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Mourir pour sauver cinq piasses

Joyeux Black Friday!

Par
Catherine Ethier
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Aujourd’hui n’est pas jour comme les autres. C’est une journée spéciale. Comme le jour des frites.

Aujourd’hui, 29 novembre 2013, j’ai envie de me juquer au sommet de la croix du Mont-Royal pour me désouffler le poitrail en vous souhaitant, chers citoyens du monde, un sapristi, que dis-je, un cristi de bon Black Friday.

T’sais, profitez-en donc comme faut. ABANDONNEZ-VOUS.

Allez-y pas de brassière.

Pour ceux pour qui la fête païenne sonnerait creux comme un jour sans pain, Black Friday, c’est le vendredi qui suit le jeudi béni de l’Action de grâce chez les Américains. Un genre de boxing day où tout le monde vire coucou. Mais COUCOU. En fait, l’Action de grâce, c’est pas tant une réunion de famille où le bon monde se rassemble pour se flatter le dos en se chuchotant qu’ils s’aiment et qu’ils sont donc chanceux de s’avoir pis de porter des lainages.

L’Action de grâce, c’est plutôt ce faste buffet de volaille où la parenté est une petite affaire nerveuse, parce que ça pourrait bien être leur dernier r’pas. Absolument. Ne quitte pas ballonné la table du Thanksgiving celui qui a suçoté trop de pouding au pain. Les borborygmes, ils sont nourris par la peur. La peur de pas se rendre aux boîtes de tévés, le lendemain matin.

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Parce qu’au lever du soleil, ce sera la guerre.
Ce beau matin annuel où le brave citoyen moyen enfilera son ti-corps, se craquera les jointures et se trempera à peine les lèvres dans son café instant parce que l’heure est grave: faut courir acheter des affaires au prix du gros, crier comme des pardus, se stuffer ler coat de DVDs et, accessoirement, perdre la vie. Perdre la vie pour une tévé meilleur marché. C’est de même. C’est aussi important que d’aller sauver le chat dans le bungalow en feu quand Richard Latendresse t’enligne avec son kodak.

Chaque année, on semble oublier l’an dernier. La frayeur. Les plaies ouvertes. La grosse bonne femme qui a pas hésité à sacrer une grannie à terre pour sauver cinq piasses sur une robe de chambre en ratine. De la ratine de luxe. BEN ÉPAISSE. Tu serais ben fou de pas faire une clé de bras à cette octogénaire qui, anéwé, lèvera bientôt les pattes. Autant que ça se fasse tusuite.

Depuis 2006, les chiffres sont tant élégants que formels; Black Friday, c’est une bonne idée: 67 blessés, 4 morts and counting.

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QUATRE MORTS.
Dont cet employé du Walmart qui, en 2008, a perdu respire et vie en ouvrant les portes du magasin pour que le bon peuple qui kerissait des coups de poing dans la vitrine puisse retrouver le goût de vivre en renflouant son stock de Pot of gold pour pas cher. Piétiné pour la postérité.

Black Friday, c’est vivre dans l’annonce de Pandora. Même si ça vous dit rien, vous l’avez entendue. Elle a fait son chemin: « Saisissez les moments inoubliables de la vie avec des breloques Pandora. »

*Jamais rien entendu d’aussi bien formulé. Serrement de poitrine*

Shite. Saisis-je les moments inoubliables de la vie si j’ai pas de Pandora? J’ai ben l’impression que non. L’arythmie me gagne. La voix de la narratrice franco-ontarienne est sans appel : ÇA PREND DES BRELOQUES.

Pas de bracelet – PIS Y’EST BEAU QUELQUE CHOSE DE RARE – je vaux pas mieux que morte.

Autant aller me faire marcher dans le visage par du monde en pieds de bas dans leurs sandales Merrel sur la track #1 du dernier album d’Éric Lapointe, «Donnez-moé du gaz». Du monde qui ont des objectifs. Qui sont pas nés pour un petit pain.

Sauf si ledit petit pain est en vente. Là, t’es mieux de te tasser.

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La bise. Et de grâce, faites prudents.

Ps tendresse ::
« Voulez-vous que ça brasse, donnez-moé du gaaaaaz, hey, hey, HEY HEY ! »