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Méta snob à Granby

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Je le dis sans amertume et sans fausse modestie : je ne suis à peu près personne, qu’un nom imprimé et difficile à épeler. Mais j’ose tout de même imposer ici, puisque cela m’est permis, cette petite tranche de vie.
Quel âge avais-je? 21 ou 22 ans. C’était en 92 ou en 93. Extrêmement montréalais, déjà Méta snob et assumé, cherchant la vérité à travers l’authenticité rurale, je découvrais notre belle province à bicyclette, en compagnie de mon amoureuse de l’époque (je ne l’appellerai pas Brigitte puisque c’est son nom!) Nous avons passé ensemble durant ce périple en vélo une nuit à Granby dans un motel extraordinairement cheap. Ne sachant trop que faire le soir venu, sinon regarder les émissions du réseau communautaire à la télévision, dormir ou faire semblant d’être dynamique dans un lit à ressorts qui fait du bruit, juste pour faire chier les voisins, nous sommes allés tâter le terrain chez Burger King et au cinéma multiplexe (c’est-à-dire cinq écrans, des combos de pop-corn et une salle «d’amusement») d’un centre commercial froid et laid qui m’a tout de suite rappelé le Mall de Dawn of the Dead, sans les hordes de morts-vivants (malheureusement.)
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Le lendemain, encore épuisés par ce sprint à pédales, rassemblant nos forces pour nous rendre au lac Massawippi, quelque part dans un chalet de bois rond entre Ayer’s Cliff et North Hatley, nous-nous sommes sustentés à la terrasse ensoleillée d’un Dunkin’ Donuts, face à l’une des rues principales de Granby. À notre grand étonnement, des gens s’assemblaient aux abords des trottoirs, des petites familles, enfants, parents et vieillards. Certains avaient apporté leur chaise et leur parasol. Quelque chose comme un évènement important allait se produire : une manif, une parade de drags, la fanfare des pompiers, nous ne savions quoi. Non, il s’agissait d’un DÉFILÉ DE REMORQUEUSES.
Vous avez bien lu : UN DÉFILÉ DE REMORQUEUSES. Une succession de TOWINGS, applaudie par la foule émue comme devant un spectacle du Cirque du soleil. Des GROS TRUCKS, tous huilés, cirés certains décorés, d’autres dans toute leur métallique nudité, chaleureusement accueillis ou critiqués l’un après l’autre dans ce qui m’a semblé être une parade de mode, la rue servant de catwalk à des machines automobiles. Je n’ai pas envie de faire mille recherches Google pour en apprendre davantage sur ce curieux évènement qu’est LE DÉFILÉ DE REMORQUEUSES de Granby. Ça n’existe peut-être plus. Quelle importance? Je garde cette expérience bizarre tout proche de mon cœur, pour des raisons très personnelles, cette chronique n’étant pas une rubrique touristique. J’étais à la bonne place, au bon moment. L’un de ces magnifiques « moments absurdes » dont parlaient Bunuel et Dali…
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