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Pierre Côté est spécial

Par
Tobie Bureau Huot
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Ce texte est tiré du magazine URBANIA #26 : Spécial Médias Sociaux.

Pierre Côté ne fait rien comme tout le monde. Réalisateur du premier Loft Story, il est aujourd’hui l’une des plus étranges (et fascinantes) bibitte des réseaux sociaux au Québec.

Au mois de novembre, il s’est lancé dans l’aventure Realtime Réalité, un show diffusé en direct sur le web. Le concept ? Lui, dans son studio maison ou en direct sur le terrain sur son iPhone, qui traite d’actualité en invitant le public à intervenir sur des plateformes comme Twitter ou Ustream. Quoiqu’avant-gardiste, l’émission a pourtant les défauts de ses qualités et suscite la controverse. Malgré tout, après le séisme, Pierre a réussi à envoyer 25 000 litres d’eau à Haïti en mobilisant les efforts de la communauté web. Un exploit qui lui a d’ailleurs valu l’attention de CNN, BBC News et du NY Times. À la demande de son créateur, réalisée devant les caméras live de Realtime Réalité.

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Pourquoi tenais-tu à diffuser notre entrevue live sur ton site ?
C’est une question de protection. Quand j’ai dit oui pour l’entrevue, j’ai accepté de te laisser entrer dans ma bulle. À partir de ce moment-là, j’ai pu le contrôle. C’est toi l’éditeur. À tes yeux, je suis de la viande.

C’est étrange pour un gars qui passe son temps à s’exposer sur le web, non ?
Non, parce que sur Internet, je suis mon propre média. C’est moi le metteur en scène. Je révèle seulement ce que je veux bien révéler. Je suis très sélectif dans ce que je communique, même sur Realtime Réalité.

Comment décrirais-tu ton rôle dans ton show pour le commun des mortels ?
Ma mission, c’est de divertir et d’informer le citoyen à travers plusieurs médias, tout en lui permettant d’apporter de l’eau au moulin sur ces différentes plateformes, que ce soient Twitter, Ustream, mon blogue, etc. Tout ça doit être fait avec le moins de mise en scène possible, pour aller chercher la vraie histoire et donner un autre point de vue que celui véhiculé par les médias traditionnels.

Certains trouvent que tu es un vent de fraîcheur dans le monde de l’information, mais plusieurs observateurs web te considèrent comme un excentrique. Qu’en penses-tu ?
Je veux pas me comparer aux frères Lumière parce que ça serait hyperprétentieux, mais je fais quand même un parallèle avec leur œuvre. Quand ils ont présenté leur film L’arrivée d’un train en gare, tout le monde est parti se cacher. En ce moment, c’est un peu la même chose qui m’arrive : j’exploite quelque chose d’inconnu, je prends des risques…

C’est pas la première fois que tu fais quelque chose qui sort de l’ordinaire. En 1995, tu étais un des premiers au Québec à faire de l’intégration commerciale avec le site CyberBlack, un webzine commandité par Black Label. Qu’est-ce qui t’y avait poussé ?
Je connais bien les médias et je sais que le monde de la pub tel qu’on le connaît survit simplement parce que tout le monde veut que ça survive, alors qu’en réalité, ça ne marche plus. La clé aujourd’hui, c’est l’intégration commerciale. On n’a qu’à regarder les marques les plus hot : Vans, Red Bull, Nike. Elles utilisent toutes l’intégration et c’était ma vision en 1995. À l’époque, j’avais bypassé tout le monde et je faisais en moyenne 100 000 $ par année !

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Si tu as de si bonnes idées, qu’est-ce qui explique que tu ne sois pas à la tête d’un méga empire aujourd’hui?
Pour y arriver, il faudrait que je sois capable de bien m’entourer et d’avoir un certain détachement… et je n’ai pas ces qualités. Moi j’ai été élevé dans le partage des connaissances avec le plus grand nombre, mais en business, c’est pas du tout ça ! Il y a plein de personnes qui m’appellent et qui s’intéressent à mes idées sans jamais vouloir m’engager.

Pourquoi tu t’acharnes dans un milieu qui ne te fait pas de cadeaux ?
Jusqu’à tout récemment, je ne me voyais pas ailleurs, mais, par hasard, avec Realtime Réalité, je me suis retrouvé dans une forme d’aide humanitaire, après le séisme en Haïti. J’ai réussi à parler directement à du vrai monde sur le terrain et faire bouger les choses. Depuis, j’ai les mains dans des dossiers internationaux, comme le pétrole, les scandales financiers, Wyclef Jean… Grâce à certains informateurs anonymes, je me retrouve à dire des choses que les plus faibles ne sont pas capables de dire eux-mêmes.

Le pétrole, les scandales financiers, la corruption… On s’entend que c’est des gros dossiers. Ça ne te fait pas peur de t’embarquer là-dedans ?
Non, parce que ce n’est pas ma volonté. C’est celle d’une puissance supérieure et je ne suis là que pour accomplir cette volonté.

La volonté de Dieu ?
Pour moi, cette puissance n’a pas de barbe ou quoi que ce soit. C’est plutôt l’amalgame de tous les événements de l’humanité qui s’imbriquent ensemble et que tu ne peux pas contrôler.

OK. En voulant divertir, informer, t’impliquer pour Haïti tout en utilisant le plus de plateformes possible, tu penses pas que ton mandat devient un peu flou ?
On ne peut pas dire que j’ai un « mandat ». La seule chose que je revendique c’est moi comme créateur. Pour moi c’est de l’art. Je peins aussi et mes toiles font partie de ce principe de transmédia. Je veux faire ce qui me fait du bien, en espérant que ça fasse du bien aux autres. Prends pour exemple Thom Yorke : pour lui, créer, ce n’est pas un choix. Kurt Cobain, c’était pas un choix, Nelly Arcan non plus. Je ne me compare pas à eux mais dans l’essence même de ce qu’on fait, personne d’autre ne l’a fait avant.

Tu me parles de Nelly Arcan, Kurt Cobain, deux artistes qui se sont enlevé la vie. As-tu aussi des pensées suicidaires ?
Moi, cet été, j’avais deux choix : mourir ou vivre, et j’ai été ambivalent pendant des mois. Le soir où Nelly Arcan s’est suicidée, ça faisait quatre jours que j’étais dans un hôtel-motel à Québec et que j’étais incapable de revenir à Montréal. Finalement, j’ai réalisé que je n’étais pas encore allé au bout de ma démarche d’être humain et de créateur, et ça a été Realtime Réalité, un moteur de création et de changement. Depuis ça, j’ai repris goût à la vie.

En terminant, Pierre, à quand la fin des médias traditionnels ?
Pas de notre vivant. Les enjeux sont trop importants et les gens ont trop peur. Les hauts dirigeants de l’industrie transmettent leur résistance au changement. Si enfin on se levait tous en même temps et qu’on décidait de décrocher, ils seraient dans la merde. Après tout, c’est nous autres, les créateurs.

www.realtimerealite.com

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