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Les choses que vous faites au bureau

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Maintenant que les élections sont terminées, on peut passer à des sujets qui peuvent véritablement changer la société dans laquelle on vit. Des sujets comme l’organisation du travail et l’urbanisation. Les deux enjeux sont particulièrement passés inaperçus la semaine dernière, alors que les gens qui se plaignaient du prix du gaz ont eu droit à leurs 15 minutes de temps d’antenne au Téléjournal. Pourtant, c’est pas le prix du gaz, le problème. C’est l’organisation du travail et l’urbanisation.

Le prix du gaz, si ça se trouve, c’est la solution. Les gens sont de même. Ils ne se posent pas vraiment de questions quand Hubert Reeves leur dit que le réchauffement de la planète, c’est vrai en ta. Ils s’en posent quand le prix du gaz monte. Là, ils remettent tout en question. Leur gros VUS, leur bungalow en banlieue, la job qui leur enlève le goût de vivre, tout. Bon, ce qu’ils veulent changer d’abord, c’est le prix du gaz, parce que, vu que ce n’est pas de leur ressort, étrangement, ça leur paraît moins compliqué à changer, mais quand même, on peut dire que leur réflexion s’amorce au moins à ce moment où le prix du gaz augmente.

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Quand c’est arrivé la semaine dernière, la hausse du prix du gaz, j’ai fait une blague sur les réseaux sociaux. J’ai dit «Ok, revenez-en du prix de l’essence et travaillez de la maison, comme toute personne sensée!» C’était une blague évidemment. Je SAIS que tout le monde ne peut pas travailler de la maison, là, fouttez-moi la paix avec vos exemples de situations bien précises où c’est, évidemment, complètement impossible de travailler de la maison, je ne suis pas si déconnectée que ça. Eh bien, croyez-le ou non, y a des gens, un peu culpabilisants, qui m’ont répondu que c’était pas possible, pour eux, de travailler de la maison.

Je comprends que le second degré puisse échapper à certains. À la limite, je peux prendre la maladresse sur mes épaules. Un second degré mal saisi, c’est un second degré mal émis, je suppose. Mais derrière du mauvais second degré, il y a toujours l’envie de provoquer au moins une petite réflexion. Et si on remettait en question le fait de rouler 1h le matin et 1h le soir pour se rendre au travail, comme on le fait depuis que la voiture existe? Ça coûte cher en infrastructures, ça crée des bouchons, ça vous enlève deux heures de votre vie par jour, ça vous stresse avant d’arriver au bureau parce que vous passez une heure dans la circulation, ça vous stresse avant de retrouver votre famille le soir, ça pollue, ça pue, c’est contreproductif, ça vous coûte cher, et c’est même pas parce que ça vous permet de flasher. Le seul vrai avantage d’être dans la circulation, c’est René Homier-Roy.

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Pour de vrai, comme société, je pense qu’on peut se pencher sur la possibilité de permettre à plus de travailleurs d’accomplir leurs tâches à partir de la maison. C’est pas comme s’il fallait communiquer par pigeon voyageur : tout est en place pour qu’on puisse augmenter notre productivité tout en sauvant un peu la planète.

Le pire argument qu’on m’ait servi, à cet effet, c’est «oui mais beaucoup d’entreprises ne sont pas favorables au télétravail, car elles n’ont plus le contrôle sur le temps de travail des employés», l’équivalent corporatif de «ma mère à veut pas». Quand j’étais petite, ma mère nous apprenait à la convaincre du bienfondé de nos requêtes. Ainsi, au lieu de dire à nos amis «ma mère à veut pas», on pouvait leur dire «ma mère à veut à condition qu’on se couche tôt parce qu’il y a de l’école demain pis faut qu’on soit en forme, meuh». Plutôt que de faire dans l’apitoiement, je préfère donc faire dans l’éducation.

Car il n’y a rien de plus faux que de croire que les travailleurs qu’on laisse à eux-mêmes à la maison se pognent le beigne. S’ils le font chez eux, c’est qu’ils le font dans l’entreprise aussi, le problème n’étant pas le télétravail, mais le manque de leadership. En fait, des études démontrent que les salariés à qui on permet de travailler de la maison sont tellement heureux d’avoir ce privilège qu’ils feront tout pour le conserver, notamment en augmentant leur productivité.

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Mais puisqu’on colporte encore des énormités au sujet du travail à la maison, comme le mythe selon lequel on perd notre temps
en faisant du lavage
, j’ai aussi pensé procéder par l’argument miroir. Voici donc tout ce que vous faites qui n’est pas du travail lorsque vous êtes au bureau : vous remettre du stress engendré par votre heure dans le trafic, regarder des sites web d’emplois parce que le vôtre vous fait saigner du cœur, endurer le récit de la fin de semaine de votre voisin de bureau, potiner autour de la machine à café, stresser au sujet de votre lavage qui n’est pas fait, prendre une heure et demie de lunch parce qu’un collègue a eu l’idée d’aller chez Score’s, bouquer votre prochain voyage dans le sud, chater avec un autre collègue qui s’emmerde sur Facebook, faire semblant de travailler de 15h à 17h parce que partir à 15h, ça fait que le monde vous regarde croche, angoisser au sujet de votre pli de ventre parce qu’avec votre emploi de 9 à 5 plus deux heures dans le trafic, vous n’avez pas le temps de vous entraîner, Skyper avec votre chien parce qu’il pleure lorsqu’il est seul à la maison, cogner des clous devant votre écran lors de votre coup de barre quotidien, respirer dans un sac de papier à l’idée de retourner dans le trafic pour aller chercher les enfants avant 17h30.

À mon avis, il y a peut-être quelques aspects de cette organisation du travail qui vaudraient la peine d’être remis en question.

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Merci de ne pas m’écrire pour me dire que vous, vous avez le temps de vous entraîner, même si vous travaillez de 9 à 5.


PS. Une publicité de Tomtom a été utilisée pour illustrer ce billet, mais ça ne veut pas dire que je crois que le GPS soit la solution.

Lisez @JudithLussier sur Twitter.

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