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Je ne me rappelle plus qui de toi ou moi avait eu l’idée de cette petite escapade de quatre jours en Gaspésie, mais elle n’était pas bonne
La route s’étirait interminablement. J’avais faim. J’ai fouillé dans le cooler sur le siège arrière de la voiture, à la recherche de quelque chose à grignoter : il y avait juste des bouteilles de Labatt refroidies par des ice packs.
– Où t’as mis les sandwichs que je nous avais préparés?
– Y’avait pu de place. Pis y’aurait été tout effouerrés à cause d’la bière. C’est pas bon des sandwichs effouerrés.
Tu me tapais déjà sur les nerfs.
Neuf cent vingt-quatre kilomètres plus tard, deux jambes engourdies et un mal de cœur. La première chose que t’as faite en entrant dans notre chambre d’hôtel minable : vérifier si les canaux de films pornos étaient débrouillés. J’ai pris une longue douche trop chaude. Quand j’en suis sortie, mes cuisses étaient mauves tellement elles étaient rouges. Ça t’a donné envie d’aller manger du homard.
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On s’est choisi un petit resto vide près de la marina. Il pleuvait à boire debout. Trois vieux pêcheurs trinquaient au bar sans se parler. On a commandé et j’ai demandé au serveur de m’indiquer les toilettes. Je n’avais pas envie, mais on n’avait tellement rien à se dire.
Ça sentait mauvais dans la salle de bains; un push-push à senteur de fraise traînait sur le comptoir, j’en ai vaporisé plein la pièce. Quand je suis revenue à la table, le serveur avait déjà apporté nos plats. T’avais l’air complètement ridicule avec ta bavette de plastique à l’effigie d’un homard.
– Qu’est-ce tu fais avec ton couteau pis ta fourchette? C’est avec les doigts qu’on mange du homard!
– J’haïs ça me salir les mains, tu le sais.
Dans mon nez, trop de fragrances : ça puait le beurre à l’ail, les fruits de mer pas si frais, le jus de citron, la fraise chimique en aérosol. L’odeur d’un amour en décomposition. J’ai dit : m’a t’attendre dehors. T’as protesté : t’as presque rien mangé. Pis y pleut. J’ai répondu : ouain pis.
De retour au motel, tu m’as demandé : «Qu’est-ce qu’on fait maintenant?» sur le même ton qu’un gamin de huit ans qui est tanné de jouer avec ses G.I. Joe. «Je sais pas. L’amour?», que je t’ai répondu.
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On a baisé. À vrai dire, je t’ai fait une pipe et tu n’as pas été capable de te retenir. Tu m’es venu dans le visage. T’as dit je m’excuse. Je suis retournée me laver une deuxième fois.
J’ai essayé de me faire jouir avec la pomme de douche, mais je n’y suis pas arrivée. Parce que la seule image que j’avais en tête, c’était toi, devant ton homard bouillant, avec ta bavette dans le cou, armé de tes ustensiles : je veux pas me salir, que tu répétais.