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Michèle Lemieux, seule utilisatrice d’écran d’épingles au monde

Par
Judith Lussier
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Créé dans les années 1930, l’écran d’épingles est probablement l’une des techniques les plus compliquées pour faire un film d’animation. C’est ça qui plaît à cette cinéaste de l’ONF.

C’est quoi, au juste, un écran d’épingles, et comment ça fait des films?
Le principe ressemble au bidule dans lequel vous enfoncez des épingles pour créer un relief, sauf que ce n’est pas les épingles, que l’on voit, mais l’ombre qu’elles projettent. Après avoir créé mon dessin avec les épingles, je prends une photo de l’ombre et je crée ainsi un film image par image.

Ça doit être extrêmement long!?
Oui. Mais le pire, c’est qu’on n’a aucun moyen de revenir en arrière. Il y a 240 000 épingles : si je veux refaire une image semblable et qu’une épingle est mal placée, ça paraît. On ne peut donc jamais insérer un plan. Si je me trompe, je dois être très créative pour réparer mes erreurs.

Vous ne pouvez pas tricher avec Photoshop?

Non! J’ai essayé, mais les résultats n’étaient pas concluants. Il y a quelque chose de trop parfait dans Photoshop qui m’empêche de reproduire les petites imperfections de l’écran d’épingles.

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Pourquoi aimez-vous utiliser cet instrument si compliqué?
C’est justement le procédé qui m’attire. En créativité, la technologie n’est pas toujours aidante. En fait, être complètement privée de la touche «undo», c’est extrêmement intéressant pour la création. On est obligé de faire avec ce qui se passe, on n’a pas totalement le contrôle. C’est un travail long et solitaire : j’ai mis plus de deux ans à réaliser mon film Le grand ailleurs et le petit ici. Et puis, c’est le seul écran opérationnel au monde!

Avez-vous senti une pression de l’adopter, pour qu’il survive?
Non. Quand mon prédécesseur, Jacques Drouin, a pris sa retraite, l’ONF et lui ont décidé de faire un atelier de passation. Ils ont invité une dizaine de cinéastes pour qu’on découvre cette technique afin d’assurer la relève. Moi j’ai eu un véritable coup de foudre.

Comment l’ONF est-elle devenue la seule détentrice d’un écran d’épingles fonctionnel?

Le cinéaste Norman McLaren l’a fait acheter par l’ONF en 1972, et on n’a pas cessé de l’utiliser depuis. Mais bientôt, je vais aller à Paris pour restaurer et remettre en marche un autre écran d’épingles.

Alors vous ne serez plus la seule au monde à posséder cette expertise. Est-ce que ça vous attriste?

Non. C’est important de garder ces instruments en vie. Sinon, ils meurent.

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