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Rire à en perdre ses crocs

Par
Judith Lussier
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Ce texte est extrait du #30 spécial Humour | Présentement dans les kiosques

À regarder les revues en kiosque aujourd’hui, difficile de croire que le magazine humoristique ait véritablement existé au Québec. Pourtant, de 1979 à 1995, CROC frappait fort. CROC, c’était nos parents, mais en drôle : une gang de baby-boomers jeunes et fous, avec de la barbe et des lunettes surdimensionnées. Un peu comme nous.

Montréal, plein jour, quelque part à la fin des années 1980. Deux hommes en tutu détachent une femme de la voie ferrée. Intrigué par la scène, un homme à bicyclette manque un virage, dévale une côte, fonce dans un bosquet, puis, évitant de justesse les voitures, traverse une route à quatre voies avant d’atterrir bêtement sur le bitume.

On aurait pu croire que la scène était écrite, mais en fait, pas complètement. Les hommes en tutu, c’est Pierre Lebeau (Méo, dans Les Boys) et Jacques Hurtubise, le fondateur de la revue CROC. Ensemble, ils sont… Les Incompressibles, les super héros d’un photo-théâtre publié régulièrement dans CROC. Quant à l’étourdi qui a pris la débarque en vélo, s’il se reconnaît dans ces pages, Jacques Hurtubise s’en excuse : «On ne voulait faire de mal à personne.»

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C’est vrai. Durant toute son histoire, CROC, malgré ses dents, n’a jamais voulu être méchant. Ou si peu. Même dans les numéros «Spécial racisme» et «Gais». Leur slogan, «C’est pas parce qu’on rit que c’est drôle», voulait dire que, même si la situation était tragique, on pouvait en rire. C’est comme ça qu’on a réussi à faire un spécial Jean-Paul II en 1984, et à mettre un gâteau dans une valise d’auto pour célébrer les dix ans de la Crise d’octobre. CROC riait avec le monde. «On avait fait un spécial Handicapés. Les meilleures jokes venaient d’eux», se souvient Hélène Fleury, qui a partagé sa vie avec Jacques Hurtubise durant 27 ans, dont quinze à la barre du magazine.

«En quinze ans, il n’y a pas une journée où on n’a pas ri», se souvient celle qu’on appelait également Doberman Fleury parce qu’elle tenait tête à une bande de mecs. Pensez à votre mère, rajeunissez-la de 30 ans, mettez-la dans une combinaison d’aviateur, coiffez-la d’un casque d’Obélix et mettez-lui des cuissards en vinyle luisant ainsi que des talons hauts et vous avez un portrait juste d’Hélène Fleury dans les années 1980. «Ça n’avait pas de sens, de se présenter à l’imprimeur comme ça : il m’appelait madame!» commente Hélène, nostalgique.

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