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James Di Salvio va tourner son premier long métrage, The Power of Love. Mais nous on le savait déjà. En effet, c’est lors d’une entrevue menée par Sébastien Diaz pour notre numéro Luxe que ce Wonderboy nous avait décrit le projet et fait entrer dans le secret des Dieux avant tout le monde. Petit rappel.
Selon nos sources, pendre une cuite avec James DiSalvio pouvait s’avérer un exercice périlleux. Après tout, l’acolyte du fêtard Jean-autrefois-connu-sous-le-nom-de-Leloup en 1990, c’était lui. Le Bran Man, l’incorrigible party boy de la formation qui nous a donné Drinkin in L.A., c’était lui. Et le charismatique et génial artiste qui a organisé un week-end de débauche au cœur de Las Vegas pour célébrer le nouveau départ du groupe l ’an denier, c’était lui aussi. Trois excellentes raisons pour arriver au rendez-vous après avoir pris une bonne cuillère à soupe d’huile d’olive pour ralentir le passage de l’alcool dans le sang. Précieux conseil de Dr Maman.
21h. Vauvert, Hôtel St-Paul, rue McGill
Lorsqu’il débarque au Vauvert, chic restaurant branché de l’Hôtel St-Paul, James Di Salvio est pourtant tout sauf équipé pour veiller tard. «Guys, I’m sorry but I’ve got to be on rehearsal tomorrow morning! dit-il l’air bouffi et les yeux cernés après une journée passée en studio. Ça vous va si on fait ça relax?» Bang! L’enclume sur la tête du coyote dans Roadrunner. L’enfant terrible du showbiz devenu adulte démolit en deux phrases l’image qui le suit depuis près de 20 ans. Ses lunettes de soleil et son chandail de Mickey Mouse? Simple couverture.
Tout de même, lorsqu’il s’attable dans un coin sombre de la salle à manger, notre prince prend rapidement ses aises. «Vous voulez savoir c’est quoi le vrai luxe? C’est d’avoir quelqu’un payé pour choisir ton vin!» dit-il en commandant (dans son habituel franglais) une bouteille au serveur qui ne le reconnaît visiblement pas. Pourtant, depuis qu’il a posé ses valises à Montréal, le visage de DiSalvio a circulé abondamment dans les médias, surtout après son passage coup de poing à Tout le monde en Parle. Tête de turc du plateau de Guy A. Lepage, il a été soupçonné à tort d’avoir consommé toutes les substances illicites de la terre avant l’entrevue. Encore aujourd’hui, il se remet à peine de cette douche froide. Serait-il incompris? Tout à fait. Surtout en ce qui concerne l’étiquette de «petit fils de riche» qui lui colle à la peau.
C’est que dans le petit guide de la mythologie montréalaise, le luxe a souvent été associé au nom du Clan DiSalvio. L’affiche de la défunte boîte du paternel, le DiSalvio, trône toujours en haut du Shed Café sur Saint-Laurent, vestige d’une époque où James faisait ses premières armes comme DJ devant les David Bowie et autres Leonard Cohen qui venaient y casser la croûte. Vingt ans plus tard, les choses ont un peu changé. Le légendaire producteur hyperactif s’est assagi. En avalant sa pintade à renfort de grandes gorgées de vin rouge, il raconte qu’il a conservé plusieurs amis de cette belle époque, comme Cohen, qu’il croise régulièrement sous les palmiers de la Californie pour aller manger du grec.
Alors que plusieurs l’imaginent dépenser allègrement l’argent de papa en Californie, DiSalvio est loin de vivre dans le luxe de Beverly Hills 90210. « L.A. is a tough motherfucker! dit-il. Dans cette ville-là, le luxe est surtout une image, une façade. C’est une ville dure qui peut te rejeter si tu fais le con. J’habite downtown, dans un quartier qui s’appelle KoreanTown. C’est tellement rough qu’on peut fumer dans les bars même si c’est illégal. La police n’ose pas y entrer!» Pas bien loin de chez lui, son frère et sa mère ont démarré leur propre petite business, un resto. «C’est le seul endroit où on peut manger de la poutine à L.A.! dit-il. C’est un exploit parce que le fromage in crotte, c’est impossible d’en trouver là-bas! It’s only available through a kind of black market…»
Qu’on baigne dans le luxe ou pas, les riches et célèbres en viennent à faire partie des meubles lorsqu’on vit près du Sunset Boulevard. «C’est quand même weird de terminer un set de DJ dans un club et de voir Michael Stipe de REM assis à une table», raconte le faiseur de beats en prenant la pause-photo et en commandant une tournée de porto pour tout le monde. «Je me souviens aussi d’avoir croisé Jack et Meg White des White Stripes par hasard, et même Paris Hilton. She’s sexy man! On a beau dire ce qu’on veut, quand tu la rencontres en personne, tu comprends pourquoi on parle toujours d’elle. Elle dégage quelque chose d’incroyable!»
Pas étonnant donc que James Di Salvio ait lancé aux médias, à la blague ou non, qu’il souhaitait voir la Paris venir assister au méga-spectacle de Bran Van 3000 au Festival de Jazz cet été. Une façon comme une autre de se réconforter avant un événement qui a tout du ça passe ou ça casse. «J’ai vraiment la chienne, dit James. Ce show-là, c’est le vrai retour du groupe. C’est notre ville, et je sais pas si les gens vont embarquer avec nous autres ou pas. Pensez-vous qu’ils nous ont oubliés?!»
23h30. En transit
Ce qu’il y a de bien à s’attabler avec James Di Salvio, c’est que l’addition est souvent offerte par la maison. C’est le cas au Vauvert, que James quitte avant d’aller rejoindre un pote (dont on a oublié le nom à cause de notre consommation d’alcool), dans un loft du Vieux-Montréal.
En transit. Il est peut-être là le plus grand luxe de grand Di Salvio. Celui de ne jamais avoir d’attaches et de faire du monde entier son grand carré de sable. «Je me suis déjà retrouvé dans Brooklyn au milieu d’une session freestyle de hip hop, raconte le Montréalais au passeport bien étoffé. Tout le monde était en rond et on improvisait des rhymes à tour de rôle. The only problem is, these guys were real gangsters man! They were like : ?You motherfucker cunt! I’m gonna fuck you real hard!? J’ai dû trouver un moyen de m’en sortir quand mon tour est arrivé. J’ai opté pour mon style tout en douceur, pour charmer les dames. The result? A real success! Ça prouve que la musique est universelle!»
12h30. Dans un loft, Vieux-Montréal
En entrant dans le loft/palace de son ami d’enfance, James est accueilli par son fidèle chien-chien, une statuette de céramique fendue jusqu’aux oreilles qu’il entrepose dans un coin depuis des années. «I know it’s kitsch, but my brother fell in love with it ! Il était tout cassé et c’est lui qui l’a réparé!» précise notre homme en serrant la pauvre bête dans ses bras.
Quand il est question de son frère, James n’a que de bons mots. C’est d’ailleurs avec lui qu’il s’apprête à remettre son chapeau de réalisateur, qu’il n’avait pas porter depuis trop longtemps. «On a écrit un scénario ensemble, explique-til. Ça raconte la journée d’un employé à l’usine American Apparel de Los Angeles. Et si tout va bien, it’s should be a musical based on Bran Van 3000 music!» Rappelons qu’à une autre époque, les jeunes Mitsou et Martine St-Clair se disputaient la caméra du Wonder Boy qui avait mis en images les premiers clips de Leloup.
James Di Salvio sort son laptop et regarde quelques vidéoclips sur You Tube. Lorsqu’on l’écoute commenter les œuvres, on devine qu’il a peut-être été échaudé par de mauvaises expériences, comme en témoigne sa collaboration avec Céline Dion, peu documentée. «J’ai fait la première version du clip L’amour existe encore, raconte-t-il. J’avais fait couler le maquillage de Céline comme si elle avait trop pleuré. Quand j’ai crié «Action», au lieu de faire jouer sa toune en playback pour qu’elle fasse son lipsync, j’ai mis un rigodon ridicule. J’ai donc tourné Céline en train de rire comme une folle au super ralenti, avec les yeux noirs et coulants! J’ai mixé tout ça avec des images d’un gros pimp. Et à la fin, on voyait le crash de Gilles Villeneuve.» Du grand Di Salvio, que l’équipe de Céline a toutefois envoyé valser aux oubliettes en optant pour une version plus conservatrice. «Je les comprends un peu, mais pour moi ça reste une gang super professionnelle.
1h10. Dans un taxi, direction nord
Inspirés par les récits de James, une seule option s’impose pour cette fin de soirée : adios le bling bling. En regardant les restants de bancs de neige sales de la rue Berri défilés sous ses yeux, notre homme jubile déjà à l’idée de se rendre au party anti-luxe par excellence : la soirée «French ou meurs» du Zoobizarre. Le concept ? Un bar, un DJ, beaucoup d’alcool, des gens consentants qui frenchent amicalement. Simple et direct. «I got a girlfriend but I always enjoy seeing nice girls french kissing!
2h30. Backstage du Zoobizarre
Assis devant une demie-douzaine de shooters et des pichets de gin tonic dans le pire backstage de la ville de Montréal (sorte de croisement entre une minuscule caverne croisée et un fond de ruelle douteuse), le musicien-star semble enfin détendu. Au point d’en oublier les répétitions prévues le lendemain matin à 8 heures. «Y a très longtemps, je passais beaucoup de temps dans un bar country un peu miteux de l’Est de la ville, dit-il. Y avait des soirées country open mic et tout le monde pouvait monter sur le stage pour chanter une toune. Et en plus, ils servaient des hots-dogs!»
3h10. Dans une ruelle près du Zoobizarre
Enfin loin de la branchitude et du luxe à l’excès, des collines hollywoodiennes et des grands hôtels de la Fifth Avenue, James Di Salvio prend la pose une dernière fois, s’appuyant confortablement sur un mur craquelé, à deux pas de la Plaza St-Hubert. «I just like this neighborhood man!» dit-il. Les yeux grands écarquillés comme un enfant laissé libre dans un Toys «R» Us après les heures d’ouverture, le Bran Man vient peut-être de retrouver ses vraies racines.