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T’es rentré chenous comme un vent frette à très exactement 22h29 c’te nuit. Un peu ivre, tu t’es glissé dans mes couvertures de soie (que je vais devoir remplacer pour d’autres en laine, à cause ou grâce à toi.)
C’est plus par convention astronomique que météorologique, mais l’automne commence officiellement drette-là-tu-suite-aujourd’hui. Moi je l’ai vu venir. Je le voyais se pointer le bout du nez rouge-sinusite depuis quelques jours déjà. Avec son soleil qui tousse ses derniers rayons pas mal plus tôt qu’à l’habitude. Avec Dame Nature qui se gâte tranquillement sur les filtres Instagram. Avec le temps qui est à la pluie même les jours fériés. Avec les 8 à 5 qui débutent et terminent dans la pénombre.
Je l’ai senti arriver, aussi, le premier matin où j’ai regretté d’avoir laissé la porte du balcon ouverte. Ou le premier soir où je me suis fait éclabousser par un bus à un coin de la rue, pis que j’suis rentré les narines collées dans mon appartement dont l’appréciation est tellement renouvelée.
C’est dans le froid d’automne que le concept «d’habitation» reprend tout son sens. Qu’il retrouve son caractère originel; celui de l’abri. Du chez-soi. L’été, on l’abandonne un peu. On est plus volatile pis on s’en fout. On couche n’importe où. On part en vacances. Notre chez-soi, c’est juste une place où on dort un peu plus souvent qu’à l’habitude. Si notre appart était pas là, au pire, on dormirait dehors. Sous un ciel cinq étoiles. Mais là, l’automne, ça redevient un refuge.
C’est pour ça que c’est la saison la plus propice à l’isolement. Terminé, l’effervescence frivole de l’été. Fini de courailler partout. Tout le monde rentre chez eux.
Mais moi, ça me va. Parce que j’aime ça être cloîtré chez nous. Parce que, t’sais, ça a ses vertus, l’automne. Surtout pour les comme moi de la grande académie des gens plates.
J’ai beaucoup d’amis et j’aime vraiment ça vous voir (juré). Sauf que peu importe le degré de fun que je vais avoir dans une soirée, je suis incapable d’éteindre cette petite voix dans ma tête qui me chuchote : «omg kév tu pourrais être sur ton divan à écouter la saison 3 de Girls avec pas de pantalon».
Vous le devinerez, j’ai pas le livin la vida loca facile.
Heureusement, l’automne avec ses soirées pluvieuses justifie un peu mon culte pour le huis clos. C’est dans cette saison que deviennent socialement acceptables le tuseul, le rienfaire et les casse-tête (pas besoin d’italique pour ce mot-ci).
Vous savez ce vieil adage qui recommande de «vivre sa vie à 100 à l’heure»? Ben je l’applique pas full. Je dirais qu’en moyenne, je dois ben vivre à 60 km/h. Et qu’à l’automne, ça ralentit même jusqu’à 40.
Je me rends tranquillement à l’effroyable évidence : je suis plate. J’ADORE ça voir du monde (même l’automne). Sauf que vous avez pas idée à quel point je suis content quand l’un de vous annule à la dernière minute pis que je peux rester chenous à entrer des mots au hasard dans Antidote pis vérifier s’ils sont anagrammatiques.
Saviez-vous ça, vous ôtes, que «lucioles» et «couilles» sont des anagrammes?
Ce penchant pour le huis clos n’est certainement pas la plus saine des habitudes, j’en conviens. Mais je pense que l’automne, c’est justifiable. Ça sert à ça. Surtout pour les angoissés comme moi qui ne s’épanouissent pas d’interactions sociales. Ça veut-tu dire que je mène pas une vie active? Non. C’est simplement que je ne fais pas partie du club Bienvenue dans la vie Bud Light qui va se titiller jusqu’à temps que le soleil se lève. Que je n’y vois pas l’intérêt. Que j’aime plus les dimanches que les vendredis.
C’est la saison pour être plate, pis pour recharger ses batteries un peu, seul et dans le froid. Remarquez que le corps humain dégage à lui seul environ 100 watts. C’est pas tout à fait suffisant pour un trois et demi, mais mathématiquement, mettez ça à 200 pis je trouve ça suffisant, comme degré calorifique.
Illustration : Jean-Pier Fortin