Les invités composaient la pire coterie de la planète : des blasés qui avaient tout vu, tout bu, tout vomi et qu’aucune nourriture n’impressionnait plus. Ces ultra-riches possédaient des œuvres de la Renaissance, des montres fabriquées à la main, des voitures plaquées or, des vêtements cousus sur leur peau. Bono leur chantait la sérénade à leur anniversaire. Jacques Villeneuve leur servait de chauffeur pour ne pas arriver en retard à l’aéroport.
Le miracle se produisit en février 2008, grâce à une fuite qui permit à Schmieder de lire un communiqué de presse en avant-première. Celui-ci annonçait que la Polaroid Corporation cessait définitivement la commercialisation de ses films instantanés, deux ans après avoir mis un terme à sa production d’appareils. Les usines du Massachusetts, du Mexique et des Pays-Bas avaient remercié leurs employés. Le numérique signait leur arrêt de mort.
Le concept de Schmieder tenait en deux mots : rareté = luxe. Plus c’est cher, superficiel et recherché, plus on rêve d’y accéder. En ajoutant une dimension artistique à l’événement, il allait créer le hip que tout le monde voudrait connaître une fois dans son existence.
La fête prévue après les photos dépasserait tout en termes d’excès. Les nantis allaient se vautrer dans un délire sans nom, dès qu’ils posséderaient enfin quelque chose d’exceptionnel leur appartenant, les définissant, les représentant.
Après avoir accédé au luxe de la rareté, ils pourraient enfin s’adonner à celui de l’abondance.
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Photo: Sarah Marcotte-Boislard