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Pour moi, Sorel (ou Sorel-Tracy en cette ère « post fusions municipales ») est plus qu’une ville quasi mythique.

Lieu de naissance du Survenant, repère de motards, usine à rockeurs, capitale de l’acier et j’en passe, Sorel est mon lieu de naissance, bien sûr, mais aussi une expérience formatrice en soi. C’est pour cette raison que lorsqu’Urbania m’a offert de rédiger un article « ville de la semaine » sur mon fief, je me suis tourné vers une amie soreloise, Laurence, pour signer le texte à deux. Entre le « nerd » qui se tenait à l’arcade du centre-ville et la fille de party qui a fait le tour du monde, on espère peindre un portrait plus ou moins juste de la ville. Sur ce, Sorel-Tracy en neuf points (le dixième, c’est te faire parler)…

1. À Sorel-Tracy, on aime le trouble! (par André)
C’est connu, on ne craint pas les prises de bec. C’est plus fort que nous. C’est dans nos gênes, même! Ainsi, en 1937, Sorel sera le théâtre d’une des premières grandes grèves du Canada alors que les employés de Marine Industries – figure de proue de l’industrialisation de Sorel – exigeront des conditions semblables aux autres chantiers maritimes du pays (dans ce temps-là, ces « gars de shop » bossaient 55 heures par semaine… Lucien Bouchard en aurait été fier!). Autant la population que le curé de la paroisse descendront dans les rues pour appuyer les ouvriers. La grogne est telle que Maurice Duplessis affectera une centaine de policiers à la protection des « scabs » engagés au cours du conflit. Bien que la grève se soit terminée sans grande victoire pour les syndiqués, d’autres conflits du genre suivront (dont une autre grève chez Marine Industries qui sera particulièrement marquante entre ’81 et ’85… du moins, elle le sera pour moi, mon père agissant à titre de représentant syndical lors de ce conflit). C’est aussi à Sorel-Tracy, au cégep plus précisément, que s’est tenu, le 15 juin 1991, une assemblée qui jettera les bases du Bloc Québécois, une nouvelle faction politique qui allait brasser la cage à Ottawa au nom des Québécois séparatistes. 21 années plus tard, la charpente du cégep tient toujours. Celle du Bloc, par contre…

2. Des îles, du pays du Survenant et de la botte d’eau (par Laurence)

À « Sorel-tiret » (on y reviendra), ça travaille dans les « shops », ça boit beaucoup (pas pour rien que les Sorelois sont parfois surnommés « les tire-bouchons ») pis ça jase en « ‘fant d’chienne »! Les îles, incontournables vedettes et fiertés des locaux, on cherche encore par quel côté vous les décrire. Côté chalets accessibles exclusivement en chaloupe où quand le party pogne, la débauche n’est jamais loin. Bottes d’eau et pantalons de jogging sont tout indiqués pour festoyer au bout du chenal aux raisins ou, encore mieux, au bout de celui qu’on n’a même pas nommé, étant donné qu’une douzaine de personnes maximum le connaissent. Sinon, dans les (103) îles, on retrouve une des plus grandes héronnières d’Amérique du Nord, de la swamp, des canards, du brochet, de la barbotte, de la perchaude (rare, mais toujours là). Et c’est aussi dans les îles qu’est née la fameuse gibelotte. Ce plat historique, régional et qu’on célèbre annuellement lors d’un festival pas piqué des vers…

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3. Parlons-en de la gibelotte! (par André)
Malgré son image – et son nom – qui suscite un joyeux fourre-tout, la gibelotte n’est, en fait, qu’une soupe aux légumes à laquelle on ajoute du poisson (généralement de la barbotte ou de la perchaude, tout dépendant de la recette familiale). Celle-ci représente tout de même bien la ville : la recette originale est simple, abordable et peut nourrir une famille nombreuse (suscitant, du même coup, les racines ouvrières, « à la bonne franquette » de Sorel-Tracy). À ça s’ajoutent légumes récoltés sur nos terres et poissons pêchés dans les cours d’eau environnants (encore là, vous m’voyez venir, on peut faire référence ici à l’industrie fluviale et agroalimentaire de notre coin de pays). Bref, la gibelotte, c’est une métaphore qui se mange.

4. Les Anglais, le carré (par Laurence)
À Sorel, trône aussi une des premières places royales à avoir été construites sous les Anglais, au Canada. Oui, oui, le centre-ville et le parc qui y trônent, et vus du ciel, représentent le Union Jack. D’ailleurs, toutes les rues du Vieux-Sorel portent encore les noms « royaux » du 18e : Victoria, Phipps, Charlotte, Georges, Élizabeth, Ramesay, Augusta en plus des génériques rues « de la Reine », « du Roi », « du Prince »… Mais malgré tous les efforts des Anglais, y a pas grand monde qui parle anglais à Sorel 229 années plus tard! On peut tout de même les remercier de nous avoir donné un centre-ville dont on fait le tour à angles droits et à sens unique… sauf pendant le Festival de la gibelotte, alors qu’on y bloque la circulation. On peut donc faire des tours de carré à pieds, à l’endroit puis à l’envers, histoire de voir si on rencontrerait du nouveau monde…

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5. Le fameux tiret… (par Laurence)
Qu’est-il, demandez-vous? À l’origine, il n’y avait que le pont Turcotte qui servait de tiret dans notre région. Ensuite, il y eut le fameux pont Sorel-Tracy qui est devenu le second tiret à traverser le Richelieu et qui, des décennies plus tard, est toujours surnommé « le pont Neuf » par les locaux. D’ailleurs, ce deuxième pont et « boutte de la 30 » est, surtout, une source de plaisir hivernal infini pour tous. Car, que l’on soit jeune ou parent, on se retrouve tous au somment de la butte du pont, armé de « crazy carpet », de trois skis et autres luges… Avec les deux ponts – et le traversier vers la Rive-Nord – la notion de tiret est multiple et, surtout, soulignée par le nouveau signe de ponctuation qu’on retrouve entre Sorel et Tracy, merci fusions municipales! De plus, finie la guéguerre entre les deux polyvalentes puisque, désormais, tous les élèves de la commission scolaire entament leurs études secondaires à celle de Tracy pour ensuite les terminer à celle de Sorel. Et vlan! Mais bien qu’il soit incontournable dans toute correspondance, le tiret symbolique tend à s’effacer au sein des conversations des locaux (on vient de Sorel ou on vient de Tracy, mais jamais du tiret)…

6. « Highway To Hell »! (par André)

Crevons l’abcès : oui, chez nous, à la fin de l’autoroute 30, on a déjà eu un « bunker » des Hell’s Angels. Même que, lors de sa construction en 1977, le groupe qui allait l’occuper devenait aussi le premier chapitre canadien de l’organisation. Et non, nous ne sommes pas tous des motards (bien qu’on ait déjà eu un festival de la moto). Parlez-en à Danic Champoux qui, bien qu’il ait grandi tout près du QG, s’est plutôt tourné vers une autre sorte de gangstérisme : le cinéma québécois. Voyez la bande annonce de son documentaire: Mom et Moi. En fait, le « bunker » n’est plus depuis 2008, rasé par les flammes dans un incendie monstre. Réplique d’un gang ennemi? Descente de choc de la SQ? Pluie de météorites? Non! L’acte d’un monsieur souffrant de problèmes psychologiques qui a embouti la forteresse à l’aide d’un camion-citerne. Celui-ci croyait que sa femme avait une aventure avec un motard. Pire encore, il s’imaginait que les « anges » voulaient le dégommer. Quoique c’est peut-être le cas maintenant…

7. Le tour de char (par Laurence)

Le monde aime ça aussi se promener en char à Sorel-Tracy. Faque tu vas te stationner à Regard (sur le fleuve) ou au parc Maisouna. Des fois, tu fais la belle marche sur le bord de l’eau. D’autres fois, tu restes assis dans ton auto à juste regarder le fleuve en écoutant ta musique. Après ça (il fait beau, c’est l’après-midi, tu n’as rien de prévu, tu jases là…), tu vas au fond de Sainte-Anne(-de-Sorel). Jusqu’au bout, dans les îles… Pis là, tu regardes autour, c’est beau pis tu fais demi-tour. Puis, tu fais un p’tit détour par la laiterie Chalifoux, manger une crème glacée pis t’acheter du Riviera en grain frais, encore chaud, magnifique. Après, tu vas évidemment faire un tour de Carré. Ou deux. Ceux qui sont assis dans les bars te regardent faire tes tours de carré. Pis toi, tu regardes voir s’il y a du monde que tu connais en ville.

8. Amateurs de sports, bonsoir… (par André)
… pis si y’a personne autour du Carré Royal ou au centre-ville, c’est que tout le monde s’éparpille sur les terrains de balle-molle ou s’agglutine autour de la patinoire du Colisée Cardin, notre Centre Bell à nous (moins la bière ridiculement chère, bien sûr). Ville qui pourrait avoir comme hymne le thème de Lance et Compte, Sorel-Tracy produit de nombreux hockeyeurs de talent. Bien sûr, il y a les François Beauchemin et Marc-André Fleury, mais aussi les anciens Canadiens Georges Laraque (qui y a grandi), Pierre Mondou et Wildor Larochelle, une teigne de 5’8″ qui s’est imposée de 1925 à 1936 (t’sais, dans le temps que les joueurs jouaient pour l’honneur pis un chips au ketchup). Et lorsque nos athlètes n’aboutissent pas dans la Ligue nationale, ils terrorisent leurs adversaires (le nombre de vidéos de combats de hockey liés de près ou de loin à des Sorelois sur YouTube– près de 200! – en témoigne). Bref, au contraire de « Mon père est riche en tab… », « Moi j’viens d’Sorel… » était une réplique particulièrement efficace pour calmer le jeu lorsque, plus jeune, je sortais trinquer à l’extérieur de la ville. Tiens donc, en parlant de boire…

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9. Quand arrivent le soir et la soif… (par Laurence)
… t’as le choix! Bon, c’est sûr que si on est mardi, tu risques de renoncer à de la musique live, mais les débits de boissons sont tout de même là pour toi. En parlant de musique, bon an, mal an et depuis des générations, Sorel est gâtée en talent. En effet, un nombre plutôt impressionnant de musiciens ont commencé à Sorel et finissent, tôt ou tard, par y revenir, de passage ou pour longtemps. En vrac, On a créé un monstre, Martin Pelland (The Dears, For Those About To Love), François Plante (Plaster, Afrodizz et mille autres choses), Martin Lavallée (Jonas, Steve Hill, Mobile), Renaud Bastien et Alexandre Gauthier (Coeur de Pirate), Amélie Mandeville (Creature, Mark Bérubé, etc.) viennent et reviennent tous dans le coin plus que régulièrement et, dans leur sillage, amènent avec eux d’autres artistes qui les accompagnent pour découvrir poulet, patates et la mythique sauce du Sorel-Tracy BBQ (parlez-en à Sunny Duval…). En plus du Pub O’Callaghan, lieu de diffusion de nouvelle musique sans prétention et source de consommation effrénée de shooters, on vous suggère aussi le Loup Rouge, une micro-brasserie qui sert aussi de tremplin pour les artistes émergents. Enfin, le fameux café St-Thomas est un autre lieu remarquable, témoin de tout le talent – et la soif – qu’on retrouve chez nous!

Parce qu’une conclusion avec du latin, ça a toujours l’air plus distingué…

La devise de Sorel étant « Fiat Via Vi » (On n’avance qu’aux prix d’un effort), on vous invite – ô lecteurs d’Urbania – a faire, à votre tour, un ‘tit effort. Descendez don’ la 30 jusqu’au bout ou prenez le traversier. Vous risquez d’être surpris…

NDLR: Urbania mettant Sorel-Tracy à l’honneur cette semaine, nous offrons 10% de réduction sur les abonnements à tout résident de la ville! Écrire à [email protected]

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