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La ville de Londres a émis une directive peu banale, hier.
Elle a demandé à la compagnie qui gère les poubelles publiques dans la capitale britannique d’arrêter, s’il vous plaît, de scanner les téléphones cellulaires de tout le monde qui passait à côté d’une de leurs nouvelles poubelles fancy.
Ah, ça oui, elles étaient jolies, les nouvelles poubelles. Elles avaient un beau design, un bac à recyclage intégré et des écrans pour montrer de la pub. Mais elles avaient aussi une antenne, et si par hasard un cellulaire s’en approchait un peu : hop, la poubelle notait le code de l’appareil, et envoyait ça dans une belle base de données. J’imagine que le plan, c’était de faire des rapports sur les habitudes de marche des gens, éventuellement pour afficher des pubs personnalisées. Tiens, 05:34:35:4A:28:B8 va souvent au Sports Experts : on va lui montrer les beaux spéciaux qu’il y a chez Foot Locker, ça va l’intéresser.
Et personne ne s’est demandé si ce n’était pas un peu louche.
De ce côté-ci de l’Atlantique, on a appris le mois passé que la National Security Agency américaine avait fait, depuis quelques années, des petits deals avec quelques compagnies de télécom.
L’objectif : empêcher un nouveau 11 septembre.
OK, j’aime pas ça des terroristes en avion moi non plus; c’est noble, j’embarque.
La méthode : se brancher directement dans les serveurs des compagnies, pas en temps réel mais presque, et copier tout ce qui se dit via Google, Facebook, Yahoo, Skype, Apple, et une couple d’autres. Pour tout le monde. Et, tant qu’à y être, les infos sur tous les appels téléphoniques faits aux États-Unis. Et en Grande-Bretagne. Et on sait pas trop où d’autre.
OK, non.
On n’en a pas parlé beaucoup ici, c’est sorti à peu près en même temps que Mégantic, c’pas d’adon. Mais pensez-y une seconde et quart : le gouvernement américain a en sa possession les emails où vous chialez contre votre boss, les fois où vous avez commandé du weed à votre ami-dealer sur Facebook, les photos cochonnes que vous avez envoyé par iMessage à la fille que vous voyez on the side.
Et ça va loin. L’autre jour, un couple de New York a reçu de la belle visite chez eux : une escouade anti-terroriste a sonné à leur porte.
La raison est fort simple : pendant que madame googlait des infos sur des autocuiseurs, monsieur faisait des recherches sur différents modèles de sacs à dos. On se souviendra que les attentats du marathon de Boston ont été commis avec des bombes placées dans des cocottes-minutes, transportées dans des sacs à dos.
Alors quand des recherches pour les deux items viennent du même point, un flag se lève, et la police vient vous faire un petit bonjour.
Pendant ce temps, ici, on se demande encore si la police surveille les profils Facebook des manifestants, agitateurs, grandes gueules et militants de toutes les franges un peu à gauche de QS.
Et si je n’ai pas envie que Gros Frère sache ce que je fais avec ma connexion internet, je n’ai pas beaucoup de choix. Heureusement, je suis assez calé pour connaître l’existence de programmes comme TOR, qui permet de naviguer sur internet dans un anonymat presque complet.
Le gros problème, c’est que l’anonymat de TOR est assez solide pour ouvrir la porte à toutes sortes de dérives. C’est là, réellement, que se trouve le far-web. Les ruelles sombres de l’internet. Si tu connais les bonnes adresses, il n’y a rien que tu ne peux pas trouver.
Rien.
La première fois que je me suis ramassé là, j’ai eu la chienne.
Je n’ai pas envie d’être confronté à des gens qui vendent des armes (des fusils aux grenades) et toutes les drogues du monde (du weed québécois à l’opium afghan), ni de frayer sur le même réseau que des pédos et des gens qui vendent des assassinats à la pièce (pas des snuff movies, là, des « je bute qui tu veux pour cinquante mille piastres »), juste parce que j’ai envie d’organiser une manifestation pour les droits des cyclistes sans me faire pogner par l’escouade anti-émeutes. (Et non, vous n’aurez pas les liens.)
En criminalisant, ou en donnant l’apparence de criminaliser les gens qui ont un discours contestataire, en faisant fi de la vie privée des citoyens du monde entier, les gouvernements se retrouvent de plus en plus face à une partie de la population qui, voulant simplement sauvegarder ses droits constitutionnels et rester à l’abri de la surveillance de l’État, se voit forcée de côtoyer les pires éléments antisociaux qu’il peut exister.
Je n’ai pas envie de partager mon fournisseur de courriel avec les FARC, les réseaux de prostitution juvénile thaïlandais ou les Hells, mais si c’est le seul endroit où je peux être relativement certain que l’État ne viendra pas fouiller au cas où je ne serais pas en train de parler contre Harper ou de préparer une mobilisation contre P-6, c’est malheureusement la seule chose qui me reste.
À ce que je sache, la dissension est toujours légale, et la vie privée aussi. Mais plus on la surveille, plus elle creuse sous terre. Et plus elle fraye avec les vraies horreurs.
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