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Depuis près de 10 ans, la presse occidentale découvre que les échantillonneurs se sont aussi rendus à Rio de Janeiro et Soweto. Après la grande popularité du kuduro angolais dans les clubs de Port-au-Prince, le premier genre de musique électronique haïtien enflamme maintenant les pistes de danse d’un bout à l’autre du pays.
Le raboday [ra-bo-daï] est un rythme de musique traditionnelle joué au tambour. Il fait parti des centaines de rythmes vodous à la base de toute la musique haïtienne (dans la famille des rythmes dit Congo). C’est aussi le plus près du rythme carré de la musique électronique.
Au milieu des années 2000, des pièces comme Tchiriri de l’unijambiste angolais Costuleta enflamment Haïti.
Les DJ diffusent le kuduro à profusion. Impossible de prendre certains bus sans être bombardé de cette rythmique rapide et répétitive, même si peu de gens connaissent son origine.
Dans les mêmes années, les producteurs de rap s’intéressent au phénomène et y voient des similitudes avec le raboday. Le rap haïtien se mélangeait déjà parfois avec des échantillons de musique plus classiques. Barikad Crew, le plus connu des groupe hip-hop, avait déjà repris le refrain du groupe konpa Coupé Cloué pour l’un de ses plus grands succès, Banm afèm (« Donne-moi mon affaire »).
Juste après le séisme du 12 janvier 2010, le DJ qui accompagne Barikad Crew en tournée lance sa propre musique raboday avec l’aide du plus prolifique producteur du genre, G-Dolf. La chanson Anba dekonb (« Sous les décombres ») de Tony Mix devient un succès instantané. Dans un humour assez noir, l’artiste y liste ses proches qui ont survécu, ou non, au tremblement de terre. Pendant trois mois, il était pratiquement impossible de se déplacer sans entendre le rythme de ce qui est probablement devenu le plus gros succès raboday à ce jour.
Dès le départ, cette musique s’adressait aux clubs. Elle est connue pour ses paroles assez suggestives, sinon vulgaires, bien que certains groupes s’en servent pour faire des revendications plus politiques.
Plusieurs DJ offrent aussi leur propre version remixée des plus grands succès raboday. Ils remixent aussi très souvent les succès rap et pop en raboday.
Du raboday au zokiki
Les fêtes raboday ont été associées à celles du « zokiki » où, selon les autorités, des adultes profitaient des pistes de danse sombres pour forniquer avec des adolescents. Le commissaire du gouvernement, chargé de la sécurité publique, a fait de la lutte aux zokiki son cheval de bataille en 2011 et 2012, ce qui lui a valu le surnom de commissaire Zokiki.
Ceci n’a fait que raviver l’image rebelle associée à cette musique et renforcer sa popularité.
Le plus gros succès raboday cette année se nomme Fè Wana mache.
Un chanson plutôt sexiste dont la réponse sur le même rythme par une femme est presque aussi populaire que l’original.
Twitter: etiennecp