L’hiver cogne à nos portes et, sous peu, une horde d’ados et de jeunes adultes envahiront les pistes enneigées du Québec dans l’espoir de transmettre leur passion : le ski. En plus d’être ludique, le travail de moniteur ou de monitrice de ski vient souvent avec une bonne dose de leçons de vie et d’apprentissages – par exemple, wow, ça colle donc bien une langue sur la barre en métal d’un télésiège. Pour plusieurs, c’est aussi un premier emploi, donc un tremplin vers le monde des adultes.
Comme dans n’importe quel travail, aussi plaisant soit-il, certaines phrases viendront sans doute hanter l’univers des moniteurs et monitrices tout au long de l’hiver. Si vous en êtes à votre première saison, aussi bien les découvrir maintenant : vous serez prêt.e.s!
« Parles-tu anglais? On a un groupe de cinquante touristes qui vient de débarquer. »
Vous pensiez que le plus gros défi serait d’enseigner un sport de glisse à des enfants de quatre ans qui ont de la difficulté à se tenir debout en habit de neige? Détrompez-vous!
Le cauchemar est souvent incarné par une cinquantaine de touristes portant jeans et Canada Goose pour skier. Préférant leur Kodak à l’apprentissage du ski, ces personnes aux lunettes qui pendouillent derrière leur casque sont généralement excessivement dangereuses. La plupart du temps, tout finit bien. Le seul conseil que je puisse donner aux moniteurs ou monitrices : « Improvise. Adapt. Overcome. » Remerciez Bear Grylls.
« Aujourd’hui, c’est toi qui fais la mascotte. »
Avez-vous déjà été une mascotte? Moi, oui… quand j’étais moniteur de planche à neige. Mes supérieurs avaient convenu que le gars perdu avec des cheveux longs et qui parle anormalement lentement ferait une excellente mascotte. Ils ont vu juste, j’étais sublime!
Chaque dimanche, j’enfilais le costume de Rafale le pingouin. Voici deux choses à savoir à propos des habits de mascotte : 1) On sue comme des porcs à l’intérieur, et ce, même s’il fait -35 °C à l’extérieur. 2) Le masque sent aussi bon que le jockstrap de Jake Allen après une défaite de 5-1 contre les Maple Leafs.
Une fois, un groupe de trois enfants a pris le contrôle. Ils ont vu qu’un humain se cachait derrière l’œil surdimensionné de Rafale le pingouin. Je me suis fait entourer de mômes qui criaient : « Rafale est un humain, enlevez-lui la tête! »
Ne pouvant pas parler – j’étais une mascotte, on se souvient –, j’ai fait la seule chose que je savais faire : courir. Je me suis caché dans un cabanon à proximité. Je retenais la porte pendant que des enfants essayaient de l’ouvrir. D’autres m’épiaient par la fenêtre comme une bête au zoo. J’étais désespéré, stressé, et je priais pour qu’on vienne me sauver, en vain. Mes assaillants ont fini par se lasser de ma vulnérabilité et ont quitté pour boire un chocolat chaud. Trio diabolique d’enfants de sept ans : 1. Philippe, 16 ans : 0.
« Salut, je suis niveau 4. »
On pourrait comparer les moniteurs et monitrices de niveau 4 aux post-doctorant.e.s du monde du ski. À l’instar des post-doctorant.e.s, les niveaux 4 ont atteint le plus haut niveau de compétence dans leur discipline et aiment rappeler leur grade à qui veut bien l’entendre.
Pour enseigner le ski ou la planche dans une école de glisse au Québec, il faut avoir une certification qu’on appelle de niveau 1. Comme dans n’importe quel domaine, il est possible d’affuter ses connaissances en allant chercher des formations supplémentaires. Même s’ils sont un peu cocky, les niveaux 4 sont beaux et belles à voir skier et sont une source intarissable de conseils pour vous aider à vous améliorer.
« Erreur : fonds insuffisants. »
À moins que vous ne deveniez l’entraîneur personnel du prince de Dubaï, vous ne ferez pas fortune comme moniteur. Dans la plupart des montagnes, les moniteurs et monitrices sont payés au cours donné et non au nombre d’heures passées à la montagne.
Ceci dit, l’emploi vient avec toutes sortes d’avantages comme une passe de ski gratuite. C’est parfait pour les maniaques de ski qui veulent dévaler les pentes chaque fin de semaine et du même coup arrondir les fins de mois.
« La mère de la petite Eliane pleure à cause que sa fille a coulé la pointe de tarte… »
En ski, savoir faire la pointe de tarte, c’est la base. C’est similaire à l’étoile de mer en natation. Parfois, certains enfants ont des difficultés, ce qui est tout à fait normal. Ces enfants ne peuvent pas toujours passer au niveau suivant dans leurs cours de groupe. La raison est simple : c’est plus facile d’enseigner à un groupe où tous les élèves sont au même niveau. La plupart du temps, la petite Eliane de quatre ans s’en torche d’avoir coulé son cours.
Le problème, ce sont les parents, véritables architectes de l’anxiété de performance. Nombreux sont ceux qui ont dû se faire consoler par des moniteurs et monitrices. Le désir de voir son enfant briller est prédominant. Les cours de ski n’y échappent pas.
Chers parents, je vous assure que si votre enfant coule le cours de pointe de tarte, ses chances de réussite dans la vie n’en sont pas amoindries!
« Je ne peux pas aller au bar avec vous, j’ai 16 ans. »
Si certain.e.s ne débuzzent pas et continuent de travailler à la montagne jusqu’à l’âge de 25 ans (je salue ma sœur ici), les nouveaux moniteurs et monitrices sont, pour la plupart, mineurs. Cette information doit être prise en considération quand vous organisez des activités entre collègues. Sans quoi, les personnes majeures auront un méga party avec ski shots en abondance au pub de la montagne, alors que les plus jeunes mangeront des Skittles à la cafétéria.
« On peut rentrer? J’ai froid! »
Ça, ce sera une question piège de vos élèves! D’un côté, il ne faudrait pas, en tant que moniteur ou monitrice, que vous soyez responsable d’une engelure au troisième degré d’un enfant de six ans. De l’autre, est-ce un stratagème du jeune pour ne pas apprendre le ski et chiller dans la cafétéria? Seule l’expérience vous le dira.
Disons que c’est moins grave qu’un enfant passe une demi-heure dans une cafétéria que de lui imposer une engelure.
« Y’arrive quoi si je lance mon bâton en bas des chaises? »
Parmi les moniteurs et consultées consultés pour cet article, cette question semble souvent posée par les élèves. Peut-on leur en vouloir? Ce sont des curieux et curieuses, voire des scientifiques qui ne veulent que découvrir l’effet de matériaux qui s’entrechoquent à pleine vitesse. Ils veulent en apprendre davantage sur la loi de la gravité. Pourquoi freiner ces petits Newtons en herbes en plein élan créatif? Vous devinerez que j’ai toujours rêvé de lancer des trucs en bas des chaises…
« As-tu des HotShots? »
À la montagne, les sacs de charbon sont davantage des cadeaux du père Noël que du père Fouettard. Les chauffe-mains sont salvateurs lorsque le froid strident se marie au vent. Mi-février, vous citerez probablement la célèbre phrase de Jamel Debbouze dans Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre : « Qu’est-ce que c’est que ce pays? C’est pas possible. Il fait au moins… -8000! »
« Je t’aime! »
Ça, personne n’est tanné de l’entendre. En fait, je voulais convaincre les romantiques d’essayer ce travail. Les chances de rencontrer l’amour parmi vos collègues sont élevées. La quantité de couples créés dans l’équipe de moniteurs et monitrices chaque hiver est phénoménale. C’est comme un Tinder de personnes qui portent des casquettes Ciele.
Sur ce, bon ski! Je vous souhaite beaucoup de neige et de ne pas faire la mascotte.
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