt que de reprendre la route connue, on préfère essayer de sortir le plus rapidement possible en ligne droite vers l’auto. La tempête est maintenant un blizzard. On ne voit rien. Il doit faire -30 °C, tout est blanc. Je me sens rapidement épuisée. Je suis perdue dans des sentiers plats et dégagés, c’est ridicule. Mes jeans durs comme de la brique me font mal à chaque pas, et je sue, ce qui me donne froid. Mon chien ne veut plus avancer.
Après des minutes qui me paraissent des heures, on finit par atteindre l’auto avec plus de peur que de mal.
Comment cette mésaventure a-t-elle pu se produire? J’étais mal habillée, la météo m’a surprise dans un environnement que je ne connaissais pas et j’ai paniqué. L’endroit ne propose aucun défi technique ni physique, mais je me suis quand même retrouvée assez mal prise pour avoir une bonne frousse.
Depuis, mon chien et moi, on y est retourné. On a fait la paix avec le lieu. Des pancartes ont été posées à plusieurs endroits et on retrouve maintenant une carte des sentiers en ligne.
Ce que j’ai appris :
– Toujours vérifier la météo avant de partir et s’habiller en conséquence. En apporter plus, quitte à retirer certaines couches en cours de route.
– S’informer sur les lieux et avoir une bonne idée des sentiers, des tracés, de la longueur et de la difficulté de l’endroit où on se rend. Prendre une photo d’une carte, en télécharger une en ligne ou en imprimer une.
– Ne pas hésiter à rebrousser chemin quand le sentier n’est pas optimal.
– Si possible, partir accompagné.e ou, du moins, mentionner notre aventure à un proche.
– Avoir des vêtements chauds ou de rechange dans sa voiture pour le retour.
– Ne pas paniquer.
De l’eau et des bas
Je passe une fin de semaine de filles avec mon amie Noémie pour calmer son cœur en miettes. On a choisi la destination selon le prix d’un hébergement cute qui accepte les chiens, rien de plus intelligent que ça. On part pour Notre-Dame-des-Bois, une ville assez loin pour te dire que t’es pas chez toi, mais avec des gens qui te font sentir la bienvenue. On arrive dans ce village grand de quelques rues. On arrête au dépanneur-SAQ : chips, Pilsner et quelques gratteux.
Avec mon auto pas du tout tout-terrain, on a de la difficulté à monter les côtes en gravier pour se rendre à notre chalet. Notre hôte Guylaine nous attend. Sa maison, qu’elle a elle-même gossée dans le bois, est vraiment charmante. On prévoit nos activités du lendemain en buvant au goulot la vodka polonaise de prédilection; peine d’amour oblige. Quelques grillades directement sur le feu, puis on se couche juste après avoir terminé une playlist de blues sur Spotify.
Debout pas si tôt, on prend la direction du mont Gosford à une vingtaine de minutes de notre maison temporaire. On paie notre droit de passage et on roule vers le début des sentiers. On a choisi cette randonnée puisque notre hôte nous avait parlé de sa beauté, et le commis de l’accueil, de sa facilité.
On nous a dit que le sentier du plus haut sommet du Sud du Québec était facile, accessible et se faisait sans défi majeur. On prend nos cliques et nos claques et on part. On n’apporte rien, on se lance comme ça : sans eau, sans sac, sans collation, toutes nues de même. Ça nous aura pris 4 h aller-retour.
J’ai pris la peine de porter des souliers de randonnée nouvellement achetés, histoire de les tester. La veille, on avait pensé à notre avenir avec les millions à gagner, mais pas à une paire de bas pour moi. À la 31e minute de notre ascension, l’ampoule qui s’était sournoisement installée sur mon talon nu élance. Par grandeur d’âme, Noémie partage un de ses bas, histoire qu’on souffre également.
Après une bonne heure de marche à 30 °C avec beaucoup d’humidité, on s’abreuve bestialement dans les ruisseaux qui semblent être les moins troubles. Les gens qu’on croise nous offrent de l’eau à même leur p’tit tube de sacs sportifs. Tous ont des sacs à dos, des bâtons de marche, des habits appropriés.
Nous, on est là, en jeans imbibés de sueur, avec chacune un bas, sans eau, sans rien, juste avec le chien qui vit sa best life, la langue pendouillante. On se rend tant bien que mal en haut. Nos téléphones ont à peine assez de batteries pour nous permettre de prendre un cliché ou deux.
On a tellement eu chaud que notre corps est recouvert d’une épaisse couche de sel, on boit dans tous les ruisseaux qu’on croise sans exception, on a faim, on a mal à nos ampoules suintantes. Merci à ceux et celles qui ont partagé eau et denrées. Quand on t’offre de l’aide sans même que tu en aies fait la demande, c’est que clairement, que ton manque d’organisation est flagrant.
Ce que j’ai appris :
– TOUJOURS avoir de l’eau sur soi, peu importe la durée de la randonnée.
– Tester son matériel avant d’entreprendre de longues excursions.
– S’informer sur les lieux grâce à des ressources fiables et ne pas uniquement se fier aux commentaires d’autres randonneurs et randonneuses.
Une route étrange
Il y a deux ans, je suis partie avec mon chien Guidoune en Gaspésie, accompagnée de Stéphanie et de son petit Jack Russel, Roxy. On avait prévu nos itinéraires et nos activités d’avance. Par chance, notre escapade se déroulait tout juste avant la frénésie gaspésienne et surtout, à la mi-juin. On était pas mal seules au monde partout. La chance!
L’âge et la condition de Guidoune faisaient en sorte qu’on avait décidé d’éviter les grosses randonnées. Autour d’un pad thaï dans notre yourte, Stéphanie m’avoue qu’elle aimerait bien faire une rando dans les Chics-Chocs. Un pas de plus pour réaliser sa checklist de rêves; on avait déjà réglé le parapente au mont Saint-Pierre la veille, et les guédilles de homard sur la plage étaient devenues monnaie courante. Je n’allais pas pouvoir l’accompagner dans cette aventure, mais j’allais l’y conduire.
Après le coucher de soleil, je m’affaire à chercher des sentiers à faire avec son chien dans les Chics-Chocs. Je tombe sur une seule recommandation pour le mont Vallières-de-Saint-Réal, qui était alors plutôt méconnu (c’est chose du passé!). Je lui annonce donc que j’ai trouvé un sentier surprise qui allait la combler. Je rentre les informations dans mon GPS afin de planifier la route du lendemain.
L’affaire avec les GPS, c’est qu’on s’y fie aveuglément. On roule, et on perd le réseau cellulaire. Notre route est toujours guidée par la route téléchargée d’avance sur Google Maps. Je tourne sur un petit chemin, où on aperçoit une affiche de sentier. Ce n’est pas le bon nom de montagne et le GPS m’indique de continuer. J’obéis.
On roule à bord de ma Ford Fiesta zéro tout-terrain. Pour les non-connaisseurs, cette auto n’a rien d’incroyable et obtient une seule étoile dans le guide de l’auto annuel; elle est bonne uniquement pour se stationner en parallèle serré sur le Plateau. On se ramasse dans un pit de sable, à rouler entre des buttes de roches.
Le GPS me guide toujours, vers un chemin qui monte cette fois. J’hésite. Stéphanie me motive à continuer. J’entame l’ascension d’une route large comme l’auto, en roche, et finalement plus abrupte que prévu. Sur le côté gauche, la montagne. Sur le côté droit, un précipice. Moi qui avais fait un ti-pipi nerveux sur la route d’Hana à Mauii, ça me rappelle ce sentiment étrange de vertige.
Ma hatchback affiche une p’tite lumière de dérapage, celle qu’on voit habituellement en hiver. Je suis en train de drifter sur le bord d’une falaise, et peine à continuer mon ascension. Vais-je devoir reculer sans caméra de recul sur cette route en serpentin en glissant sur les roches? Silence à bord.
Comment ai-je réussi à gravir la côte suffisamment pour trouver un espace et faire un u-turn? Avoir une micro-auto a été salutaire.
De retour dans le creux de la carrière, on croise deux randonneurs expérimentés. Ils nous confirment que l’entrée du sentier se situe plutôt à une dizaine de kilomètres. On était en train de grimper un sentier pédestre du mont Blanche-Lamontagne en auto!
Grâce à ces bons samaritains, on a finalement pu trouver le début du sentier du mont Vallières, et Stéphanie a couru jusqu’en haut avec Roxy pendant que je patientais dans l’auto. Tout le monde était content.
Ce que j’ai appris :
– Avoir un véhicule adapté aux circonstances.
– Ne pas se fier uniquement au GPS.
– Ne pas se fier aux publicités à la télé qui annoncent que toutes les autos sont capables de gravir toute.
En espérant que ces leçons de vie vous serviront lors de vos prochaines escapades!
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Ce contenu a été bichonné pour Dehors par l’équipe d’On va se promener? qui vous propose aussi d’autres contenus canins ici!