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Casse-gueules, Mercurochrome et autres déchirures

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Maxime et moi, on se connaissait depuis toujours, c’est-à-dire depuis la maternelle. Je lui faisais totalement confiance.
La preuve : j’avais accepté de lui prêter ma cassette de Super Mario World, mon bien le plus précieux, acheté avec l’argent des 1248 cannettes vides que j’avais ramassées dans les poubelles du terrain de baseball à côté de chez-nous.
Un jour, je ne sais pas lequel, mais il faisait chaud et je portais ma camisole de Batman, Max et moi, on a eu une idée. Un plan de nèye, comme disait ma mère. On a élaboré une stratégie pour voler le stock de réglisses, de jujubes et de casse-gueules de la cantine du terrain de base sans se faire pogner.
Le lendemain, j’avais rendez-vous avec Max près du ruisseau, à huit heures pile. Finalement, le casse-croûte ouvrait juste à dix heures, ça fait qu’on est allé faire des wheeling dans le pit de sable et le temps a passé vite, parce que les cloches de l’église ont sonné onze heures et qu’on commençait à avoir faim.
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On s’est finalement dirigé vers la cantine. L’idée, c’était que Maxime allait attirer Monsieur Gérard en dehors de son kiosque en faisant semblant que quelqu’un s’était blessé. Pendant ce temps-là, je ramasserais le trésor, le mettrais dans ma caisse de lait et m’en irais, comme si de rien n’était. Trop faf. Finalement, quand on est arrivé au comptoir, Monsieur Gérard n’était même pas là. Sûrement parti pisser. Vraiment trop, trop faf.
Maxime faisait le guet. Tout d’un coup, il s’est mis à crier – « Dégrouille-toi! Y s’en vient! » J’ai garoché deux boîtes de bonbons dans mon panier, sans regarder c’était quoi la sorte, puis je suis monté sur mon BMX. Je sentais mon cœur battre, on aurait dit que j’avais des pétards à mèche qui m’explosaient dans le ventre.
Puis, le lacet de mon running, qui était détaché comme d’habitude, s’est pris dans ma chaîne de bicycle, et je suis tombé.
Monsieur Gérard a fini par me rattraper, accompagné de Maxime. Il m’a engueulé comme du poisson pourri. Entre deux insultes, il a osé me dire que je devrais prendre exemple sur Max, que ça, c’était un vrai bon p’tit gars. Le salaud, il n’essayait même pas de me défendre. Il a eu droit à dix paquets de cigarettes en chocolat, comme récompense pour son honnêteté. Monsieur Gérard m’a ramené chez nous en me tirant par l’oreille. Max suivait derrière, sans rien dire, fumant ses fausses cigarettes. Mon soulier était encore coincé dans le vélo. Je marchais en pieds de bas dans la gravelle. J’avais mal.
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Ma mère m’a chicané, bien sûr. Ce qui la frustrait le plus, je pense, c’est que mon short neuf était tout taché de gazon. Je m’étais égratigné le genou en tombant. Elle a mis du Mercurochrome sur ma blessure. Elle finirait bien par me pardonner. Mais moi, jamais je ne pardonnerais Maxime. Le jour d’après, il est venu sonner pour savoir si je voulais aller me baigner à la piscine municipale avec lui. Ma mère lui a répondu que j’étais encore en punition, mais ce n’était même pas vrai.
Cet après-midi là, on est allé m’acheter des espadrilles à velcros.