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Samedi soir passé, combat de George St-Pierre, je vais aux toilettes après la décision supposément controversée des juges.
(Aviez-vous lu le 55e épisode?: J’avais des plans pour cette voiture-là)
Mon voisin d’urinoir me dit :
« C’est un vrai vol!
– Tu prenais pour Hendricks?
– Non, mais je me sens mal du verdict »
(C’est connu, nous les gars, on parle souvent à des inconnus quand on fait pipi dans les bars.)
Je ne suis pas vraiment d’accord avec ce qu’il me dit et ça m’outre un peu d’entendre qu’un Québécois aurait préféré que GSP perde le combat. Si la décision pouvait aller d’un bord où de l’autre, je préfère de loin qu’elle soit allée du nôtre. À ce que je sache, les juges n’étaient pas Québécois, alors on peut présumer qu’ils étaient impartiaux. Il ne faut pas uniquement se fier à la face de George, il a l’air de faire des bleus facilement.
« Pour battre le champion, il faut que ce soit sans équivoque. » Disent les gens qui connaissent ça plus que moi.
J’ai peut-être une acuité visuelle hors du commun (malgré ma forte myopie), mais je crois bien pouvoir affirmer que j’ai bel et bien vu une équivoque pendant le combat. C’était assez serré et dans un combat serré, le champion en titre est toujours favorisé. C’est ce que je comprends de l’histoire.
De surcroît, le lendemain, on apprend que Hendricks souffre d’une sévère blessure au genou qui le tiendra à l’écart du combat pendant six mois alors que St-Pierre serait en mesure de remonter dans l’octogone dans un mois et demi.
C’est ce qu’on appelle une équivoque après combat.
Bravo George!
En parlant d’équivoque, il n’y a aucun doute que plus je vieillis, plus je sais apprécier le chaos. Au moment où j’écris ce texte, je suis au café du Marché Jean-Talon. Quelqu’un que je n’ai pas remarqué est assis derrière moi. Il se met soudainement à émettre un long et fort râlement, un peu comme le dernier soupir d’un mourant, mais en plus exprès. Je me retourne et je m’attends à voir une vieille dame en difficulté ou à confronter un hurluberlu, mais au lieu de cela, je vois un homme dans la quarantaine avec de légers troubles moteurs s’excuser de la main. Ce n’était peut-être pas par exprès finalement. Néanmoins, s’il n’avait pas fait de bruit, il serait passé inaperçu.
Peu de temps après, mon voisin immédiat se met à siffler. Dans notre société, c’est un peu inhabituel de faire un bruit que tout le monde peut entendre, et ce, volontairement.
On nous dit depuis que nous sommes tout petit qu’il ne faut pas, sous aucun prétexte, déranger les autres et cet après-midi, je suis entouré de bruiteurs.
Peut-être que quelqu’un plus loin va dire au siffleur qu’il siffle bien. Du moins, il y a plus de chance qu’il suscite une réaction en sifflant qu’en ne faisant rien.
Personne ne va voir les gens qui ne font rien pour leur dire :
« Scusez moi, je veux juste vous dire que vous faites vraiment bien rien. »
Peut-être aussi qu’on lui dira de fermer sa gueule, car il dérangera quelqu’un d’autre. On ne sait jamais comment on va toucher les gens par ce que l’on fait à l’avance.
Il est parti en sifflotant et je le mentionne dans mon texte. S’il n’avait pas fait de bruit, il aurait été plus vite oublié.
Même si souvent on préfère éviter les interactions avec des gens qui peuvent sembler hors norme, je me demande bien qu’est-ce que ça peut bien nous apporter de toujours être dans le rang, de ne pas faire de bruit. Pourquoi sommes-nous tant obsédés par l’idée de ne pas déranger les autres et de garder profil bas? Nos interactions sont presque entièrement régies par un ensemble de formalités et de conventions qui nous gardent à distance les un des autres. Tout devient attendu, prévu, confortable.
« S’il vous plaît, excusez-moi, merci. »
Qu’ont en commun toutes les personnes que l’on admire et les grands champions comme GSP? Que ce soit des intellectuels, des références spirituelles, des politiciens ou des athlètes de haut niveau, nous admirons ces gens-là, car ils font du bruit. Ils ne nous laissent pas indifférents, ils ne se fondent pas dans le décor.
Certes, on ne peut pas plaire à tout le monde et être admiré de tous. Faire du bruit nous met en contact avec l’amour autant que la haine, mais je crois qu’au final il risque de nous arriver de plus grandes choses dans la vie, si l’on fait du bruit que si on se suit toujours en ligne comme des moutons.
« Plaire a tout le monde, c’est plaire à n’importe qui. » -Sacha Guitry
Tout ça pour dire que de plus en plus, j’aime être dérangé et j’espère un jour être en mesure de vous déranger positivement, et ce, même si je suis aux urinoirs.