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Le tour du monde en 2.0 secondes

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Ce texte est tiré du numéro #26 : Spécial Médias Sociaux

Notre éditeur trouvait qu’on ne couvrait pas assez «L’International», qu’on faisait dur comparé à Nightlife et sa rubrique «Meilleurs clubs à Calgary». C’est pourquoi on a décidé de créer une rubrique «À l’étranger». Avec des contenus étrangers et des collabos étrangers. Pour ce premier contact avec l’ailleurs, voici donc une dizaine de cartes postales sur les réseaux sociaux dans le monde, quelque part entre le Fäceböokasten et le Twitterbaïdjan.

Iran

Par Frédérick Lavoie

En Iran, les réseaux sociaux sont une arme de guerre. Faute d’accès aux grands médias, strictement contrôlés par le pouvoir, les opposants iraniens «gazouillent» leur stratégie de lutte contre le régime. Durant la vague de contestation qui a suivi la réélection frauduleuse du président Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009, «#Iranelection» a trôné au sommet des sujets les plus discutés sur Twitter durant plusieurs semaines. Les manifestations n’étaient pas pour la plupart organisées par des leaders désignés et reconnus, mais par des anonymes qui lançaient l’idée d’un rassemblement. De tweet en re-tweet, le mot d’ordre se passait. Au plus fort du mouvement à Téhéran, des centaines de milliers de personnes prenaient la rue en même temps, à l’endroit et l’heure désignés. Interdits de couvrir les événements ou carrément expulsés du pays, les médias étrangers, eux, s’abreuvaient des écrits, photos et vidéos mis en ligne par les manifestants et partagés sur les réseaux sociaux. L’arme est toutefois à double tranchant. Les ayatollahs et leurs sbires aussi sont branchés. En Iran, une demande d’amitié Facebook de la part d’un vague collègue peut devenir un dangereux dilemme?: nuire aux relations de travail ou s’exposer à une possible délation de nos activités alcoolisées anti-islamiques?

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Inde

Par Opale Lavigne

Ah India, incredible India! Les vaches sacrées et les jolis saris, les plages dorées, les épices, Krishna, et les bindis: mais si l’Inde a gardé sensiblement le même visage aux yeux de l’Occident depuis des années, elle ne s’est tout de même pas privée d’innover. Tout comme ici, Facebook, Twitter et les autres sites de réseautage font partie intégrante de la culture indienne: du moins dans les grandes villes et chez les castes hautes bien éduquées. Mais Orkut, équivalent de Facebook sous Google, dépasse largement son compétiteur en ce qui a trait aux utilisateurs en Inde. Il se trouve par ailleurs au centre d’une polémique relative à son utilisation très fréquente lors des heures de bureau (selon une enquête de BBC News, l’utilisation des sites de réseautage au travail par les Indiens fait baisser la productivité de 12,5% ). Idem pour Twitter et les autres plateformes qui sont utilisées par la population pour débattre du système des castes dans l’anonymat le plus complet et sans crainte de répression. Au cœur des nombreux petits villages, par contre, le temps s’est arrêté quelque part en chemin lors de l’avancée technologique indienne.

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Egypte

Par Rim Boukhssimi

Dans les grandes villes égyptiennes comme Le Caire, Alexandrie ou Gizeh, Facebook est devenu un incontournable de la vie d’une certaine classe sociale nantis. Il est utilisé avant tout comme outil de relation publique personnel dans une société du paraître qui potine à tour de bras. Les statuts et publications sont choisis avec soin, comme les photos où l’on veut être à son meilleur tout en respectant les convenances d’un pays certes branché, mais musulman pratiquant et encore très conventionnel. Avec 1,9 million d’utilisateurs, dont 60% ont moins de 25 ans, Facebook est une source inépuisable de ragots qui, selon les rumeurs flottant sur le Nil, donne lieu à plusieurs mésaventures. «Ce sont souvent des “amis” qui sont jaloux et qui envoient à vos parents des photos de vous avec votre petit ami ou en train de boire de l’alcool , explique Malak, jeune étudiante de 17 ans. La famille ne comprend pas et ça peut mal se passer.» Le Facebook à l’égyptienne se teinte alors de la couleur locale: ?on protège son profil au maximum, on n’accepte que les gens que l’on connaît, on crée de faux profils pour les parents et l’on garde en tête que l’on ne peut être libre que dans la discrétion, tout un défi sur le Web.

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Allemagne

Par Bodil Bösche

Même si Facebook est de plus en plus populaire en Allemagne, les Allemands préfèrent utiliser un de ses dérivés, StudiV (Studiverzeichnis), un espèce de registre des étudiants universitaires. Il existe aussi une version pour les étudiants du secondaire qui s’appelle SchülerVZ. On y trouve principalement des groupes et des photos. Fait intéressant, beaucoup d’Allemands — surtout les plus âgés — se méfient lorsque vient le temps de s’identifier et de donner leurs informations personnelles sur les réseaux sociaux. Ils utilisent donc beaucoup de pseudonymes (comme des noms de superhéros), à défaut de donner leur vrai nom, et portent des lunettes de soleil sur leur photo de profil, pour être difficilement identifiables.

Chine

Par Yifeng Song

En Chine, les réseaux sociaux sont un terrain fertile pour les dissidents, puisqu’ils peuvent y critiquer ouvertement le pouvoir. Pas étonnant que le gouvernement chinois ait bloqué l’accès en permanence aux réseaux sociaux Facebook et Twitter… Bien que plusieurs Chinois y accèdent quand même grâce aux logiciels de type Proxy, la plupart d’entre eux se tournent vers d’autres réseaux sociaux, «made in China» , qui connaissent à l’heure actuelle une croissance fulgurante. Au pays de Mao, le réseau social le plus populaire s’appelle 51.com. Plus de 14 millions de personnes le visitent chaque semaine. Pas loin derrière, on retrouve le site xionci.com, qui attire surtout la communauté universitaire. À l’image des «gentleman’s club», le site P1.com réunit en ligne une micro communauté exclusive et privée. Le seul moyen d’y accéder est d’être invité par un autre membre. Ce type de site est populaire notamment chez les expatriés qui vivent en Chine.

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Espagne

Par Paul A. Laroque

En Espagne, Facebook sert de lieu de rencontre et d’échange pour les gays: en gros, pour eux, c’est pour le cul! Mais, contrairement aux Québécois, ils utilisent des pseudos sur Facebook pour ne pas être retracés par leur famille ou leurs collègues de travail: Yingoso bear, Arabear Woof, Bear art, Bear Naro, Bear Wolf Martin , Luis Bear, etc. C’est que même si le pays est de plus en plus ouvert et moderne, il demeure encore très catholique et c’est ce qui explique en partie pourquoi ils ne s’affichent pas autant qu’à Montréal.

Pérou

Par Valérie Bilodeau

Au Pérou, la plupart des utilisateurs de réseaux sociaux sont de jeunes universitaires. Parmi eux, environ 60% utilisent Facebook et 40% lui préfèrent Hi5, un réseau social qui compte plus de 80 millions d’abonnés et qui maintient une forte position en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Ici, les gens se servent surtout des réseaux sociaux pour garder contact entre eux, se donner des nouvelles, échanger des photos, etc. Il ne s’agit pas encore d’un outil de mobilisation majeur. Il faut savoir que les téléphones intelligents, qui permettent de recevoir les courriels et les informations en direct, coûtent une fortune au Pérou. De manière générale, les gens ne possèdent pas d’ordinateur et doivent aller dans des cafés Internet pour consulter leur profil. À Lima particulièrement, lorsque le ?soir arrive, les cafés se remplissent de jeunes.

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Afrique de l’Est

Par Malorie Filon

L’Afrique des Grands Lacs est une région très mal desservie en matière de connexion Internet, puisqu’elle est éloignée des réseaux de fibre optique, qui longent la côte ouest africaine. Malgré tout, l’utilisation de Facebook est répandue auprès des citadins issus des classes moyennes ou élevées, qui bénéficient d’un accès Internet plus ou moins régulier. Quant à la majeure partie des campagnes africaines, elles sont encore loin d’être connectées: les priorités actuellement sont le développement et la protection des droits fondamentaux en termes de sécurité physique, économique, alimentaire, etc. En Afrique comme ailleurs, Facebook fait fureur puisqu’il permet une double affirmation identitaire: tantôt parce qu’il donne l’impression à ses utilisateurs de faire partie d’une grande famille planétaire , tantôt parce qu’il leur permet de mettre en scène leur individualité culturelle. Par contre, le succès similaire d’un espace comme Twitter sur le continent africain est difficilement envisageable dans un futur proche. Pour l’instant, trop de contraintes structurelles minent la vitesse et la régularité des accès Internet, pour que le concept d’information instantanée intéresse les utilisateurs.

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Québec

Par François Gariépy

Pendant ce temps, à Québec, les utilisateurs de Facebook cumulent les plaisirs en devenant adeptes de plusieurs groupes propres à la réalité de la ville du Maire Badabeaume. Outre les prévisibles groupes d’appui au retour des Nordiques dans la LNH ou à l’annihilation totale du Club de hockey Canadiens-et-ses idiots-de-partisans-intégristes-qui-connaissent-rien-au-hockey, il y a d’autres spécificités à «Québec la mystérieuse» sur Facebook. D’abord, des milliers de membres demandent que cesse la propagande de Jean-Marie de Koninck, qui vise l’interdiction complète de l’alcool au volant. Aussi, on s’accorde 22 fois plutôt qu’une pour dire que la meilleure poutine se concocte chez Ashton et nulle part ailleurs. On croit qu’un deuxième magasin Ikea devrait être construit dans le secteur, malgré la fermeture de l’autre, et que les duchesses du Carnaval doivent revenir au plus tabarnak. Enfin, on remarque que Jeff Fillion demeure un demi-dieu pour certains, et la pire enflure pour d’autres. Mais ce qui fait l’unanimité, bien avant le groupe fédérateur «C’est vendredi, on fait l’amour», créé par un gars de Charlesbourg, c’est l’incompréhension devant le groupe de sensibilisation aux aspirations nazies du Bonhomme Carnaval, une initiative d’une Torontoise probablement parente avec Karla Homolka…

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Costa Rica

Par Mirenda Ouellet

Même si le Costa Rica porte l’étiquette de «pays en voie de développement», la population fait très bon usage des médias sociaux. Les grands journaux nationaux, comme «The Tico Times» et la «Nacion», par exemple, sont très présents sur Twitter et Facebook (au Québec, seulement «La Presse», «Le Journal de Montréal» et «The Gazette» ont ouvert des comptes). Le 7 février 2010, on pouvait suivre les élections nationales sur Twitter. En quelques clics, on savait ce que faisaient les candidats Laura Chinchilla, Ótton Solis et Otto Guevara de leur journée électorale et on pouvait même visionner des extraits vidéo.

Émirats arabes unis

Par Marie-Noëlle Swiderski

À Dubaï, environ 80% de la population du pays est composée d’expatriés, qui vivent — pour la plupart — éloignés de leur famille et de leurs amis. Étant donné que Skype est interdit dans plusieurs zones de la région (pour des raisons qui demeurent encore nébuleuses), beaucoup d’entre eux se rabattent sur les réseaux sociaux, tels que Facebook et Twitter, pour rester en contact avec leurs êtres chers. Par ailleurs, les gens qui vivent à Dubaï et Abu Dhabi sont souvent des professionnels et sont donc excessivement absorbés par leur carrière. Plusieurs d’entre eux possèdent un compte Facebook pour des raisons professionnelles et non personnelles. Sur ce territoire, les expatriés tissent des liens très forts entre eux: les réseaux sociaux leur permettent de se retrouver pour mieux se regrouper, mais aussi de s’aider à trouver un nouvel emploi, déménager ou encore s’acheter une voiture. Aussi, il n’est pas rare de voir des expatriés — qui ont suivi leur conjoint par choix ou par obligation — rester à la maison et utiliser les réseaux sociaux pour gérer la vie sociale et mondaine de leur époux(se) ou celle de leurs enfants.

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