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Pierre-Léon Lalonde, chauffeur de taxi et blogueur

Par
Mélissa Verreault
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Le soir tombé, Pierre-Léon Lalonde, l’homme au volant du blogue Un taxi la nuit, embarque dans sa Malibu et navigue sur les boulevards de la métropole à la recherche de passagers, de mots, d’images. Montréal, ses ruelles et ses détours, ses citadins et ses gratte-ciels, il les connaît par coeur. Tour de ville avec le taximan-polygraphe.

Quel quartier habites-tu?

J’habite le même appartement dans Petite-Bourgogne depuis 20 ans. Juste devant chez moi, il y avait autrefois les voies de triage du C.P. À cette époque, le quartier était habité par les Noirs qui portaient les bagages à la gare Windsor et ceux qui travaillaient sur les chemins de fer. C’est aussi le quartier des Oliver Jones et des Oscar Petterson. En tendant bien l’oreille, on entend le jazz qui se jouait autrefois dans les clubs clandestins de la rue Notre-Dame…

Existe-t-il deux villes Montréal de nuit et Montréal de jour?

La nuit, Montréal s’allume et allume : à trois heures du mat, quand les bars se vident, une superbe chorégraphie s’installe. Les putes, les clochards, les polices, les fast foods… C’est l’apothéose. Tout peut arriver. De tout temps, je crois que cette intersection tient du mythe. Faut dire que dans une ancienne vie, j’ai passé pas mal de soirées arrosées dans ce coin…

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Et dans ce Montréal où tout est possible, qu’est-ce qui t’exaspère le plus?

Par-dessus tout, ce sont ceux qui vident leurs cendriers dans la rue, qui jettent leurs déchets dans les ruelles, qui ne se rendent pas compte qu’ils vivent en communauté, qui m’horripilent. Cependant, les Montréalais ne sont pas nécessairement aussi individualistes qu’on le dit. C’est peut-être juste qu’à force de côtoyer de l’humain en concentré, ils éprouvent davantage le besoin de se replier sur eux-mêmes le soir venu. Question d’équilibre. Évidemment, étant sur la route, je serais aussi porté à parler du manque de courtoisie et de l’attitude sauvage de certains conducteurs, mais je ne suis pas sans tache dans ce dossier!

Quand tu embarques un client, peux-tu deviner facilement de quel quartier il vient?

Il y a 15 ans, quand j’ai commencé, oui, mais aujourd’hui, avec la gentrification qui sévit, c’est moins évident. À Saint-Henri, par exemple, un quartier qui a presque toujours été ouvrier et assez pauvre, les constructions de condos le long du canal Lachine pullulent et la clientèle est de plus en plus hétéroclite.

Vivrais-tu ailleurs qu’à Montréal?

J’crois pas. J’aime vraiment ma ville. J’ai besoin du bruit de fond de la cité dans mes oreilles, de pouvoir me fondre dans l’anonymat de la foule, de côtoyer des plus fuckés que moi pour me grounder. J’ai aussi besoin de la ville comme théâtre pour mes écrits. Plus que tout, j’aime rouler sur les artères de Montréal et entendre son coeur battre…

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